Saint-Martin-de-Londres (906 hab. la comm., 768 aggl. ; curieuse église romane
et croix de cimetière), la route laisse à gauche une grande voie descendre à
Montpellier, et, toute banale, elle Unit par atteindre Aniane.
Mais à 3 kilomètres au nord de Saint-Martin-de-Londres elle franchit le ruisseau
souvent sans eau de Lamalon, qui, par 11 kilomètres de replis, conduit les
eaux d’oragn à l’Hérault, presque en face d’Embougette et du confluent duBuèges;
or la partie moyenne de ce sillon tourmenté est un des plus curieux ravins de
toutes les Cévennes. Les touristes le délaissent, et les géographes l’ignorent
encore : m par l’amont ni par l’aval, ni de la route ni de l’Hérault, on ne peut
y accéder ; des murs de rochers hauts de plusieurs mètres, tonnantes cascades
apiès les crues, barrent le lit on haut et en bas. De flanc seulement il se laisse
aborder, si 1 on vient du sud, du Mascla, à travers champs. Non moins capricieusement
que dans les dolomies des Causses majeurs, les eaux ont façonné les roches
en fausses ruines, et la multiplicité des portes et arcades naturelles a fait attribuer
à cette admirable portion du vallon le nom de ravin des Arcs : il est encagnonné,
d ailleurs, entre parois multicolores de 180 à 200 mètres de hauteur; la carte
même appelle Hoc Rouge un cap élevé d’où on en embrasse tout l’ensemble.
Dans les larges gours ou marmites des géants que les eaux anciennes y ont
creusés, il faut parfois, après les grandes pluies, se mettre à la nage si l’on Veut
visiter toute la gorge. Originale promenade s’il en fut, et fort rafraîchissante
lors des chaudes journées d’été. Certaines vasques ont plus de 100 mètres de '
diamètre.
C H A P IT R E XV
l ’a ig o u a l
Côte de Lespéroii. — Ruines de Notre-Dame de B onheur. — Pan o ram a de la Croix de fer. — L’Ai-
gouat. ■ Son .observatoire. — Sa vue: — La visibiïité à grandes distances et la prévision du
temps. — Les quatre chemins de l’Aigoual : Meyrüeis, Camprieu, Valleraugue, le Periuret —
La Séreyrède, une maison à cheval su r l ’Océan et la Méditerranée.
La route de Ganges à Meyrüeis par Valleraugue et Lespérou va nous ramener
au nord, selon le programme de l ’Introduction, pour visiter l ’Aigoual, les Cévennes,
Florac, la Lozère, Mende, le Gévaudan, l ’Aubrac.
Tandis que le chemin de fer d’Alais à Ganges et au Vigan remonte la vallée
de la Sumène, qui tombe dans l’Hérault à Ganges même, la route de Meyrüeis
su it le fleuve. Après avoir dépassé le confluent de la Vis, on voit à gauche la
svelte cascade d ' Aiguës folles tomber gracieusement d’un haut rocher sur la rive
droite de l ’Hérault.
A Pont-d Hérault (dû kil. nord de Ganges) se croisent la voie de fer et la voie
de terre, s unissent 1 Arre et l’Hérault, se séparent les routes de Valleraugue
et du Vigan. o
Quinze kilomètres plus loin, Valleraugue, à 364 mètres d’altitude, est un cheflieu
de canton(2,8S5 hab. lacomm., 1,228 âggl.),patrie du critique LaBeaumelle
(1727-1773), connu par ses démêlés avec Voltaire; du regretté général P e rrie r
(mort en 1888), q u ia été directeur de la carte de l’état-major, et du savant anthro-
pologiste et naturaliste de Quatrefages (né en 1810 au hameau de Berthezènes):
La route de Valleraugue à Meyrüeis, par les accidents du te rra in q u ’elle tra verse,
par les vues splendides qu’elle procure, p a r la variété des cultures et les
contrastes de climat qu’on rencontre dans son parcours, présente un réel intérêt.
De Valleraugue au pied de la côte de Lespérou,' elle suit la vallée étroite de
l’Hérault (nommé ici rivière de Malet), sur les bords d u q u e lso n t bâtis plusieurs
hameaux, entourés de mûriers ou de belles prairies plantées d’arbres à fruits.
La montée de’ Lespérou offrira au botaniste de puissantes ressources; il
cueillera à chaque altitude des plantes rares ou utiles et y trouvera à la fois le
poison subtil et des fruits savoureux : la digitale à côté de la framboise et de la
fraise.
Durant la lente et fastidieuse ascension des sept grands lacets qui portent
la chaussée de 624 à 1,270 mètres environ (au hameau de Lespérou), on s’élève ,
parmi de splendides châtaigneraies contre une paroi du cirque de la source de
l’Hérault (Y. p. 184), contemplant ensemble lé sommet nuageux de l ’Aigoual,
avec sa vieille tour de Cassini ; l’Hérault naissant, qui forme une belle cascade
au pied du bois de la Dauphine; le col et la maison forestière de la- Sereyrède
(1,290 m.); enfin le riant vallon parcouru depuis Valleraugue.
A Lespérou on atteint le plateau des sources océaniques (F. p. 184), laissant
à gauche deux routes, celle du Vigan au sud, celle de Saint-Jean-du-Bruel et
Trêves par la Dourbie à l’ouest. Le paysage devient insignifiant; le plateau est
composé de faîtes et de ravinements alternés, sans aucun cachet; le chemin,
moins accidenté, traverse des bois de hêtres et le col Fauvel (1,340 m.), passe la
source du Trévesel et suit la crête peu saillante (1,206 m.) qui sépare ce ruisseau,
au sud (1,166 m.), de son affluent le Bonheur, au nord (1,127 m .ji;'?
Un peu après le col Fauvel se détache vers l’est la route forestière en cons-
trudtion (37,000 fr. employés en 1889, 42,000 restant à dépenser ju sq u ’à l’achèvement
en 1891) qui doit monter à la Sereyrède et au sommet de l’Aigoual.
Elle remplacera le très mauvais chemin de chars qui va actuellement de Les-
pérou à la maison forestière, et dont les pentes, de 18 à 20 pour 100, sont funestes1
aux ressorts des voitures qui s’y risquent à la légère.
Après le moulin du Trévesel, la route de Meyrüeis gagne le versant du Bonheur,
le plateau, le village (1 ,1 1 0 m.) et l’ancien lac de Camprieu. Bramabiau
mugit à portée de nos oreilles ; mais nous le connaissons déjà.
Remontant le cours du Bonheur dans la direction du col de la Sereyrède, qui,
ouvert entre Lespérou et la -source de l ’Hérault, pourrait nous conduire à l ’Ai-
goual, allons visiter plutôt, au milieu d’une ferme solitaire, la vieille chapelle
de Bonheur, à 8 kilomètres à l ’est de Camprieu.
Le 21 février 1002, sous le règne de Robert n Henri de Roquefeuil fonda ou
agrandit (?) l’hôpital de Notre-Dame de Bonheur pour y recueillir les pèlerins et
voyageurs qui risquaient de se perdre dans les neiges en traversant la montagne.
La tradition voudrait que sainte Enimie elle-même eût fondé cet établissement :
il n ’y a rien de certain sur ee point. Le nom primitif était Bonum augurium
(Notre-Dame de Bon Présage), qu’une charte de 1180 altéra en Ecclesia et
domus de Bonahur, d’où Bonheur dériva tout naturellement.
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