Neussargues est tout près de Murât; le pont de Garabit attirera des -visiteurs,
que les beautés du Cantal retiendront ; l’ingrat Aubrac sera traversé sans ennui
au pied de la Margeride; le viadue de la Grueize, les gorges de la Colagne et lés
vieilles tours de Marvejols rendront ce charmant petit chef-lieu très fréquenté;
sur le parcours du Lot à»Millau, les allures de Semmering et les travaux de
Brenner d’une voie ferrée qui traverse le causse de Sauveterre à 818 mètres
d’altitude, feront vite concurrence au chemin de fer de Clermont à Nîmes ; en
moins d’un jour, Millau sera atteint; la diligence d’Anduze (Gard) et la traversée
du mont Lozère seront évitées ; les ingénieurs auront rendu la région des Causses
aisément accessible; les habitants, espérons-le, sauront, de leur côté, la rendre
agréable à parcourir et à habiter ! Ainsi seront révélées aux touristes de tous
pays les magnificences du haut Tarn et deMontpellier-Je-Vieux; ainsi sera consacrée
la célébrité des Causses et du Gévaudan!
Après tout ce que la mode a fait jusqu’ici pour la Suisse, le littoral méditerranéen
et les lacs d’Italie, il est temps vraiment qu’elle s’occupe un peu de la
Lozère.
Je.comprends que Ton soit plus pressé de visiter les glaciers des Alpes, les rives
do Monaco, Bellagio, Lugano et les îles Borromées, que les rocs et les canons
des Cévennes. Mais quand vous connaîtrez ces deux pays étrangers, les seuls
à peu près dont nos Parisiens moutonniers se permettent l’accès, n ’y retournez
pas sept à huit fois de suite par routine ou imitation : venez chez v o u s,
visitez la France et débutez par les Causses. Ce rte s, il n ’y a pas dans la
Lozère d’hôtel des Bergues ni de Schweizerhof ; mais tous les hôtes du moins
sont raisonnables et complaisants. Partout, dans les Cévennes, lès auberges
mêmes ont du bon vin, un ordinaire sain et bourgeois (truites, ' oeufs et laitage
au minimum), des tarifs modérés, et une affabilité qui remplace agréablement
le luxe.
La pauvre région des Causses n ’a que ses beautés pittoresques pour toute
fortune! Que les voyageurs s’y rendent ên foule : outre qu’ils y trouveront leur
satisfaction personnelle, ils feront vraiment acte de charité en apportant un peu
d’aisance dans ces pays grandioses qui en ont tant besoin et qui sont restés
ju sq u ’à présent si injustement délaissés.
Et ce n ’est pas aux dessins, aux photographies mêmes que l’on peut s’adresser
pour acquérir une idée, fût-elle très vague, de leur magnificence. La plaque
sensible est totalement incapable de faire comprendre la singularité de ces
paysages : elle rend monotones et sans relief la brusquerie et la rectilignité des
plans, qui sont, dans la nature, choses si saisissantes; quant au crayon, même
le plus habile, il supprime la richesse de ces couleurs ardentes, inusitées pour
nous, qui sommes habitués à ne voir que des roches aux teintes ternes.
Enfin celle débauche de nuances crues décourage le peintre; qui renonce à en
essayer la reproduction, si bien que l ’on ne se doutera jamais de ce que sont
les Causses avant de les avoir admirés sur place !
Aucun voyage n ’est instructif si Ton n ’a, avant de se mettre en chemin, bien
saisi les principaux traits géographiques du pays à parcourir. Voyons donc
quelle est la position relative des villes, rivières et montagnes que nous allons
visiter. Un coup d’oeil jeté sur la carte nous l’apprendra.
Le pays des Causses est un important lieu hydrographique, où les pluies du
ciel engendrent les sources à peu près mitoyennes du Tarn et du Lot, affluents
de la Garonne ; des Gardons, tributaires du fougueux Rhône ; de l'Hérault et de
l’Orb enfin, peu puissants, mais indépendants et fiers de leur rang de fleuve,
Vallée d’Arrasas (C o t a tu e r ò ) .Dessin de F. Schradër.
(Communiqué par le Club alpin.).
grâce auquel ils s’inféodent d’eux-mêmes, et tout comme le Rhône, à la souveraine
Méditérranée.
A grandes enjambées, suivons le cours de ces rivières ; nommons les villes