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garantir de toute Humidité 8c de toute exha-
laifon nuMible , telle que celle du charbon ,
de la braife , même de celle des oeufs gâtés.
En rempliflant ces deux conditions eflentielles
& en y joignant l’attention de retourner Tou-
vent les oeufs & de faire circuler dans le four
ou l’étuve les corbeilles qui les contiennent,
enforte que non feulement chaque oe uf, mais
chaque partie du même oe u f, participe à
peu-près également à la chaleur requife, on
réuflira toujours à faire éclore des milliers
de poulets.Toute chaleur eft bonne pour cela,
celle de la mère poule n’a pas plus de privilège
que celle de tout autre animal, fans en
excepter l’homme ( i; , ni celle du feu Polaire
ou terreftre, ni celle d’une couche de tan ou
de fumier ; le point efientiei eft de favoir s’en
rendre maître § c’eft-à-dired’être toujours
en état de' l’augmenter 8c de la diminuer à
fon gré : or il fera toujours pofîible , an
moyen des bons thermomètres diftribués avec
intelligence dans l’intérieur du four ou de
l’étuve , de favoir le degré de .chaleur de ces
différentes régions & de la mettre au point né-
celfaire pour l’incubatiorrfi).
N a is sa n c e des p e t it s . Enfin , après un temps
déterminé - par la nature,.les petits parvenus
aux portes de la vie, brifent les liens fragiles
& paroifient à la lumiete. C’eil une famille
foible, demandant avec une clameur confiante
leur nourriture. Quelle palfion alors !
Quels fentimens! quels foins affedueux s'emparent
des nouveaux parens ! ils volent tranf-
portés de joie, ils portent les morceaux les
plus délicieux à leurs petits , les diftribuent
également à tous & courent très promptement
en chercher d’autres. Mais hélas ! ce moment
de piaifir deviendra bientôt un temps
d’inquiétude: tout àl'heure ils auront à craindre
ces mêmes ennemis au-deftîis defquels
ils planoient avec mépris. Le chat fauvage ,
la martre , la belette chercheront à dévorer
(j) On fait que L iv ie , étant groffe , imagina de
couver & faire é lore un oeuf dans fon> fe in, voulant
augurer du fexe de fon enfant par le fexe du pouffin qui
viendroltveepoujjÇtf fut mâle & fon enfant auffi. Les augures
ne manquèrent pas de fe prévaloir du fa it , pour-mdn-
trer aux plus incrédules la ver-té de leur art ; mais ce qui
r?fie le mieux prouvé , c’eft que la cha’eur humaine ift
fuffifante pour l’ incubation des oeufs. Buff. h’ft. des oif.
tom. 1 1 1 , pag. 1 1 7 .
(a ) Ceux qui de/îreroient acquérir des conroiflances
plus^app ofondies fur l'incubation artificielle, peuvent
confulcer l ’ouvrage de M. de Réaumur, intitulé, l'arc
de faire éclore les poulets.
ce qu’ils ont de plus cher : la couleuvre rampante
gravira pour avaler leur progéniture;
quelque élevé, quelque caché que puifle
être leur nid ils fauront le d é cou v r ir l’atteindre,
le dévafler;& les enfans, cette ai*
niable portion du genre humain , mais toujours
malfaifante par défoeu vrement, violeront
fans raifon cest dépôts facrés de l’amour.
