de quelques kilométrés seulement, fait mouvoir plusieurs usines avant de se
jeter dans l ’Hérault au Moulin-Neuf ; près de Brissac, un avenc permet d’aper-
Gevoir la nappe liquide intérieure, à 25 mètres environ en contre-bas ; le miroir
de l’eau scintille aussi dans une deuxième cavité, cette fois presque à fleur de
terre, à quelques mètres de l ’endroit où la source jaillit et se transforme bientôt
en rivière.
Au petit avenc inférieur on peut, grâce à l’eflbndremént de la voûte sur une
vingtaine de mètres, toucher presque la nappe liquide à ciel ouvert. L ’eau en
est froide et très limpide, et l’on y pêche de belles anguilles. On n ’a aucune
donnée certaine sur la profondeur du gouffre, qui paraît considérable.
N’est-ce pas un intéressant caprice de la nature que celui qui permet ainsi, au
moyen des avens des causses, des cénotés du Mexique, des foibes du Karst
istriote, des catavothres de Grèce et autres puits forés dans les calcaires, d’épier
le cours des rivières en amont même de leurs sources?
D’autres avens sont percés dans les flancs de la Séranne.
Le plus célèbre est celui de Rabane], où nous sommes descendus les 29 juin
et 3 juillet Î889, (F. p. 80.) Nous y avons renoontré, entre 170 et 212 mètres de
profondeur, le lit d’une rivière temporaire qui parait ne couler qu’après les
grandes pluies et s’y perdre dans d’énormes masses d’argile fissurée. ( F. le plan,
chap. XXIII.) Ceci explique comment la source de Brissac, située à 1,300 mètres
à flouest-sud-ouest et à peu près au niveau du fond de Rabane], se trouble et
devient vaseuse à la suite des orages.
La vallée du Buèges, au sud-ouest de Brissac, inconnue dés touristes, est très
pittoresque, d’aspect africain, au pied des escarpements gris et nus de la Séranne,
qui la dominent de 600 mètres : au milieu, le village de Saint-Jean forme un
tableau bien original, avec son pont du moyen âge, sou vieux château, et un
farouche roc en pain de sucre haut de 250 mètres.
Le Buèges a 15 kilomètres de cours e’ntre la Séranne et le çausse de la Selle.
A Méjanel, au pied de Peyre-Martine (782 m.), sa source ordinaire est. une foux
■puissante au fond d’un cirque très escarpé; elle se grossit parfois de courants
temporaires torrentueux, notamment du ruisseau de(Ponlel, qui court du sud-
ouest depuis 5 kilomètres. Il y a un moulin à l’altitude de 167 mètres. Une roule
unit Ganges à Pégairolles-de-Buèges.(204 hab. la comm., 131 aggl.), dont la tour
(290 m.), signalée par les officiers d’état-major, domine d ép lu s de 100 mètres
la foux du Buèges, sise à son pied nord. Sous cette même route, à Saint-Jean-de-
Buèges(614 hab. la comm., 607 aggl.), le ruisseau passe à moins de 140 mètres
d’altitude, et la crête de la Séranne, haute à gauche de 730 et 763 mètres, éloignée
à vol d’oiseau de 1,200 mètres seulement, doit lui cacher le soleil bien longtemps
avant son coucher. Enfin, de Saint-Jean au pont d’Embougette (confluent de
1 Hérault) le ravin du Buèges a encore 10 kilomètres de sinuosités : pas une
maison, à peine de chemins sur les rives, un ou deux ponceaux, plus de 200 mètres
^de creux, et parfois moins de 500 mètres de largeur au sommet!
j L Hérault, de Saint-Bauzille au village célèbre de Saint-Guilhem-le-Désert,
s abaisse de 50 mètres en 33 kilomètres ( lm,55 par kil. j; quelques moulins le barrent,
deux ou trois ponts le franchissent, mais 16 kilomètres et demi sur ces 33
sont dépourvus de routes, voire même de sentiers riverains; aucun bateau n ’avait
jamais effectué cette descente; en somme, plus de la moitié restait inconnue de
cet autre véritable petit canon, calcaire aussi, et profond de 150 à 400 mètres. Les
30 ju in et 1”' juillet 1889, dans notre canot d’Osgood (F. p ..150), nous avons,
pour la première fois, suivi le fleuve de Saint-Bauzille à Sairit-Guilhem : périlleuse
entreprise, à cause des innombrables remous et rapides qui barrent la
route; très fatigante surtout, car dans maints endroits, où les rives se trouvaient
à pic et le lit encombré d’écueils redoutables, il fallait se plonger entièrement
dans l ’eau, s’accrocher d’une main aux aspérités du roc et retenir ou diriger de
l’autre la frêle embarcation parmi les obstacles. Deux fois elle faillit nous
échapper, emportée par le courant très violent ; trois fois un ratch formant
coude nous je ta irrésistiblement sur les branchages qui hérissaient .les bords et
manqua de nous faire chavirer, sans parler des paquets d’eau embarqués qui
Château de Brissac. — Phot. Ghahâiapn.
auraient pu nous couler à pic ; ce ne fut pas précisément une partie de plaisir,
le labeur étant excessif pour deux hommes seuls,, et les portages par trop multipliés
: le plus grand planiol où l’on puisse naviguer à l’aise n ’a pas un kilomètre
de longueur ; nous dûmes opérer plus de cinquante débarquements. Aussi,
malgré l’ineffaçable souvenir laissé par le charme indicible du bain libre dans
l’onde limpide, du chemin inconnii à découvrir, du campement solitaire dans
une anse retirée, de l’admirable nuit d’été passée en plein air, à 4 kilomètres
de toute habitation humaine, et de la splendeur d’un ciel sans nuages, ne nous
sentons-nous nulle envie de la recommencer. Il 'est bien fâcheux qu’un Chemin
de piétons tout au moins ne se continue pas sans interruption sur là rivé droite,
car on admirerait là des sites'presque dignes du Tarn, là crête du sommet Bau-
dran (257 m.), leplaniol du moulin Bertrand, la cascade et le moulin des Figuièrès,
avec sa vieille tour de défense, la muraille de Pziéchabon(i82 à 505 m.) surtout,
haute de 400 mètres, longue de 3 kilométrés et verticale : à quoi bon décrire