on dirait que les eaux, après avoir édifié, sculpté, ciselé cette ville enohantée, ont
voulu rentrer sous terre de peur d’abîmer leur chef-d’oeuvre '
Malgré cette sécheresse, une végétation luxuriante égayé Montpellier-le-Vieux
tout comme 1 ermitage Saint-Michel: les pluies suffisent à abreuver des arbres
. énormes pins sylvestres, chênes et hêtres, que les proportions démesurées des
rochers font prendre, sur les photographies ou les/gravures, pour de maigres
arbrisseaux. Les houx et les ronces grimpent à l’assaut des murs et des colonnesI
les lierres venus entre les fissures profondes ont des racines grosses comme le
corps d un homme, et, parvenus à la lumière, étendent sur les surfaces rocheuses
leur tapis moelleux et brillant au soleil.
Cependant la profusion des broussailles n ’empêche pas la circulation ¡ presque
partout, dans Monlpellier-le-Vieux, on peut passer sans-effort; la plus amusante
et élémentaire des gymnastiques suffit pour forcer presque tous les couloirs,
escalader les plus hauts pinacles, se glisser dans les fentes étroites De
tous côtés on accède aisément au coeur de la cité, soit par Maubert et le causse
Noir, soit par la vallée de laDourbie et les ravins qui descendent des cirques • à
mulet meme on peut effectuer la visite des plus beaux quartiers.
_ Les botanistes trouveront un champ fertile dans Montpellier : l’arbousier officinal,
aux baies rouges employées dans la thérapeutique ancienne ('et à bon
escient délaissées aujourd’hui), reluit joyeusement dans toutes les fentes, tapisse
les creux et drape les parois.
« Les sables qui ont comblé les rues et les arènes constituent une couche
siliceuse d ou le calcaire est presque absent. Une flore toute spéciale1 donne à ce
sol une verdure inconnue à la région des Causses, et ces ruinés sont en bien des
endroits couvertes de plantes alpines, parmi lesquelles la plus remarquable par
ses belles touffes d un vert sombre émaillées tantôt de fleurs blanches, tantôt de ,
fruits d un rouge vif, est une variété d’arbousier connu vulgairement sous le
nom de raisin d’ours. » { D e M a l a f o s s u . )
Mais « ces terrains meubles sont peu favorables aux pâturages ; presque par-
tout 1 herbe manque. » ( T r u t a t . )
Au point de vue géologique, c’est comme phénomène de ruissellement que ce
site est remarquable. _
Parmi les exemples frappants de la.dégradalion et de l’altération de la surface
du sol par le travail mécanique des eaux sauvages (érosion, ruissellement, etc. Lies
traités de géologie citent d ’habitude les pyramides de terre du Finsterbach„ près
iJozeni ( fyrol), des Cheminées.des Fées, à Saint-Gervais (Haute-Savoie), du bassin
ae la Durance, dans les boues glaciaires; celles de la Vallée des Saints, près Boudes
(t'uy-de-Dôme), dans l’argile-éocène ; celles du Rio-Grande (Colorado, États-
Unis) dans les tufs Irachytiques ; les piliers et les arcades de la Suisse saxonne,
dans les grès, et de Monrèze.(Hérault);Mans les dolomies ( V. chap. XIII). Mais
aucun de ces sites n ’est une manifestation aussi éclatante que Montpcllier-le-
Vieux de la force corrosive de l’eau ; leurs aiguilles et.colonnes sont de proportions
plus réduites et né couvrent pas une aussi grande surface.
| Montpellier-le-Vieux est en entier compris dans une dolomie sableuse bai
f t S W î f P mo,ntana’ É l É S l É ï xranùneus, Heris' saxalilis, Adonis flammea, Myagrum perfoliitum,
Çybfu^argenteus, Sorbus aria, Centrantlms angnstifolius, Phytèuma orbiculare, ■
OE UBUB' ’ ï 0' t e characias, Neotüa Nidus avis, Phleum arenarium, Festuca duriusoula
blipa tortilis, btipa juncea, Stipa pennata, Polypodium dryoptevis, etc,. '
thonienne fort peu homogène, d’une cohésion très inégale et épaisse d’environ
ISO mètres.
