iîtent de la moindre plate-forme. Dans beaucoup de ces jardins minuscules la terre
végétale a été apportée sur la tête des propriétaires, pelletée par pelletée, dans des
sacs. D’autres fois, entre des fissures, poussaient quelques herbes : on les a arrachées
pour semer des amandes. La roche, nue il y a un siècle, a vu se développer
ainsi une véritable forêt d’amandiers. D’après les statistiques officielles, c’est près
de 1,000 hectolitres d’amandes que l’on récolte aujourd’hui dans cette grande
conque rocheuse, semblable, au printemps, quand les pêchers et amandiers sont
épanouis, à une immense corbeille de fleurs) !
. Cette récolte forme une des grandes ressources du pays..
Le très ancien pont de Sainte-Énimie a été rebâti en 1706. L’inondation terrible
de 1875 l’a respecté, ainsi que celui de Quézac; surplus de 80 kilomètres, le Tarn
emporta tous les autres.
C’est ici que la route de Mende à Meyrueis et au Vigan franchit la rivière avant
de remonter sur le causse Méjean.
Le pont est à 480 mètres d’altitude ; le rebord du Sauveterre, à 973 et 943 mètres;
celui du Méjean, à 1,009, 1,022 et 1,097 mètres, soit 500 à 600 mètres de
creux pour 1,500 à 2,400 mètres ¿’écartement au sommet.
CHAPITRE II
L E CAÑON DU TARN. ----- DE SA IN T E -É N IM IE A LA MALÈNE
Navigation su r le Tarn. Pentes du Tarn e t du Rhône. — Les barques et leu r m a noe u v re . -
En bateau ou à pied ? — La citadelle du causse Méjean. —' Saint-Chély. — Le lac souterrain de là
Cénarète. — B aumes de Pougnadoires. — Pas de l ’Escalette. — Château de la Gaze. - - Bassin
de Hauterive. — La Malène.
La route de voitures venant de Florac s’arrête à Sainte-Énimie (1889) ; si l’on
ne veut continuer à pied, le moyen de transport change, e t’c’est aux bateliers
qu’il faut se confier pour la suite de l’excursion.
Le mode de locomotion ajoute dès lors beaucoup aux charmes du voyage ;
aucune route carrossable n ’a pu trouver place encore à côté de la riv iè re1, et
c’est en barque que l’on descend pendant 35 kilomètres, c’est-à-dire pendant un
jo u r et demi, tantôt doucement flotté sur les planiols ou plaines d’eau profonde
et calme, où le Tarn prend des a irs de grand lac, tantôt rapidement entraîné
par le courant sur le lit caillouteux des ratchs ou rapides.
Sainte-Enimie est à 480 mètres d’altitude, et le confluent de la Jonte à
385 mètres, soit 95 mètres de dénivellation et 2m,71 de pente par kilomètre.
Aussi, dès 1644, un savant géographe trop peu connu, le sieur Coulon, écrivait-il :
« Le Tarn descend des montagnes des Cévennes parmy les rochers et les précii.
Une route nationale du Rozier à Florac (route nationale n» 107 lis de Millau à Alais) par le canon est
votée et à l’élude depuis 1881 : en 1888, le premier coup de pioche de cette voie n’avait pas encore été
donne I
Y
pices du Gévodan, avec, tan t de b ru it et de violence, qu’il ressemble plutôt à
un torrent débordé qu’à une rivière, et porte plus de dommage que de profit. »
(Les Rivières de France. Paris, 1644, 2 vol. in-8Q.) La Rhône s’abaisse de la
même quantité entre l’Isère (107 m .) et la Durance (12 m.), mais sur 150 kilomètres
de parcours, soit 0m,63 par kilomètre ; d’Oberwald (1,370 m.), à 5 kilomètres
de sa.sourcei(l,777 m;-), ju sq u ’au lac de Genève-(375 m;)’, sur 155 kilomètres
de cours torrentiel dans le Valais, il a 6m,40 de pente ; de Genève
(375 m.-Jià Lyon (170 m.), 0m,93 seulement (220 kil.).
Lés barques sont de simples bateaux de pêche, des toues à fond plat, avec u n
arrière carré et très haut ;)leur avant, moins large, est protégé sur les deux faces
par une forte bande de fer. Elles ne peuvent changer de forme : la faible profondeur
du Tarn s’y oppose. Le confortable en souffre bien quelque peu, car
une rude planche posée sur les deux bords sert en principe de siège; on parvient
cependant parfois, à se procurer des chaises de paille. Il est ju ste d’ajouter
que les propriétaires des barques s’occupent activement de les rendre moins
primitives : un double fond à claire-voie protégera bientôt les pieds contre
î ’eau qui peut s’y introduire ; des bancs à dossier avec coussins en grosse toile
gonflés de paille ou de balle d’avoine permettront au touriste d’examiner sans
fatigue le ravissant défilé des décors qui se développe devant lu i; une couleur
passée sur les barques réservées. au transport des voyageurs leur donnera un
peu de cet aspect riant qui ne. peut nuire en rien au spectacle grandiose de la
nature.
Entre Sainte-Enimie et les Vignes, les embarcations donnent place à six voyageurs
; des Vignes au Rozier, à cinq au plus, car leurs dimensions sont restreintes
par lës difficultés de la navigation.
Les barques du T a rn 'a s su re n t seules lés transports agricoles. Mais leur
nombre diminue, car, pour remonter, les malheureux propriétaires doivent tirer
à la bricole le chargement de leurs récoltes. Aussi, dès qu’une vigne ou une
châtaigneraie e st accessible par un sentier, l’on substitue le' mulet ou l’âne à la
barque. Dahs une section, très restreinte il est vrai (des Vignes aux Baumes-
Basses), il y a même un cheval et une petite charrette.
La navigation se fait à la gaffe, munie d’une sorte de douille de fer, et à la
perche; nulle p a rt on ne se sert de la rame. Souvent, à la montée, un des bateliers
est obligé de se mettre à l’e au 'et de haler le bateau, soit à la ligne, soit à la
chaîne, tandis qu’un autre dirige avec la gaffe. Cela n ’arrive d’ailleurs que lorsqu’il
faut franchir les ratchs ou rayais; les planiols sont généralement trop
profonds pour que les hommes puissent marcher dans la rivière.
Pour se promener sans danger sur le Tarn, alternativement lac sans rides et
torrent furieux, il faut le connaître à fond. Beaucoup de ratchs ressemblent
plus à.des cascades qu’à des rapides* ; quelques-uns ont dé 1 à 2 mètres de chute
su r une dizaine de longueur ; d’autres sont coudés à 'angle droit et font ressac
1. « Si faciles à entamer que puissent être les roches d’un plateau , il arrive souvent qu’au milieu de
strates de faible consistance il s’en trouve qui résistent efficacement à l’action des eaux courantes; de la
des barrages, tantôt permanents, tantôt momentanés, en arrière desquels se concentre le travail mécanique
de 1 érosion et que la rivière franchit par des déversoirs, en attendant qu’ellepuisse les entamer. Tel est
encore aujourd hui le cas du Colorado ; sa pente, est brisée non par des cascades, mais par une succession
i; ‘ ■ CS’ “on j>oha™n marque la traversée d’un affleurement de roches plus résistantes. On peut dire que,
y e cour| il y a constamment alternative entre la condition de torrent et celle de rivière. » (De
L a p p a k e n t , Traité de géologie, 2° édit., p. 215.) — De même pour le Tarn.