Les deux principales familles nobles de la contrée (Capluç et Albignac), que
de vieilles traditions représentent comme livrées à tqus les débordements de la
vie féodale, y avaient établi leurs repaires, plus semblables à des aires de vautours
qu’à des habitations humaines.
C’étaient ¡à toutefois de bien piètres seigneuries, et plus tard Simon d’Albignao,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Louis XIII, céda son titre de sieur
de Saint-Michel à l’un de ses nombreux bâtards; ceM-ci fit souche de bourgeois
au Rozier, au moyen des trente mille livres ajoutées par sonj>ère à la donation
des rochers qui formaient son apanage.
Entre Meyrueis et le Rozier, la rivière de la Jonte, en été, se perd, après le
moulin des Sourbettes, dans une fissure de son lit, lequel reste à sqc pendant
2 kilomètres environ.
Au-dessus du Moulin-Haut, à 800 mètres environ en amont du village des
Douzes, la Jonte reprend ses fonctions de rivière, grâce aux nombreuses fontaines
très rapprochées qui sourdent sur sa rive droite et lui donnent un volume d’eau
plus considérable même que dans les environs de Meyrueis. ;
Il existe en cet endroit une galerie taillée dans le rocher, qui plonge horizontalement
sous le causse Méjean et que l’on peut suivre à pied sec pendant une
partie de l’été. Au bout de,cette galerie, et à 40 mètres environ de son Orifice,
on rencontre une nappe d’eau assez profonde, et dont nul, jusqu’en 1887, ne
connaissait l’importance.
A la suite des grandes pluies d’orage, l’eau débouche par ce couloir en flots
énormes, colorés de rouge, de gris ou de jaune par le limon qu’ils entraînent, dans
leur parcours souterrain, à 800 ou 600 mètres au-dessous du niveau du causse. En
temps ordinaire, les autres sources voisines suffisent à débiter les eaux, qui viennent
très probablement d’un réservoir commun.
Cette fontaine temporaire des Douzes paraît être, de toutes lés sources connues,
celle par laquelle on aurait le plus de chances de pénétrer loin sous les
causses et de reconnaître leurs eaux souterraines. Deux essais ont déjà été faits,
et arrêtés, l’un par l’absence de matériel, l’autre par l’abondance du flot. Voici
comment M. Fabié raconte le premier :
| «.En compagnie de quelques amis, je résolus, en 1887, de chercher àme rendre
compte de l’importance de la nappe d’eau qui se trouvait au bout de la galerie
en question. Nous fîmes partir des fusées sur le lac; mais la fumée qui s’en
dégagea faillit nous asphyxier et rendit notre tentative infructueuse.
« Sur une longue planche nous plaçâmes ensuite une multitude de bougies
allumées, et, lançant à l ’eau cet esquif d’un nouveau genre, nous le poussâmes
avec une longue perche. Les résultats, sans être très concluants, nous décidèrent
à nous munir d’un bateau assez étroit pour passer dans la galerie sans subir
trop d’avaries. Une première tentative échoua, le bateau s’étant trouvé trop large,
« Après nous être procuré à Millau une nouvelle barque, nous renouvelâmes
l’expérience, qui réussit enfin, grâce à l’adresse-et à la persévérance de Louis
Armand, serrurier à Aguessac, dont je recommande aux touristes l’intrépidité et
le sang-froid dans toutes les circonstances difficiles.
« Partis du Rozier à 6 heures du matin; ce ne fut qu’à 4 heures du soir que
notre bateau put enfin voguer sur le lac souterrain.
« Pleins d’enthousiasme, nous quittâmes la rive pour nous enfoncer résolument
dans les flancs de la montagne.
« Après une navigation très courte (40 m. environ),, nous parvînmes àTautre
extrémité de la nappe d’eau. Là, à S mètres de hauteur, s ouvrait une excavation,
où nous pénétrâmes à l’aide d’une échelle que les gens des Douzes avaient bien
K l « 4 Placée h gauche,;nous conduisit dans une vaste salle
haute de 80 mètres (?), dont le plafond, le plancher et les parois sont recouverts
de stalactites et de stalagmites aux formes bizarres. I . ,,
« De cette excavation partaient une foule de galeries à sec, couvertes d un
sable de rivière très fin et contenant du mica. On remarquera que les souterrains
i ■ i____ ___ I « t t f m o o n l n u f n n i O A 1-1 il 1 m i l S f t
Source des Douzes. — Phot. G. Gaupillat.
trouve dans les galeries a dû être entraîné de fort loin par le cours d èau souterrain
dont nous avions perdu la trace momentanément.
« D'autres galeries finissaient, brusquement obstruées par le sable que les eaux
y avaient charrié. ;
« Nous marchions à la file indienne, munis chacun d’une bougie, et Louis
Armand dirigeait notre colonne.
« Ayant stoppé sur son ordre, il nous prévint qu’il était arrêté par un trou noir
et profond dans lequel il croyait percevoir de l’eau. A peine finissait-il de parler
que nous entendîmes le bruit d’un léger ébouloment, puis la chute d un corps
tombant dans l’eau d’une certaine hauteur.
« Il me serait impossible de décrire l’angoisse profonde qui s’empara de nous.
« Nous n ’avions pas même une corde de sauvetage, el, le premier moment de