cri, le gain de fa vïâoire ; enfin, les chats
dégoûtés d’être dupes, fe font refufés au
combat.
Cette bufe avoit une averfion finguliere 5
elle n’a jamais voulu fouffrir de bonnets rouges
fur la tête d’aucun payfan, elle avoit l’art
de le leur enlever fi adroitement, qu’ils fe
trouvoient tête nue , fans favoir qui avoit
enlevé leur bonnet ; elle enlevôit auffi les
perruques fans faire aucun mal, & portoit
ces bonnets & ces perruques fur l’arbre
le plus élevé d’un parc voifin , qui jétoit
le dépôt ordinaire de tous fes larcins. . . .
Elle ne foufFroit aucun autre oifeau de proie
dans le canton ; elle les attaquoit avec beaucoup
de hardieffe & les mettoit en fuite :
elle ne faifoit aucun mal dans ma balle - cour ;
les volailles qui, dans le commencement la
redoutoient, s’accoutumèrent infenfîblement
avec elle 5 les poulets & les petits canards
n’ont jamais éprouvé de fa part la moindre
in fuite ; elle fe baignoit au milieu de ces
derniers, mais ce qu’il y a de fingulier, c’eft
qu’elle n’avoit pas cette même modéxaiionxhez
les voifins : je fus obligé de faire publier que
je paierois les dommages qu’elle pourroit leur
caufer ; cependant elle fut fuPillée bien des
fois , & a reçu plus de quinze coups de fufil
fans avoir aucune fraâure. Mais un jour il
arriva que planant dès le grand matin au bord
de la forêt, elle ofa attaquer un renard , le
garde de ce bois la voyant fur les épaules du
renard , leur tira deux coups de fufil ; le renard
fut tué & ma bufe eut le gros de l’aile cafie.
Malgré cette fradure, elle s’échappa des yeux
du chaffeur, 8c fut perdue pendant fept jours.
Cet homme s’éfeant apperçu par le bruit du
grelot, que c’étoit mon oifeau, vint le lendemain
m’en avertir. J’envoyai fur les lieux
en faire la recherche, an ne put le trouver;
êc ce ne fut qu’au bout de fept jours qu’il fe
retrouva. J avois coutume de i’appelier tous
les foirs par un coup de fifflet, auquel elle
ne répondit pas pendant fix jours ; mais le
feptieme , j’entendis un petit cri dans le lointain
que je crus être celui de ma bufe ; je le
répétai alors une fécondé fois 8c j’entendis
le même cri : j allai du cote où je l’avois entendu
& je trouvai enfin ma pauvre bufe qui
avoit l’aile caffee, & qui avoit fait plus d’une
demi lieue à pied pour regagner fon afyle,
dont elle n’étoit pour lors éloignée que de
cent vingt pas. Quoiqu’elle fût extrêmement
exténuée, elle me fit beaucoup de carelfes;
elle fut près de fix femaînes à Ce refaire 8c
à fe guérir de fes bielfiires : après quoi elle
recommença à voler comme auparavant &
à fuivre fes anciennes allures pendant environ
un an ; après quoi elle difparut pour toujours.
Je fuis très-perfuadé qu’elle fut tuée
par méprife ; elle ne m’auroit pas abandonné
par fa propre volonté.
On connoit encore en Afie, la maniéré
d’inftruire le pigeon, à porter & rapporter
des billets à cenc lieues de diftance ( 1 ). Ce
flratagême étoit connu des anciens , 8c l’on
fait que durant le liège de Modène , Decimus
Brutus,qui étoit enfermé dans la ville, en-
voyoit des lettres au camp des confuls par
l’entremife des pigeons, aux pieds defquels on
attachoit les dépêches (2). L’art plus grand
8c mieux connu de la fauconnerie nous démontre
, qu’en dirigeant l’inflind naturel des
oifeaux, on peut le perfedîonner autant que
celui des autres animaux. Ge qu’on raconte
de Cagami paroît prefqu’incroyable ; on dit
que non feulement il s’apprivoife avec facilité
, mais qu’il s’attache même à celui qui
le foigne avec autant d’emprelïement & de
fidélité que le chien : il en donne des marques
les moins équivoques, car fi l’on garde un
agami dans la maifon, il vient au-devant de
fon maître , lui fait des carelfes , le fuit ou
le précède 8c lui témoigne la joie qu’il a de
l’accompagner ou de le revoir ; mais auffi ,
lorfqu’il prend quelqu’un en guîgnon, il le
chaffe à coups de bec dans les jambes & le
reconduit quelquefois fort loin, toujours avec
les mêmes démonilrations d’humeur ou de
colère , qui fouvent ne provient pas de mauvais
traîtemens ou d’offenfes » 8c qu’on ne peut
guère attribuer qu’au caprice de l’orfeau, déterminé
peut être par la figure d épiai famé
ou par l’odeur défigréabie de certaines per-
fonnes. Il ne manque pas auffi d’obéir à la
voix de fon maître; il vient même au près, de
tous ceux qu’il ne hait pas,dès qu’il eft appelle;
il arme à recevoir des careffes, 8c prefente
fur-tout la tête & le cou pour fe faire gratter;
& lorfqu’il elf une fois accoutumé à ces
complaifances, il en devient importun & fem- *(i)
( i ) L e P. Hardouin obferve qae les habitans cPAlep,
en Syrie, (ont aujourd’hui en ufige d'envoyer les pigeons
a leur meHage , & qu’à cet effet on leur attache des
lettres aux pieds. .
( i) Pline rapporte cefa't; mais Ffontin, dans ces flra-
tagêmet prétend que ce fut le conful Hirtius , qui fît
parvenir de la forte, des lettres à Bru eus.
