forme de cercueil, qui paraît avoir été creusée de main d’homme, on ne sait
pour quel objet.
Le Club alpin français y a, fort à propos, fait installer un belvédère, avec
échelons, rampes, etc., qui en rendent l ’abord facile.
Le manoir de Capluc a donné son nom à une ancienne famille, dont Bernard
de Capluc (vers 1230) est le premier membre connu. Faute de descendance mâle,
il passa en 1304 à la maison d’Albignac de Peyreleau. ( V. p. 95.) Les seigneurs
de Capluc eurent de vifs démêlés avec ceux du voisinage : en 1329 même un
Mostuéjouls enleva la place et la mit à sac. Au village du Rozier, un lieu dit
porte encore le nom de Champ de castre; ici sans doute campaient les armées
assiégeantes.
Une autre fois, le sire de, Capluc, bloqué dans sa forteresse et réduit par la
famine aux dernières extrémités, eut recours à un stratagème qui le sauva.
Il donna à son cheval ce qui restait de blé dans la place, et le lança, pardessus'
les remparts, au milieu des agresseurs 9 ceux-ci, jugeant, à la vue d’un
animal si bien nourri, que le fort était abondamment pourvu de vivres, levèrent
immédiatement le blocus.
Quand on s’élève derrière Capluc, entre les donjons naturels écrasants quiden-
tèlent la crête étroite descendant du causse Méjean, le spectacle devient admirable
: là commence la promenade du tour de la pointe du causse Méjean par
les corniches, à 400 mètres au-dessus des rivières et à 100 mètres au-dessous du
plateau ; on gagne d’abord lé versant du Tarn par le col et le rocher des Deux-
Canons, où l ’on se trouve littéralement suspendu entre les deux gorges prodigieuses;
suivant la direction du nord à l’altitude moyenne de 800 mètres ,
on contourne le rocher de Franc-Bouteille, puis les deux obélisques naturels
de Saint-Pons ; le ravin des Eglazines, le Mas-de-la-Font, le cirque de Saint-
Marcellin, le pic de Cinglegros, la fosse du Tarn enfin, se profilent ou se projettent
sous des aspects non moins merveilleux que ceux déjà vus en bateau ou
de Ta pointe du causse de Sauveterre. De plus, on touche du doigt la courtine
monstrueuse (ait. 914 m.) si belle à voir de la vallée; on contourne ses redans,
on traverse ses embrasures, on passe la tête par ses meurtrières.
L’u n d e s r o c s a reçu le nom de rocher du Midi, parce qu’un j eu de lumière y
indique l’heure aux habitants de la vallée du Tarn en aval : à midi, en effet, toute
la muraille est dans l’ombre, sauf une étroite saillie qui, brillamment éclairée, sert
de gnomon à ce cadran solaire d’un nouveau genre !
A 100 ou 150 mètres en contre-bas vieillissent et s’achèvent les ruines de l’ermitage
de Saint-Pons, qui dominent encore le Tarn de 300 à 250 mètres. On y
arrive par deux chemins, soit do Capluc, à mi-côte, soit du Tarn même, par le
sentier qui monte de Plaisance à Cassagnes. Ces ruines se composent de quelques
murs à portes cintrées et d’une petite chapelle à moitié détruite, avec abside romane,
le tout rémontant au moins au xie ou au x n' siècle, car on y a trouvé des
monnaies de cette époque, et adossé à un roc surplombant qui forme en même
temps toiture et muraille de fond. A côté s’ouvrent deux grottes sans intérêt,
où des fouilles, sommaires il est vrai, n ’ont rien produit. Le petit sanctuaire était
l ’objet de deux dévotions particulières : les riverains du Tarn allaient y demander
la pluie, et les mères la guérison de leurs jeunes enfants. Au pied des grands
escarpements, le site est d’un pittoresque achevé. Aucune donnée historique
certaine ne subsiste sur l ’ermitage de Saint-Pons ; probablement fut-il bâti p ar
quelque religieux du monastère de Rozier soucieux de la vie contemplative, ou
encore pour Servir de refuge en temps de guerres et de pillages.
La halte du déjeuner se fait tout naturellement à la fontaine du Tel, où ne
tarit jamais l’eau la plus pure; puis, laissant à gauche les formidables bastions
surplombants du Clot, hanté par les aigles, on traverse le bout du causse par le
hameau de Cassagnes (environ 900 m.).
En passant derrière le Cinglegros au nord et en allongeant la course de trois
à quatre heures, on pourrait, par Volcégure et la Bourgarié (866 m.), aller visiter
le même jour le pas de l’Arc et le mont Buisson (1,069 m.), d’où l’on rejoindrait
Cassagnes à travers champs : les cotes 997 et 898 marquent la direction de la
descente. De' Cassagnes, le retour s’effectue par le sud et le versant de la Jonte, au
milieu de ravins, abîmes, tours, piliers et statues géantes, dont rien ne donne
meilleure idée que l’élégant Vase de Sèvres; ce monolithe a 20 mètres de hauteur ;
une rouge falaise de dolomie, élevée de 100 mètres, lui sert de support; un autre
pilier analogue et de même taille lui fait pendant, et tous deux couronnent une
sorte de cirque profondément évidé dans l’escarpement et qu’on a très justement
dénommé le Portique des Géants; tout près encore, un troisième champignon,
plus petit, rappelle à s’y tromper une tète de caniche. On circule là parmi la
procession de rocs si étrange à contempler du rocher Fabié sur le causse Noir.
(F. p. 106.) Enfin, avant de rejoindre Capluc, on contourne les flancs abrupts
du ravin des S ix Echos, où le son se répercute six fois entre les falaises. Sur tout
ce parcours, le regard éperdu a peine à distinguer la Jonte et Peÿreléau au fond
d’un précipice de 1,200 pieds. Nulle part le mot de corniche n ’a été mieux appliqué
qu’à cette promenade, car, durant les cinq à six heures qu’elle demande
(sans le détour du pas de l’Arc), on chemine sur d’étroites terrasses ménagées par
les eaux des anciennes grottes en plein travers de murailles à pic. ( V. cbap. XXIII.)
Cette excursion est assurément l’une des plus belles de la contrée, et lés voyageurs
pressés devraient peut-être la préférer à celle même de Saint-Michel.
(F. p. 106.)
CHAPITRE VI
AUTOUR DE PEY R E L EA U
Peyreleau. — Le Rozier. — Le. tré so r du château de Triadou. -7 - Les., salades du marquis
d’Albignac. — Panorama du point 815. — Le pont des Ârqs. — La vallée du Tarn. — Peyre-
lade. — Le connétable d’A rm a g n a c /.SU n e page d’histoire de France. — Les ruine s et le chien
de Saint-Jean-de-Balmes. ’— L’ermitage Saint-Miche];. — Jean Grin le loup-garou. — La corniche
du causse Noir. — Le cirque de Madassé.
P a r 385 mètres d’altitude environ, la Jonte, issue du couloir d’entre causse
Noir et causse Méjean, fait sa soumission au T a rn , échappant lui-même à
son canon. Au bec de confluent se trouve la limite des deux départements de
l’Aveyron et de la Lozère.