Colorado, aux Etats-Unis (Arizona).. ( F. p. 6.) On doit écarter, bien entendu,
toute idée de ressemblance avec les régions glacées des grandes Alpes : il
n y a pas plus d’analogie entre le mont Blanc et les gorges du Tarn, entre le
glacier d’Aletsch et le -cation du Colorado, qu’entre le Partliénon et Notre-Dame
de Paris; ce sont deux ordres de beautés différentes; mais également admirables.'
Ce qui donne à ces cluses leur splendeur particulière, leur originalité, ce sont
les remparts dolomitiques1 qui constituent la plus grande partie de leurs
murailles ; remparts tout découpés, par les météores atmosphériques (gelées,
pluies, foudre et grêle), en créneaux, tourelles et donjons, soutenant les plateaux
comme d’immenses cariatides, tout bariolés par les sels de fer des nuances
les plus éclatantes du rouge, du jaune èt dë l’orangé; nulle part ailleurs que
dans les formations dolomitiques on ne trouve de telles orgies de couleurs, des
rocs aussi ruiniformes et des escarpements plus fantastiques,'
Quand on veut expliquer ou décrire les silhouettes que présentent les aspérités
de ces falaises déchiquetées, il faut continuellement se servir de termes empruntés
à 1 art des fortifications, e t lé vocabulaire en est bien vite épuisé.
Si l’on me permet de glisser ici. la note rapide de l’impression personnelle,
je dirai que j ’ai vu la Lozère après avoir passé douze étés dans lès Alpes et trois
dans lés Pyrénées, à courir les glaciers et les cimes neigeuses; je devais donc
être blasé su r lep spectacles de montagnes, et cependant les gorges du Tarn m’ont
tellement émerveillé, que j ’y suis retourné cinq ans de suite, et la cinquième fois
avec plus de plaisir que la première.
Je ne voudrais pas faire de comparaisons : en voyage, c’est un système détestable,
qui empêche de jouir du présent en détournant l ’attention vers le pa.ssé;
cependant,8! dois dire que les gorges d’Ispagnac à Peyreleau m’ont étonné comme
les Alpes dolomitiques. Il n ’y. a aucun parallèle á établir entre ces deux contrées,
si ce n est au point de vue de la géologie et de la coloration. Les murs roses et .
blancs du Sorapiss et dé l’Antelao ont quatre fois la hauteur des falaises des
Gausses; les. vallées d’Auronzo et de ' Cortina d’Ampezzo sont aussi larges, ~
riantes et fertiles que le puits de Sainte-Enimie est resserré, sévère et n u ;
néanmoins, la même stupéfaction indicible envahit l’âme dans ces deux régions.
J ai vu la Malène après le Monte-Cristallo (F. la gravure);'et j ’ai été surpris quand
même. Malgré la lecture des' plus enthousiastes récits, la réalité a dépassé ce
que mon imagination avait rêvé. Je voudrais maintenant connaître le Colorado,
pour éprouver encore la même émotion admirative qu’à Schluderbach et Pou-
gnadoires: je dis la même, et non une plus grande, car la nature n ’a édifié nulle i
part de plus extraordinaires constructions.
Et des voyageurs qui avaient parcouru, la terre entière, ou à peu près, ont
daigné venir au Tarn après leur tour du monde. Qu’oñt-ils pensé? Nous en
citerons trois seulement.
M. Albert Tissandier, l’aéronaute bien connu, une fois revenu du Marble canon,
a voulu voir ceux de la Lozère, et en a dit :« C’est moins grandiose, plus gai,
et admirable même après ¡’Amérique. »
M. Louis Rousselet, l’auteur de l’Inde des rajahs, a fort à propos traité de
. *• °.n “BPellô Momie une roche .composée de chaux et de magnésie, qui se prête mieux que 'toute autre
a la dégradation par les agents atmosphérique,s ; la bizarrerie de ses découpures lui fait appliquer souvent,
et avec justesse, l’epithète d erùm ifom e. (K"eh»p. XXI.)
moutons de Panurge les Français qui s’obstinent à revoir chaque année la Suisse
ou l’Italie et à ne pas visiter leur propre pays *.
M. Edmond Cotteau enfin, ce touriste doué du don d’ubiquité, qui sait voir tout,
si vite-et si bien, n ’a pas craint d’éprouver une déception dans le pays presque
ignoré des Causses. L’épreuve était sérieuse : la Lozère.en est sortie avec avantage
et a obtenu les éloges du voyageur,
' Ces trois autorités suffisait.
Et cependant les touristes n ’affluent pas encore en troupes nombreuses.
Yallëjé'd’Arrasas.— Beséin de F. Schrader,-'
f ' '(iGoramuniqùé par lé Club alpin.)
Les difficultés d’accès, l’insuffisance des gîtes, et surtout la lenteur avec
laquelle- se forment et s’établissent les réputations les plus légitimes,^sont, il
ne faut pas en douter, les principales causes qui ont retardé un mouvement
plus accentué.
Par bonheur, on a ouvert à l’exploitation (10 novembre 1888), entre Saint-
Floür et. Neussargues, le dernier tronçon du chemin de fer Grand central
français, la plus courte ; route dé; Paris à Barcelone par Clérmonl-Ferrand,
Arvant, le.pont de Garabit, Marvejols, Sévérac, Millau, Béziers et Perpignan.
Bien n’est plus propre à inaugurer pour les Cévennes une ère de prospérité.
1. Journal de laJcunesce de 1887; 1er semestre : Vacances de Pâques.