L ’érosion seule a été l’ouvrier du travail merveilleux opéré aux dépens de ces
roches.
Sur une échelle gigantesque, les' eaux courantes ont enlevé les veines friables,
sableuses, de la dolomie ; ainsi se sont creusées les avenues, les grottes, les cor^
niches, les ogives, tandis que les noyaux plus compacts se dressaient en édifices,
en murailles, en champignons, dont la hase évidée et amincie témoigne de
l ’énergie du ruissellement. D’autre part, comme l’inclinaison de la zone entière
dessinait, du nord au sud en général, la ligne d’écoulement, l ’ensemble des rues
a affecté le parallélisme • qui rappelle si curieusement le plan des villes américaines.
A quelle époque géologique s’est effectué cet affouiltement formidable? Des
hypothèses trop hardies pour être même formulés ici peuvent seules répondre à
cette question.
Considérant, toutefois, la grande élévation e tl’isolementdeMontpelIier-le-Vieux,
qui se trouve comme posé sur une large terrasse en haut d’un socle pyramidal, on
est forcé d’admettre que l ’afflux des eaux ne s’est produit en ce lieu qu’antérieurement
au creusement des vallées environnantes; or ces vallées, taillées en
véritables canons, ont de 400 à 600 mètres de profondeur.. Llâge de Montpellier-
le-Vieux doit être, par suite, fort reculé.
La seule indication précise que l’on ait recueillie jusqu’ici est la suivante :
Dans le cirque des Rouquettes s’ouvre, à 733 mètres d’altitude, une grotte composée
d’une unique et grande salle ; au fond de cette salle, sous un mètre de sable
dolomilique non remanié qui forme tout le sous-sol de Montpellier-le-Vieux, on
a trouvé quelques ossements épars A’Ursics spelæus (fémur, calcaneum, vertèbres
axis et atlas, grosse canine, etc.). Ces os, il est vrai, ne gisaient pas en place ;
mais ils ne sauraient avoir été amenés là que par une débâcle diluvienne ; aucune
inondation de l’époque actuelle n’a pu les charrier en ce lieu, car il n ’y a
plus un filet, d’eau courante dans tout Montpellier-le-Vieux ni à la surface du
causse Noir. Donc, à l’époque déjà ancienne où des trombes abondantes enfouissaient
les restes de l’ours des cavernes, le cirque des Rouquettes était creusé
au moins jusqu’à 733 mètres, soit de 97 mètres, puisque son point culminant est
à 830 mètres (la Citadelle). Les cataclysmes aqueux qui, clôturant les temps
quaternaires, précédèrent la période géologique contemporaine, ont pu vraisemblablement
achever Montpellier-lè-Vieux ; ils ne l’ont pas construit à eux seuls.
Ainsi, élévation et isolement de la vieille cité, profondeur des vallées voisines,
présence de l’Ursus spelæus dans une grotte basse, voilà trois présomptions
graves en ce qui touche l’antiquité de Montpellier-le-Vieux.
Si l’on ne.peut préciser davantage l ’âge même de ces érosions; si l’on ne peut
déterminer non plus d’où venait le puissant courant qui les a produites, on est
du moins à même d’établir comment ce courant a fonctionné pour effectuer son
travail de désagrégation.
Coulant du nord sans doute, avec une force d’impulsion dont la cause reste
inconnue, il aura, balayant la surface du causse Noir, butté contre le bourrelet
de dolomies compactes qui forme le rempart, la circonvallation, le mur de clôture
de Montpellier-le-Vieux. Refluant en arrière et sur les côtés, l’eau aura :
1 ° trouvé une issue partielle en pratiquant les sillons latéraux des ravins qui