Les plantes aussi, mousses et cryptogames, sont jusqu’ici mal connues.
En dehors de l’histoire naturelle, on peut faire sous terre des observations
précieuses pour la géologie, la physique du globe (température, pesanteur etc. )
et diverses autres branches du savoir humain.
Bref, il y a véritablement une science spéciale, pour laquelle la France avec
son abondance de terrains calcaires, est un champ fertile.
La Eoehlenkunde (étude des grottes), la Hoehlenforschung (exploration des grottes),
la grottologie (si l ’on veut bien me permettre ce néologisme, seul capable
de traduire le vocable allemand) est déjà organisée en Autriche. En Istrie, plusieurs
naturalistes et alpinistes de Trieste conduisent depuis quelques années la reconnaissance
systématique des rivières souterraines du Karst, vraie terre promise
des cavernes. Ils ont parcouru et levé topographiquement de nombreux kilomètres
de galeries. On ne peut que souhaiter de voir l’exemple devenir contagieux ' .
Certes, les traités de géologie et de géographie nous trahissent maints secrets
des eaux souterraines et nous décrivent maintes grottes immenses, et celle du
Mammouth (Kentucky) n ’a pas révélé jusqu’ici moins de 240 kilomètres de
salles et corridors ; mais que l’on ne croie pas pour cela cette branche de la
science terrestre bien avancée; loin de là : le sujet n ’est qu’effleuré, et le hasard
seul a presque tout fourni; donc, en présence des merveilles,, déjà célèbres et
recommandées dans tous les Guides, d’Adelsberg, de Saint-Canzian, de Han-
sur-Lesse, de Rochefort, de Miremont, de Ganges, etc., que devons-nous attendre
d’une étude raisonnée, d’une méthode scientifique? La découverte de scènes
plus admirables encore et la résolution de problèmes physiques à peine posés
aujourd’hui.
Mais la tâche est dure à accomplir, car mille difficultés, de grands dangers
même, entravent les recherches au lointain des cavernes.
Les montagnes de neige ont leurs ouragans, leurs avalanches et leurs crevasses,
aux grottes sont dévolus 1 obscurité, les éboulements et les précipices noirs
où mugissent les torrents cachés. Comme escalades de roches, le labeur gymnastique
et les périls de chutes ou de glissades s’équivalent ; et l’absence de jour,
la nécessité des lumières artificielles, ne provoquent pas moins d’erreurs fatales
ou de situations critiques que le brouillard et les tourmentes glacées. Au mal
des montagnes fait pendant l’humidité, toujours incommodante,; e t sur le to u t
brochent parfois les émanations d’acide carbonique ou d’autres gaz délétères.
En revanche, quelles surprises féeriques, quels grandioses spectacles, quelle
fièvre enivrante d’inconnu, quand, dans une caverne neuve, forcée pour la première
fois, les hauts dômes étincelants de carbonate de chaux succèdent aux
longues galeries soutenues par de scintillantes stalagmites, reflètent leurs
plafonds constellés d’étoiles cristallines et frangés de draperies d’albâtre transparent
dans le miroir sombre d’un lac mystérieux, et aboutissent aux fracassantes
cascades d’une rivière écroulée dans l’abîme insondable! Et comme cadre
à ces tableaux sublimes, que toutes les, descriptions ont appelés palais des fées,
l ’obscurité pesante, impressionnante, déchirée par la lueur éblouissante des feux
électriques, comme une nuit d’orage par des faisceaux d’éclairs.
Pittoresque, difficultés et dangers se marient sous terre comme sur les monts,
et c’est pourquoi Ton peut bien dire que le grottisme (côté sportif de la grottologie)
1. Le célèbre grottologue Schmidl y a découvert et releve" 18 kilomètres de cavernes : — dans les Gausses,
nous avons déjà fait le plan de 10 kilomètres de grottes nouvelles.
est le verso (je ne veux dire ni l’envers ni le revers) de ce sport aujourd’hui
célèbre appelé Y alpinisme.
Le matériel du grottologue est fort embarrassant ; en voici lés principaux articles";
Téléphone portatif magnétique (système Aubry, construit par de Branville ;
chaque poste pèse en tout 400 grammes). Aucune descente de puits vertical n ’est
possible sans ce précieux engin : à 30 mètres de profondeur en moyenne la voix
humaine ne se perçoit plus, à cause de la résonance entre les parois, (F, p ..79.)
Bateau démontable : le plus pratique est celui d'Osgood, qui va être décrit ci-
après.
Pour les rivières souterraines étroites, une demi-futaille bien lestée est plus
commode, mais d’un usage éminemment dangereux, faute de stabilité.
Cordes de gymnastique (de 10 à 12 millim. de diamètre) et échelles de corde.
Echelle en hais de 6 mètres de longueur, démontable en quatre morceaux,
pour l’escalade de parois à pic. Les barreaux de fer que Ton scelle dans le roc
et que l ’on emploie beaucoup en Istrie sont encombrants par leur poids, et le
forage des trous où il faut les cimenter fait perdre beaucoup de temps.
Pile électrique portative.
Réflecteur à magnésium, avec mouvement d’horlogerie;
Fortes bougies stéariques de 3 à 4 centimètres de diamètre, ayec grosses
mèches; les bougies ordinaires s’éteignent trop facilement, soit par les mouvements
brusques qu’on leur imprime, soit par l’effet des courants d’air. L ’emploi
des torches résineuses, des feux de Bengale et des pièces d’artifice ou poudres
lumineuses doit être soigneusement proscrit; leur fumée aveugle, peut provoquer
l’asphyxie, est en tout cas très malsaine, salit les grottes, dont les parois se couvrent
de su ie ,e t empêche devoir les voûtes*. Même le seul fil de magnésium,
pourtant bien mince, devient gênant, par son dégagement de magnésie, dans les
espacés resserrés.
Il faut toujours avoir une bougie, pour être prévenu, p ar l’altération de sa
flamme, de la présence éventuelle de l’acide -carbonique. Une lanterne est nécessaire
aussi, pour éviter l’extinction par les courants d’air.
Briquets à amadou, pour suppléer aux allumettes devenues humides.
Petites cornes de chasse et sifflets variés, pour les appels et signaux de ralliement.
Pot de couleur blanche, pour faire des repères et assurer le retour dans les
galeries entre-croisées et les carrefours.
Le moyen le plus sûr de ne pas s’égarer est de dresser la plan topographique
à la boussole) au fur et à mesure de l’exploration.
Burins en fer, pour amarrerTechelle de corde faute de saillie rocheuse.
Gros marteau ou masse, pouf enfoncer les burins dans la roche et pour casser
les stalagmites qui obstruent les passages étroits.
Pioches ef. pelles, pour déblayer les couloirs obstrués par l’argile (il n ’ést peut-
être pas une caverne où les comblements postérieurs n ’aient empêché de constater
les véritables dimensions primitives du vide ménagé p a rle s eaux).
Dynamite et poudre comprimée. La dynamite, qui pulvérise tout surplace, est
préférable à la poudre, qui ébranle au loin les masses rocheuses; l’emploi le plus
circonspect devra être fait de l’une et de l’autre, car les éboulements constituent
1. C.’çsl ainsi, que les belles grottes de Ilan-sur-Lesse (Belgique) et de G anges (Hérault) ont perdu, sous
une épaisse couche de suie, presque tout leur scintülement, c’est-à-dire leur principal àtlrail. ( V. chap. X.)