ï>!e exiger qu’on les renouvelle à chaque infant
II arrive auffi fans être appelle toutes
les fois qu’on eft à table , & il commence
parchaffer les chats & Ieschiens,& fe rendre le
maître de la chambre avant de demander a
manger; car il eft fi confiant & fi courageux
qu’il ne ne fuit jamais, & les chiens de taille
ordinaire font obligés de lui céder, fouvent
après un long combat, & dans lequel il fait
éviter la dent du chien, en s’élevant en l’air
& retombant enfuite fur fon ennemi, auquel,
il cherche à crever les yeux, & *qu’i! meurtrit
à coups de bec & d ongles : & iorfqu’une
fois il s’eft rendu vainqueur, il ponrfuit fonj
ennemi avec un acharnement fingulier &
finirait par le faire périr fi on ne les féparoit.
E n f in , il prend dans le commerce de l’homme
prefqu’autant d’inftinét relatif que le chien ;
& l’on àffiire même qu’on peut apprendre
à l’agami à garder & à conduire un troupeau
de moutons. Il parait encore qu’il eft jaloux
contre tous ceux qui peuvent partager les
carelfes de fon maître; car fouvent lorfqu’ii
vient autour de la table, il donne de vio-
lens coups de bec contre les jambes nues
des nègres ou des autres domeftiques quand
ils approchent de la perfonne de fon maître.
On lui attribue auffi le fentiment de la re-
connoilfance.Cét oifeau, dit M. Vofmaer(i),
eft reconnoiflant & diftingue fon maître ou
bienfaiteur par-deflus tout autre : je l’ai expérimenté
moi - même, en ayant élevé un tout
jeune; lorfque le matin j’ouvrais fa cage,
cette carelfante bête me fautoit autour du
corps, les deux ailes étendues, trompetant
(c’eft ainfi que plufieurs croient devoir exprimer
ce fon) du bec & du derrière, comme
fi de cette maniéré, il vouloït me fouhaiter
le bon jour ; il ne me faifoit pas un accueil
moins affeflueux quand j’étois forti & que je
revenoïs au logis : à peine m’appercevoit-il
de loin qu’il couroit à moi, bien que je fulïè
même dans un bateau ; & en mettant pied
à terre , il me félicitoit de mon arrivée par
les mêmes complimens, ce qu’il ne faifoit
qu’à moi feul, en particulier , & jamais à
d’autres.
Les kakatoès apprennent difficilement »parler
; il y a même des efpcces qui ne parlent
jamais ; mais on en eft dédommagé par la
facilité de leur éducation; fuperieurs aux autres
perroquets par le degré de leur intelli-
(i)Yofmaer, feuille .Amfterdam, 1768.
gence, ils écoutent, entendent Se obéiffient
mieux. On en a vu deux ( 1 ) , l’un mâle &
l’autre femelle , qui obéiffoient avec beaucoup
de docilité , foie pour étaler leur huppe,
foit pour faluer les perfonnes d'un figue de
tê te , foit pour toucher les objets de leur
bec ou de leur langue, ou pour répondre aux
queftions de leur maître avec le ligne d aflenti-
ment qui exprimoit parfaitement un oui muet :
ils indiquoient auffi par des lignes réitérés le
nombre des perfonnes qui étoient dans la
chambre, l’heure qu’il étoit & la couleur
des habits (2). _ ^
La cigogne fe prive facilement , s’accoutume
a relier dans les jardins qu’elle purge
d’infeâes & de reptiles, & fe livre à une
certaine gaieté , quand elle y eft excitee par
l’exemple ; car elle fe prête au badinage des
enfans en fautant & jouant avec eux. M.
Herman, profeffieur d’hiftoire naturelle à Straf
bourg, a vu dans un jardin , où des enfans
jouoient à la cligne-mufette , une cigogne
privée fe mettre de la partie, courir à fon
tour quand elle étoit touchée, & diftinguer.
très-bien l’enfant qui étoit en tour de pour-
fuivreles autres pour s’en donner de garde (j).
Le crik aune prédileâion marquée pour les
enfans ; il en affedionne quelques - uns de
préférence, ceux-là ont droit de le prendre,
de le tranfporter impunément; il les carrelle,
& fi quelque grande perfonne le touche dans
le moment , il l’a mord très-ferré. ^
Un ferin bien élevé, enchante par la juftelïe
delà voix mélodieufe, & par lexaditude
avec laquelle il rend les airs qu’on lui a appris
, puis ce qu’il y a de plus admirable ,
c’elt l’affeétion qu’il témoigne & les carelfes
qu’il prodigue-à la perfonne qui le foigne :
la linotte s’attache auffi avec autant de fen-
fibilité à ceux qui prennent foin de fon exil-
tence ; mais le bouvreuil les furpaffe tous par
fa docilité, par fes expreffions intéreffimtes,
par fon attachement perfannel. On en a vu
d’apprivoifés s’échapper de la voliere, vivre
en liberté dans les bois pendant l’efpace d une
année; & au bout de ce temps, reçonnoitre
(I) Ils éroient à la foire Saint-Germain au mois d .
■BwÉBH un fereîn auffi bien infttuit que ce kakatoès;
il connoilfoit parfaitement bien les cartes ; alioit prendre
avec fon bec celle qu’on lut demandoit ; & ctoi-
fiffoit pareillement les couleurs fur un afler grand nom.
bre d’échantillons. HH H H j l . « .
(3) Note communiquée a M. de Buffon , article de
la cicogne , vol. 13 , pag. 399. ^ ..