Quelle douleur pour la tendre mcrejlorfque ,
revenant le bec chargé , elle trouve fon nid
vîde& fes petits en proie à un ravifleur impitoyable
! Elle jette fur le fable fa provilion déformais
inutile: fon ailelanguiffante&abattue
peut à peine la porter fous l’ombre d’un arbre
voifin pour y pleurer fà perte. Là , livrée à
la plus vive douleur, elle gémit & déplore
fon malheur. Pourquoi le temps des grandes
joui (Tances eft-il toujours accompagné d’inquiétudes
cruelles même dans les etres
les plus libres 8c les plus innocens! N eft-ce
pas un reproche qu’on peut faire à la nature
, cette mère- commune de tous les êtres !
fa bienfaifance iTeft jamais pure ni de longue
durée. Ce couple heureux qui s’eft réuni par
choix j qui a établi de concert & confiant
en commun fon domicile d’amour 8c prodigué
les foins les plus tendres a fa faim lie naif-
fante, craint à chaque inftant qu’on ne la lui
ravifte ; 8c s’il parvient à l’élever, c’eft aux
dépens de fon repos & de fa tranquillité. Son
attachement fortifié par la vue de ces petits
êtres qui lui doivent Texiftence , s’accroît
encore tous» les jours par les nouvëanx foins
qu’exige leur foiblefle : qu’on en juge par
l’exemple de la poule qui fans celle occupée
du befoin de fes petits, ne cherche de la
nourriture que pour eux ; fi elle n’en trouve
point , elle gratte la terre avec fes ongles pour
lui arracher les alimens qu’elle recèle dans
fon fein,.& elle s’en prive en leur faveur :
elle les appelle lorfqu’ifcs s’égarent ; les met
fous fes ailes à l’abri des intempéries, & les
couve une fécondé fois. Elle fe livre à ces
tendres foins avec tant d’ardeur & de fouet
que fa conftitution en eft fenfiblement altérée
, 8c qn’il eft facile de diftinguer de tome
autre poule > une mère qui mène fes petits,
foit à fes plumes hériftees 8c à fes ailes trai
nantes, foit au fon enroué de fa voix 8c
à fes différentes inflexions, toutes expreffives
8c ayant toutes une forte empreinte de follr-
citude 8c d’affedion maternelle.
Le temps arrive néanmoins où les petits
parés de leurs plumes 8c impatiens de fortir
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de ï’aflujettiflement de leur enfance , eflaient
le poids de leurs ailes & défirent^ la libre
poflelfiondes airs. C’eft dans une foiree calme,
douce & tranquille , au moment où les rayons
du foleil s’affoibliflent, que cette jeune famille
parcourt du nid l’étendue des d eux,
jette fe regards dans les campagnes voifines
8c cherche un endroit ou elle puifle vofer,
Cei jeunes élevés fe hafardent enfin ; ils vol-
„„ tirent autour des branches voifines; ils vou-
■i droient prendre l’eflor ; mais ils 11’ofent fe
• hafarder jufqu'à ce que leurs parens les ex-
I hortent 8c les guident (1):enfin devenus plus
E hardis, ils prolongent leur vol peu-à-peu;
II & quand la crainte eft entièrement bannie 8c I. qu’ils fe trouvent en pleine jouilfance de leur être , alors les parens, quittes envers eux 8c 1 la nature , abandonnent avec joie leur fa-
§ mille à fes propres forces 8c s’en féparent
1 quelquefois pour toujours.
T endresse maternelle. L’affedion maternelle
j~ eft donc de toutes les paflîons des oifeaux,
§ celle qui eft la plus forte ; elle eft même plus
I profonde que celle de l’amour , puifqu’ici
» cette afledion l’emporte dans le coeur d’une
K mère, 8c lui fait oublier fon amour , fa Ir-
1 berté 8c fa vie. On n’en fera pas furpris fi
1 Ton fait attention que ce fentiment fait fur
§ le père & la mère une vive imprelfion; que 1 fon exercice dure aftez long-temps ; & qu’ils
H acquièrent relativement à l’éducation de leur
1 famille , dés idées qui leur deviennent auffi
I familières , que celles qui regardent leur pro-
[ ■ preconfervation individuelle: il femble meme
B qu’il exifte fou vent dans l’animal un intérêt
B plus vif qu’il ne feroit capable de l’éprouver
i pour lui-même- On voit des oifeaux , lorf-
B que les petits font menacés de périr par le
B froid ou la pluie, les couvrir confiamment
B de leurs ailes , au point qu’ils en oublient
B le befoin de fe nourrir 8c meurent quelque-
B fois fur eux; au rapport de Boërhave, une
1 hirondelle étant allée à la provifion, & trou-
« vant à fon retour la maifon où étoit fon nid
i embrafée, fe jetta au travers des flammes pour
. (1) On a obfervé que les aigles & les hirondelles, donnent
à leurs petits les premières leçons de voler en les
animant de la vo ix , en leur préfentant d’un peu loin la
nourriture, 5c en s’ éloignant encore à mefure qu’ils
s’avancent pour la recevoir : on en a vu encore les pouffer
doucement hors du n id , jouer devant eux & avec eux
dans i’a ir , comme pour leur offrir un fecours toujours
préfent , & accompagner leurs allions d’un gazouillement
fi expreffif, qu’on croyoit en entendre le fens.
