
de leur figure, donne à ces dîverfes efpèces
une phyfionomie extraordinaire.
Notion importante. Nous avons fî fouvent
employé jufqu’ici les mots genre, efpèce ,
variété y & nous ferons encore dans le cas
de les prononcer fi fréquemment dans le
cours de cet ouvrage, qu’il efi important de
déterminer le fens de ces dénominations,
& la différence qui les difiîngue. Cette explication
paroît d’autant plus néceffaire, que
peu de perfonnes en ont une idée précife,
& que plufieürs auteurs-, d’ailleurs très-recommandables
, les ont fouvent confondues.
L e genre efl un aflemblage d’individus réunis
par la conformité de leurs principaux, caractères
& par l’analogie de leur organifation :
aînfi on place dans le même genre le cygne y
Voie j le canard, parce que ces trois oifeaux
ont le dos également large & aplati ; le bec
pareillement plat, obtus, arrondi à l’extrémité
8c dentelé en fes bords ; les pieds courts, pofés
bors de l’abdomen -, & les trois doigts antérieurs
joints enfemble par une membrane
j intermédiaire, &c. Les caractères génériques
doivent être toujours pris de la forme extérieure
des parties principrles de Tanimal.
L’espèce efl une foudivifion du genre, établie
fur uii ou plufîeurs traits^ particuliers de
conformation : ainfî, dans l’exemple propofé".
le cygne, Voie , le canard appartiennent au
même genre ou à la même famille, par la
reflemblance de leur organifation ; mais ils
conflituent trois efpèces différentes , parce .
qu’ils font diflingués entr’eux par des carac- j
ïères particuliers : le cygne, par fon bec noir;
Voie, par le bec d’un rouge incarnat, avec ;
une petite tache blanche à l’extrémité; 8c le
canard, parle bec rouge avec une tache noire
a l’extrémité. Ce ne font pas les feules différences
qu’on obfèrve entre les oifeaux que
nous venons de nommer ; la diftribution &
la teinte des couleurs , la proportion des
membres, les dimenfions du corps offrent
plufieurs'autres diflinâions fpécifiques. Én général,
les caractères de Vefpèce doivent être
apparens, immuables, 8c fe perpétuer de génération
en génération.
La v a r i é t é , forme encore u n e foudivifion
dans l'efpèce ; elfe comprend à la vérité les
objets qui portent les mêmes caraâères fpécrfî-
ques, mais qui different accidentellement du
plus grand nombre des individus par de différences
légères & fugitives, telles que les di-
. menfions du corps, la teinte ou I’ordrejdes
couleurs, &c. La nature du fol, la température
du climat, l’état de domeflicité, la qualité
des vivres, font les caufes qui influent
le plus fur le grand nombre des variétés qu’on
remarque dans les oifeaux : car dans cet ordre
d’animaux,non-feulement les efpèces font très-
• nombreufes, elles font encore fujettes à fubir
une infinité de modifications. C’eff une fuite
néceffaire de la loi des combinaifons , dit M. de
Buffon, où le nombre des réfui ta ts augmente
en bien plus grande raifon que celui des élé-
mens ; c’eff* auffi une règle que la nature
femble s’être prefcrite à mefure qu'elle fe
multiplie; car les grands animaux qui ne pro-
duifent que rarement & en petit nombre,
n’ont que peu d’efpèces voifines 8c prefque
point de variétés ; tandis que les petits tiennent
à un grand nombre d’autres familles &
font fujets dans chaque efpèce à varier beaucoup.
Le nombre des affinités, çomme celui
des variétés eft donc toujours d’autant plus
grand que les efpèces font plus petites. Un
moineau y par exemple, une fauvette, line
mefange, ont une multitude de parens , c’eff-à-
dire, un grand nombre d’efpèces voifines &
a fiez reffemblantes, pour pouvoir être regardées
comme des branches collatérales d’une
même tige; Vautruche sut contraire, le cafoar, le
dindon y conffituent à eux feuls des races ifo-
iées, qui n’ont que peu d’efpèces dans leurs
familles, encore moins de variétés , & qui ne
préfentent que- des rapports éloignés avec les
oifeaux auxquels on les affimile. Ces conlr-
dérations générales fur les rapports qui exifi
tent entre lés individus qui compofent certaines
familles de petits oifeaux, font pré-
fumer qu’un grand nombre d’éfpèces font
originairement ilîiies de cette même foucbe ,
à laquelle elles tiennent encore par cette multitude
de reffembiances communes entr’elles..
Le peu d’o b fer va trous que nous avons fur les
habitudes naturelles dés oifeaux , viennent à
l’appui de cette conjecture : on fait qu’ils font
très-chauds j très-prolifiques; qu’ils s’unifient
fréquemment ; que lorfqn’ils manquent de femelle
de leur efpèce , ils fe mêlent volontiers
avec les efpèces voifines; 8c qu’ils produifent
fouvent dés métis, féconds, & non point des
mulets ftériles. On le voit par les exemples du
chardonneretdu tarin, du ferin, delà linotte?
les métis qui réfultent de ces alliances fortuites
, peuvent en s’unifiant produire d’autres
individus femblables à eux, & former
dé nouvelles efpèces intermédiaires plus ou
moins reffemblantes à celles dont elles tirent
leur orfgine : or tout ce que nous faifons :
par art, peut fe faire 8c s’eff fait mille fois 1
par la nature. Qui fçait, ajoute M. de Buffon ,
tout ce qui fe palfe en amour au fond des
bois? Qui peut nombrer les jouiffances illé- ;
gitimes entre gens d’efpèces différentes? Qui- ;
pourra jamais féparer toutes les branches bâ- ;
tardes des tiges légitimes, afligner le temps
de leur première origine, déterminer, en
un mot, tous les effets des pùi fiances de la
nature , pour la multiplication, toutes fes •'
reffourcesjdans le befoin, tous les fupplémens
qui en réfultent 8c qu’elle fçait employer
pour augmenter le nombre des efpèces, en
multipliant les intervalles qui les féparent ?
