la tonalité de .couleur de chaque étage, le relief des éperons ou la profondeur
des arceaux et des cavernes. Qu’il me suffise de dire que pendant 3 kilomètres
l ’oeil peut sê rassasier d’étude ou de contemplation au milieu d’une série de superpositions,
de corniches à grands entablements, d’arceaux nettement découpés
et figurant les vomitoires de cirques féeriques, ou de grandes saillies dont les
unes imitent des bastions turriculés,. d’autres des proues de navire. Tout cela,
dans des proportions anormales, dont les dimensions de l’amphithéâtre peuvent
donner une idée. » (L. de Malafosse.)
La partie véritablement circulaire n ’a pas beaucoup plus de 1 kilomètre de
diamètre : entre les., deux hameaux des Baumes-Hautes (ou Vieilles) et des
Baumes-Basses et les cotes 916 et 861 du causse.de Sauveterre, elle est encadrée
p ar deux contreforts de ce causse au nord et un évidement de la muraille du
Méjean au sud; sur la rive droite, elle forme le ravin des Baumes-IIautes, réel
demi-cercle au fond duquel, de gradins en gradins, des rangées de pyramides ou
d’obélisques naturels s’échelonnent jusqu’au sommet du plateau. Des champs
cultivés occupent ce qui pourrait être la plane arène de ce Colisée à la dixième
puissance. Quand on se tient au centre de cette arène, à quelques centaines de
pas de la rive droite du Tarn, .les contreforts du côté nord paraissent enfoncer
leurs pointes dans la paroi du côté sud, et l’on se trouve absolument enfermé
au fond d’un cylindre. Ici encore il importe d’a tte rrir quelques instants pour
bien apprécier toute l’étrangeté .de la scène. Il ne faut que trois heures pour
aller admirer le plus beau panorama du cahon entier au point 861, montant par
le sentier du fond des Baumés-IIautes et redescendant au Tarn par le ravin
voisin, celui des Baumes-Basses. Mais le détail de cette promenade appartient
au chapitre suivant. (F. p. 72.)
On sait que le mot baume veut dire grotte en patois ; il ne s’agit pas toutefois,
pour les deux hameaux perdus en cet angle de la gorge, de véritables
cavernes, comme à Pougnadoires, Ce sont des couloirs sous roche plus ou
moins profonds, ou bien de hautes et étroites fentes qui crevassent verticalement
la dolomie. Sous les surplombs et dans les fissures s’encastraient le s quelques
chaumières, dés Baumes-Hautes.
L ’inondation de 1878 bloqua les habitants, envahit leurs demeures et les mit
en danger de mort. Depuis, ils ont abandonné ces maisons construites sans
toits, et aujourd’hui le hameau tombe en ruine.
Les Baumes dites Basses, situées en aval, sont, au contraire, bien plus élevées
au-dessus de la rivière, et à l ’abri du gonflement des eaux. Deux ou trois grosses
fermes y. ont assez bon aspect,, et le. sentier, des piétons traverse les larges aires,
où elles battent leur blé. Entre les deux villages, un petit plateau porte une
maison blanche ': c’est un lieu de pèlerinage, l’ermitage de saint Ilère, évêque
de Mende, qui, au vne siècle, consacra sainte Enimie. Près de. la chapelle restaurée
sé trouve, dans un creux de .rocher, une source dont l’eau serait, au dire
des pèlerins, souveraine contre les maladies d’yeux.
De la plate-forme au seuil du sanctuaire, à 80 mètres au-dessus du Tarn, on
jo u it d’une merveilleuse vue d’ensemble sur le cirque, et- l’on converse très
curieusement avec.un résonnant écho d e là rive gauche.
En dépassant- les Baumes-Basses, on contourne;le contrefort occidental du
cirque proprement d it; ce cap.doublé, on voit s’ouvrir à droite et monter au
causse de Sauveterre le ravin des Baumes-Basses, qu’utilise le sentier de Saint-
Gèorges-de-Lévejac. Depuis longtemps déjà on pressent un nouveau change-
gement de décor, qui s’effectue enfin sur la gauche, droit au sud.
C’est le pas de Souey, la troisième merveille du canon, les deux autres étant
le Détroit et les Baumes., -
S u r .les pentes des deux causses, les falaises et les talus font place à des hérissements
de roches colossales, aux ruines d ’un effondrement général prolongé
ju sq u ’à la rivière ; le courant écume et tourbillonne de plus en plus ; de gros
blocs le parsèment; on perçoit comme le bruit d’une cascade; la navigation
Cirque des Baumes, vue. d’easemble.' — Phot. Chabanon.
devient impossible ; à peu de distance] le chaos fait barrage : là est la perte du
Tarn. ..
_.. Un excellent petit chemin de chars, ouvert depuis 1880, circule au milieu de
ce bouleversement, aussi saisissant d’aspect que celui de Gavarnie, dans les
Pyrénées, et rendu plus étrange encore par les trois roches de. VAiguille, de la
Sourde et de la Boche Bouge, Celle-ci est une belle muraille crénelée de la rive
gauche. Sur l’autre bord, à mi-côte et à ISO mètres de h auteur environ, le
grand monolithe de l’Aiguille, élevé de 80 mètres et légèrement penché en
avant, semble surveiller le Tarn, écrasé par l’écroulemënt. Le flot s’engouffre
sous les. blocs avec un bruit effroyable dans les grandes crues, puis remonte en
gros bouillons à 400 mètres environ de distance et reprend son cours aérien au
milieu de brisants qui peu à peu disparaissent.
« On monte ému à travers ces effroyables entassements, cherchant, silencieux,
à atteindre vite le sommet pour juger de l’ensemble. Arrivé là, on jouit