porter nourriture 8c feconrs a fes petits ( 1).
La faim n’a point dans ces animaux-, des
fymptômes d’a&ivité pareils aux mouvemens
que leur fait faire le foin de fauver leur petits
ou de chercher ce qui convient à leur
nourriture. Le befoin de fecours qu’ont ces
êtres foibles, femble doubler le courage des
parens 8c produit ce caraétere de chaleur 8c
d’enthoufiafme , qui ne calcule pas le péril
ou qui le méprife (2). Une poule, qui fuit
à l’approche du plus petit roquet , s’élance
fur un dogue & fe bat avec intrépidité ,
lorfqu’il s’agit de défendre fa couvée : le merle
de roche fe précipite avec courage fur ceux
qui grimpent fur les rochers pour aller dénicher
fes petits, 8c tache de leur créver les
yeux , tant l’amour paternel donne de courage
aux animaux les plus timides! mais quelquefois
il infpire encore à ceux ci une force
de prudence & de moyens combinés pour
fauver leur famille. Lorfqu’on s’approche de
l’endroit où repofe le nid de la lavandière,
elle vient au devant de l’ennemi, plongeant
8c voltigeant comme pour l’entraîner ailleurs ;
& quand on emporte fa nichée , elle fuit
le ravifleur, volant au - deflus de fa tête,
tournant fans celle 8c appellent fes petits avec
des accens douloureux. Dans une circonf-
tance aulfi facheufe , les perdrix manifeflent
encore plus de rufe 8c de fineflè. Le mâle fe
préfente d’abord & prend la fuite; il s’envole
pefamment en traînant l’aile, comme pour
attirer l’ennemi par l’efpérance d’une proie facile;
& fuyant tou jouis aftezpour n’être point
pris , mais pas a fiez pour décourager le
chaffeur, il l’écarte de plus en plus delà couvée.
D’un autre côté la femelle qui part un
inftant après le mâle, s’éloigne beaucoup plus
8c toujours dans une autre diredion. A peine
(t) I l s’ agît ici d’une mère.. & d’une couyeufe; on
ne peut guère fuppofer qu’ elle fe foit précipitée dans les
flammes par définit d’expe-rience.
(2.) Les petits colibris, par audace de tendreffe, vont
jufques dans les mains du ravifleur, porter de la nourriture
à leurs pe-its. Je montrai au P. Monrdidier, raconte
Labat, un nid de colibris , qui étoit fur un appentis
auprès de la maifon , il l’emporta avec les petits,
lot (qu’iis eurent quinze ou vingt jours ; & les mit dans
une cage , à là fenêtre de fa chambre, ou le pere & la
mère ne manquèrent pas, de venir donner a manger a
leurs enfans, & s’apprivoiferent tellement, qu’ils refor-
toienc prcfquè plus de la chambre, ou, fans cage &
fans contrainte, ils venoient manger & dormir avec leurs
petits. Je lésai vu fouvent tous les quatre fur le doigt
du P . Montdidier, chantant comme s'ils euffent été fur
une branche d’arbre.