Dans I’eSt et le midi de la France, on les nomme baume, balme, beaume,
baoume, du mot provençal baou, rocher. ( L it t r é ) .
Certains auteurs ont voulu établir entre les cavernes (de càve) et les grottes
des distinctions basées sur les différences de dimensions : il n ’y avait pas lieu de
le faire : les deux mots sont synonymes.
Sans plus de raison, l ’Autrichien Schmidl appelait Hoehlen (cavernes) les cavités
à cours d’eau, et Grotten (grottes) celles à sec.
Les anciens avaient peur des grottes, qu’ils appelaient plutonia, specus, spe-
lunca, spelæa, antrum, caverna.
« Leur obscurité mystérieuse, leur profondeur inconnue, certains bruits souterrains,
dont les frayeurs populaires exagéraient la violence et dont on ignorait
les causes, les cours d’eau qui s’engouffraient dans ces cavités pour ne-reparaître
qu’à de grandes distances, les sources qu’on voyait s’en échapper, à des époques
fixes avec une plus grande abondance, puis s’interrompre brusquement, la
disparition subite des animaux qui s’approchaient de ces gouffres, les exhalaisons
délétères qui souvent s’en dégagaient, et d’autrescirconstances non moins naturelles,
mais difficiles à expliquer pour le,commun des hommes, contribuaient à
rendre les cavernes un objet de terreur et de superstitions. » (J. D esnoyers.) ,
Sous terre,:les grottes se prolongent sinueusement plutôt en longueur qu’en
hauteur ; elles se ramifient de tous côtés et à tous les niveaux en un grand
nombre de hautes salles, de petites chambres et de longues galeries, au milieu
desquelles s’ouvrent parfois perpendiculairement, dans les planchers et dans les
voûtes, des gouffres, abîmes ou cheminées très profonds ou très éleyés.
Les issues, ou plutôt les entrées, n’ont aucun caractère fixe, présentent toutes
les dimensions, depuis le terrier de lapin jusqu’au porche immense de cathédrale,
et s’ouvrent partout, au flanc des ravins, dans les parois des falaises à pic, à la
surface des plateaux, et jusque dans le lit des rivières.
Quoique les terrains calcaires soient les plus riches en cavernes, ils n ’en ont
cependant pas le monopole exclusif.
On en rencontre aussi dans le gypse, pierre à plâtre, notamment près d’Eisléhen,
en Thuringe, où une caverne a 800 mètres (?) de longueur ; ÿf- dans les grès (petites
et dues aux éboulements et aux superpositions de blocs) ; — dans les terrains
sali/ères (produites p ar dissolution du sel gemme); — enfin dans les terrains
volcaniques (érosions sous le s coulées de lave ou vides résultant du refroidissement
et des explosions) : grotte de Fingal, dans l’île de Staffa ; grotte des Fromages,
à Bertrich-Baden, près Trêves.
Personne n ’ignore que le revêtement de concrétions cristallines' dites stalactites
et stalagmites qui orne l’intérieur des grandes grottes a toujours été un
sujet de juste-admiration pour les touristes :
« C’est leur abondance qui a contribué au plus; ou moins de célébrité des
grottes les plus anciennement connues ; il n ’est pas d’objets naturels ou artificiels
qu’on n ’ait cru y reconnaître. Isolément, on y a vu des glaçons suspendus, des
fontaines subitement congelées, des fleurs, des fruits, des ifs, des palmiers et
d ’autres' espèces d’arbres avec leurs rameaux, toutes les figures imaginables
d’animaux vrais ou fantastiques, tous les groupes possibles de formes humaines,
des momies, des fantômes. En objets d’art, on y voyait et l ’on y décrivait surtout
des statues drapées et voilées, des vases, des lustres, des candélabres,, des pyramides,
des trônes, des obélisques, des tours, des autels, des chaires à prêcher-,
des tuyaux d’orgues, des cierges pascals. Les groupements de stalactites et de
stalagmites, diversifiés à' l’infini dans chaque salle, ont fait donner des noms
particuliers à chacune d’elles. Il n ’est pas de cavernes où l’on ne distingue ses
différentes parties sous des noms tels que ceux-ci : le calvaire, le temple, la nef,
la tribune, le théâtre, les berceaux, la salle de bal, les tombeaux, les trophées,
la laiterie, et une foule d’autres, qui n ’ont rien de plus réel que les formes fantastiques
dues au hasard, créées par les caprices de_ l’imagination et qui n ’offrent
point à tous les curieux visiteurs les mêmes physionomies. » (J. D esnoyers.)
Nous verrons au chapitre »XXIII comment les grottes sont dues à la fois
aux cassures du sol terrestre et à l’action de rivières souterraines1.
Ile de Staffa et grotte de Fingal- (Écosse).
Pour le moment, nous ne voulons que montrer le mode de formation des stalactites
et stalagmites :
«E n pénétrant lentement dans le sol, quelle que soit sa compacité, l’eau de
pluie se charge par dissolution de substances diverses, notamment d’acide carbonique.
A la température ordinaire, on compte qu’il faut 80,000 parties d’eau
pure pour dissoudre I partie de carbonate de chaux. » (De L a p p a r e n t , p . 324.)
Mais quand l’eau de pluie s’est imprégnée d’acide carbonique, tant dans
l’atmosphère que dans sa traversée de la terre végétale toute remplie de corps
organiques en décomposition, il suffit de 900 à 3,000 parties de cette eau (en
poids) pour dissoudre 1 partie de calcaire..
1. Pour les caractères généraux des cavernes, la définition et la formation des stalactites et stalagmites,
consulter de préférence l’excellent chapitre consacré à ce sujet dans la Terre, d’ÉuséB R e c l u s ( t . 1“ , les Continents,
p, 356; Hachette, in-8»); ou encore d e L a p p a r e n t , Traite de géologie (Paris, Savy, in-8°) ; D a o b r b e ,
les E a u x souterraines (Paris, Dunod, 1887); L . F i g u i e r , la Terre et les Mers (Hachette, in-8°) ; F r u h w i r t h ,
Zeitschrift du Club alpin allemand-autrichien, 1883/et.1881’; J . D e s n o y e r s , Article grottes (F. p. 145), etc,