[STE-ux. La nature , qui a donné aux oifeaux la
facilité du vol 8c la rapidité du mouvement ,
a du auffi pour ne pas rendre ces facultés
nuifibles ou fuperflues, travailler avec plus de
foin les organes du fens, qui feul peut diriger
la vîtefle, 8c par lequel on puiffe comparer
les efpaces parcourus. En effet, les yeux de
la plupart aes oifeaux font plus parfaits que
ceux des autres animaux : leur grandeur excède
les proportions des yeux de l’homme 8c
des quadrupèdes : de plus , ils font revêtus,
par de fin s 8c en deflbus, d’une paupière, 8c
garnis intérieurement d’une membrane clifnonante.
La paupière fupérieure eft immo-
ile dans le dindon, le coq, l’oie, le canard f \
le moineau 8c le merle j dans la famille des pigeons
au contraire, & dans les oifeaux.nocturnes
, cette paupière efi mobile 8c Ve baiffe
vers celle d’en bas, lorfque l’oifeau prend les
douceurs du repos. La membrane clignotante
eft une efpèce de peau déliée, tranfparente,
pliffée en forme de croiftant dans le grand
angle de l’oe il, dont les mouvemenss’exécutent
au gré de l’oifeau 8c dont l’ufage con-
fifte à nétoyer , à polir la cornée 8c à tempérer
l’éclat de la lumière. L’organifation intérieure
de l’oeil offre encore quelques particularités
remarquables : la cornée tranfparente
efi environnée d’un cercle offeux, compofé
d’un grand nombre de pièces pofées à recouvrement.
Le criftallin efi plus ferme que celui
de l’homme , moins dur que celui des poil-
fons | 8c d’une forme lenticulaire (i). Enfin
( i) L’huméur criftilline, qui a la,forme d’un lentille
dans l’oeil de la piyjpart des oifeaux , eft entièrement
ronde dans lè cormoran» & petit être auffi dans les autres
oifeaux plongeurs ; cette difpofition particulière lui donne
il fort du nerf optique, entre la retine 8c la
choroïde, une membrane noire, d’une forme
rhomboïdale 8c compofée de fibres parallèles
; elle traverfe l’humeur vitrée 8c va
s'attacher quelquefois immédiatement, par
fon angle antérieur, quelquefois par un filet
qur part de cet angle., à lacapfuledu ctif-
taliin. C’eff à cette membrane fubtile , que
MM. les anatomiftes de l’académie des feien-
ces ont donné le nom de Bourfe (2.) ; d’autres
naturalifles l’ont appeilée membrane arachnoïde.
Son ufage, félon M. Petit , confifle à abfor-
ber les rayons delumière qui partent des objets
qui fon t'à côté de la tête &c qui entrent directement
dans les yeux. Toutes ces diverfes
parties , tant intérieures qu’extérieures , forment
par leur enfemble un organe très-fou-
ple &fort fenfible , qurfe renfle ou s’aplatit,
le couvre ou fe découvre , 8c qui prend aifé-
ment, promptement & alternativement, toutes
les formes néceffaires pour agir 8c voir parfaitement
à toutes les lumières 8c à toutes les
diftances. Cependant cette perfection dans la
ftruChire de l’oe il, ne produit pas toujours les
mêmes réfultats : on fait que les oifeaux de
nuit, tels que le hibou, la chouette 8c le grand-
duc j ont les yeux trcs-déiicats ; que leur pupille
fe rétrécit concentriquement au grand
jour; & qu’ils ne peuvent bien voir qu’avec
une lumière affoibiie : mais cette imperfection
du fens de la vue, prouve en faveur de la
fîneffe de l’organe qui reçoit la fenfacion,
puifque ces oifeaux ne voient mal que parce
qu’il voient très-bien, & qu’une trop grande
clarté irrite l’extrême fenfibilité de cesorganes.
la facilité de voir à une grande diftance les petits poif-
fons & les autres animaux donc il fait fa nourriture:
toute autre conformation lui feroit moins avantageufe.
' ( i) Dans les yeux d’un coq-indien, le nerf optique, qui
étoic fi tué fort à côté, après avoir percé la fderotique 3c
la choroïde, s’élargifloit & formoic un rond, de la circonférence
duquel il partoic. plufitars filets noirs qui s’u-
niiïbient pour former une membrane que nous avons
trouvée dans tous les o ife au x ... dans les yeux de
l’autruche t le neif optique j ayant percé la fdcrotiqus
& la choroïde , fe dilaroit & formoit une efpèce d’entonnoir
d’ ure fubftance femblable à la fienne, Cet entonnoir
n’eft pas ordinairemenr rond aux oifeaux où nous
avons prefque toujours trouvé l’extrémité du neir optique
aplatie & comprimée au dedans de l’oeil. De ccc
entonnoir fortoit une membrane pli/Tée, faifant comme
une bourfe qui aboutiftoit en pointe : cette bourfe qui
étoit large de fix lignes par- le b as, à la fortie du nerf
optique , & qui alloit en pointe vers le haut, étoit noire J
mais d’un autre noir que celui de la choroïde. Mém,
pourferyirà l'hifdire des anirn. p. 17 5 8c 303.