tions scientifiques que ceux déjà établis depuis longtemps, au pic du Midi de
Bigarre, au puy de Dôme, au mont Ventoux.
(( Parmi les nombreux et magnifiques phénomènes de météorologie observables
sur l’Aigoual, surnommé le château d’eau de la contrée, il en est un
assez fréquent, que l’on peut étudier surtout au printemps, et dont voici la manifestation
la plus ordinaire. Après une n u it calme et sereine, toute la région
du midi se trouve, au ma tin , couverte de nuages peu élevés dans l’atmosphère
et que l ’on aperçoit du sommet de la montagne par leur surface supérieure.
Cette surface est couverte d’inégalités, auxquelles le soleil levant
donne plus de relief, en accentuant les ombres et lès parties éclairées ; on dirait
une vaste mer naguère agitée, dont les vagues sont restées tout à coup immobiles
dans un surprenant et majestueux équilibre. De rares sommets émergent
de cette mer silencieuse ; le mont Ventoux apparaît au loin, comme un Téné-
riffe vivement éclairé par le. soleil levant. Un pareil spectacle ne dure pas
longtemps • et se termine par une ascension lente des nuages, qui bientôt
cachent le soleil et couvrent la montagne d’une pluie fine et froide, parfois
mêlée de neige. Ce phénomène, qui, je le répète, n ’est pas rare sur l’Aigoual,
se produit surtout au début des grandes variations atmosphériques; il est ordinairement
amené par un léger courant du midi, humide et froid*. »
L ’Aigoual a deux sommets, distants de 2 kilomètres : l’un, de 1,564 mètres,
au nord; l’autre, de 1,567 mètres, au sud. Celui-ci est le signal de l’Hort-Dieu,
couronné par la tour de Câssini, qui forme niche; la vallée de l’Hérault tombe
à pic, mais une croupe porte un champ de fleurs, vrai paradis des botanistes2,
l’Hort-Dieu (jardin de Dieu) (1,304 m.). Un troisième dôme a 1,539 mètres.
On n ’est pas d’accord sur les conditions dans lesquelles on a lé plus de chance
de jouir au sommet d’une belle vue. Pour les uns, il est assez rare dé contempler
entier le panorama de l’Aigoual; et monter au lever du soleil, ainsi que
le font parfois dés touristes de Montpellier e t de Nîmes, c’est presque toujours
se préparer une déception. Il est préférable de faire l ’ascension au milieu du
jour, en choisissant autant que possible une journée de vent du nord.
Pour les autres, au contraire, c’est le matin et le soir seulement, quand le
soleil est bas sur l’horizon, qu’on peut distinguer la Méditerranée et les sommets
lointains des Pyrénées orientales et des basses Alpes.
En fait, quand le vent du nord soutient les nuages et les chasse vers la mer,
la vue est splendide : au sud, au delà des massifs de Lespérou, d’Aulas et du
Lingas, s’étend la Méditerranée, vivement éclairée, qui écume sur le brise-
lames de Cette, tandis qu’un peu plus à l’est, le pic Saint-Loup se dresse
comme une grandiose borne. Les villes, les villages de la plaine, font briller
au soleil leurs maisons blanches sur un sol fauve ; à l’ouest-sud-ouest sont le
Canigou et les Pyrénées, et, se profilant au sud, les côtes du Roussillon et de la
Catalogne, séparées et dominées par les Albères. A l’est se montrent le mont
Ventoux, les Alpines ou Alpilles, les Alpes maritimes ; au nord et à l’est, au-
1. F. M. Scipion B r i c k a Gis, Association française pour Vavancement des sciences, compterendu de-la huitième
session, à Montpellier, en 1879, p. 514; — M. V i g u i e r , Ibid., p. 51$ ; — M. le colonel P e r r i e r , Académie des
sciences, mai 1883 : Journal officiel du 4 juin 1883; — Constatations des phénomènes météoriques, le mont Aigoual
et le mont Lozère, par M. V i g u i e r : Bull, de la Soc. languedocienne de géographie; 1884, Montpellier; — L’Observatoire
de l3Aigoual, par J.-Léon S o u b e i r a n : Bulletin ibid., 1883; — G. F a b r e , VObservatoire de VAigoual, Bull:
de la Soc. d’études des sciences naturelles de Nîmes, 1888, 28 p.
2. P l a n c h o n , Flore de l’Aigoual: Bull.'de la Soc. languedocienne de géographie, t. II, p. 471.
dessus des'Causses qui s’enfuient au loin, sont les monts Lozère, les monts du
Bougés, toutes les Cévennes, les volcans de l ’Ardèche, les montagnes de la
Margeride, etc. ; à l’ouest, la vue se prolonge ju sq u ’aux monts d’Aubrac. Cet
ensemble de montagnes, de plateaux, de plaines, complété par la vue de la
gracieuse Méditerranée, est de toute beauté.
Il arrive aussi que, quand le temps est trop pur et le soleil trop brillant, la
lumière noie tout l ’horizon, et qu’alors le panorama n ’a plus rien d’enchanteur;
car en ce cas aucune pointe hardie ne forme de sujet principal qui captive la
vue : le Larzae et les Causses sont trop abaissés ; la Lozère a l’air d’un toit ;
les défilés de l’IIérault et des Gardons ne sont pas visibles ; tous les détails de
la plaine du Languedoc se perdent dans l ’éloignement ; au grand soleil, enfin,
la Méditerranée même se confond avec les vapeurs lointaines. En un mot, le
Observatoire de l’Aigoiial, à 1,567 mètres d’altitude.
cercle de vue n ’est pas assez accidenté. Bref, les jours sont rares où la vue intégrale
est concédée aux visiteurs de la montagne : un sur cent peut-être a tout
embrassé ; les autres'ont trouvé soit nuages et brouillards, soit trop beau temps
pour être si exceptionnellement fortunés. Trop beau temps, cela peut paraître
étrange et demande une démonstration. Nous aurons ainsi la transition nécessaire
pour aborder une intéressante question de météorologie.
On sait que la visibilité à de grandes distances exige un éclairage tout spécial.
Les jours sans nuages ne sont pas les plus favorables aux prospects
lointains ; c’est un fait établi depuis longtemps, et qui tient, croyons-nous, à la
cause suivante : peu de temps après le lever du soleil commence l ’évaporation ;
la chaleur du jo u r aspire de plus en plus fortement l’humidité de la terre ; et,
comme la vapeur d’eau qui tremblote et agite l’air au-dessus d’une chaudière
en pression, l’évaporation naturelle produit' dans les couches aériennes une
vibration constante ; ' de là ce chatoiement lumineux, cette nébulosité opaque
qui brouille la vue bien en deçà de l ’horizon sensible. Voilà pourquoi par un
ciel très pur on peut, du Mézenc (1,754 m.), par exemple [V. chap. XX), ne pas
apercevoir le mont Blanc ni même le Pelvoux. C’est ainsi que de l’Aig o u a l,
dont l’altitude. (1,567 m.) comporte un rayon visuel long de 150 kilomètres, je