
le toucher de cette partie eft au moins aùfli
imparfait que dans les quadrupèdes , parce
que leur langue & leur palais font moins
fenfibles ; mais il pardît qu’ils i’emportent^fur
ceux-ci, par le toucher des doigts, & que
le principal liège de ce fens y réfide ; car
en général ils fe fervent de leurs doigts beaucoup
plus que les quadrupèdes , fort pour
faifir, foit pour palper les corps. M. deBuffon
oblerve qu'il n’y a pas un tiers d’individus
parmi les quadrupèdes qui le fervent des pieds
de devant pour porter à leur gueule : au
lieu que la plupart des oifeaux fe fervent
d’une de leur patte pour porter à leur bec,
quoique cet atfte doive leur coûter plus qu’aux
quadrupèdes, puifque n’ayant que deux pieds.,
ils font obligés de fe foutenir avec effort,
fur un Jèul, pendant que l’autre agit ; au
lieu que le quadrupède eft alors appuyé
fur les trois autres pieds ou affis fur _les-
pattes poftérieures de fon corps. Néanmoins,
comme dans les oifeaux l’intérieur des doigts
eft toujours revêtu d’une peau dure & cal-
leufe, letad ne peut êtredélicat & les fenfa-
tions qu’il produit doivent être allez peu
dift in âes ».
Sens de l’odorat. « L’homme fupérieûr à
tous les êtres organifés, a le fens du fou cher,
& peut-être celui du goût, plus parlait qu’aucun
dés animaux; mais il leur eft inférieur
"*par les autres fens ; & en ne comparant que
les animaux emr’eux , il paroît que la plupart
des quadrupèdes ont l’odorat plus vif, plus
étendu que ne l’ont les)oifeaux; car quoiqu’on
dife de l’odorat du corbeau. , du vautour,
&c.il eft fort inférieur à celui du chien ,
du renard, on peut d’abord en juger par la
conformation même de l’organe ; il y a un :
grand nombre d’oifeaux qui n’ont point de j
parines, c’eft-à-drre, point de conduits ou- ;
verts au deflîis du bec vi) , en forte qu’ils ne
peuvent recevoir les odeurs que par la fente
intérieure qui eft dans la bouche ; & dans
ceux qui ont des conduits ouverts au-deffus
du bec 8c qui ont plus d’odorat que les autres,
les nerfs olfadifs font néanmoins plus
petits proportionnellement, moins nombreux,
moins étendus que dans les quadrupèdes :
suili l’odorat ne produit dans l’oifeau que
quelques effets allez rares, affez peu remarquables;
au lieu que dans le chien 8c dans plu-
fteurs autres quadrupèdes, ce [fens paroît
être la fource 8c Ta caufe principale de leurs
déterminations 8c de leurs mouvemens ».
S en s d u g o û t . II paroît que dans la plupart des
oifeaux , le fens du goût eft prefque nul ou du
moins fort inférieur à celui des quadrupèdes ;
ceux-ci J dont le palais & la langue font à la
vérité moins délicats que dans l’homme, ont
cependant les organes plus fenfibles & moins
durs que les oifeaux, dont la langue eft prefque
cartilagineufe ; car de tous les oifeaux
il n’y a guère que ceux qui fe nouriftent de
chair , dont la langue foit mole 8c affez fem-
biable, pour la fubitance., à celle des quadrupèdes.
Ces oifeaux auront donc le fens du
goût meilleur que les autres, d’autant qu’ils
paroiffent auflï avoir plus d’odorat, & que
la finefle de ce fens fuplée à la grolfiereté du
goût : mais comme l’odorat eft plus foible ,
& le taéfe du goût 'plus obtus dans tous les
oifeaux que dans les quadrupèdes, ils ne peuvent
guère juger des faveurs :auftî voit on que
la plupart ne font qu’avaler fans jamais favou-
rer ; la maftication qui fait une grande partie
de la jouiflance de ce fens leur manque ,
ils font , par'tôutes ces raifons, fi peu délicats
fur les alimens que , quelquefois i,Is s’em.-
poifonnent en voulant fe nourir. C’eft ainfi
que le perfil, le café , les amandes amères
& c. , font un poifon pour les poules, les
perroquets 8c plufieurs autres oifeaux , qui cependant
les mangent avec autant d’avidité
que les autres nourritures qu’on leur offre.
Sens e x t r a o r d in a ir e . Outre les organes des
cinq fens qu’on trouve généralement dans tous
les animaux , M. de Buffon, d’après les ob-
fervations de M. Hébert, en admet un fixieme
dans quelques familles d’oifeaux des rivâger,
« Il paroît, dit ce grand naturalifteen parlant
« de la becajje , qu’elle cherche & difeerne
» fa nourriture par l’ od o ra t iplmôt que par
» les yeux , qu’elle a mauvais ( i ) ; mais la
» nature femble lui avoir donné, dans i’extré-
» mité diTbec, une organe de plus & un fens
» particulier, approprié à. fon genre de vie ;
» la pointe en eft charnue plutôt que cor-
» née, & paroît fufceptible d’une efpèce*de
» tad , propre à démêler l’aliment conve-
» nabie dans la terre fangeufe ; 8c ce privilège
33 d’organifation a de même été donn-né aux
» beccajjînes, 8c apparemment aufli aux cheva-
>3 liers, aux barges, & autres oifeaux qui fouil*
(l ). t. .non ilia occulis , quibus efl obtufwr, & Ji
Sintnvnium grandes .fedacutis nanbus inftat
ImpreJJo in ter ramrojlrlmueront....(O Les cormorans 4 Yonosroîale, Sec. Nemesianus;
* lent la terre Humide pour trouver leur pâli
» tùre ( z )».
Quoi qu’il en foit de ce fixieme organe, I dont l’exiftence paroît très-vraifembiable,voici
l’ordre des autres fens tels jque là nature fem-
I ble l’avoir Établi pour les individus de cet or-
I dre d'animaux. La vue efl première , fouie
ï le fécond ; le toucher , le troifieme ; le goût
| & l’odorat font les derniers. Les fenfations
| fuivent auffi lé même ordre & la même grnda-
I tion, c’eft-â-dire , que les oifeaux font plus
I émus par les impreffions de la vue & de foure;
i que la plus grande partie de leurs jugemens,
i de leurs déterminations, dépendent de ces
| fenfations dominantes-; & que celles des au-
ï très fens, étant moins fortes & moins nom-
f breufes, font fubordonnées aux premières, &
I n’influent qu’en fécond fur la nature des oi-
| féaux.
(Mouvement. Il faut diflinguer dans l’oifeau deux
| diveifes efpèces de mouvement ; J’un-eft pro-
I du.it en agitant les ailes ; l’autre en remuant
1 alternativement les jambes; l’un s’exécute dans I
I l’air & l’autre fur la terre; l’un eft léger &
I fouventtrès rapide,l’autre efl quelquefois lourd,
i chancelant & très-pénible. Ces deux facultés
i quepofTedentles oifeaux, méritent des confi-
1 dérations particulières.
Quand on apperçoit un oifeau qui v o le ,
I rienneparoit plus nature! aux yeux de l’habi-
f tu d e , mais rien n’elt fi étonnant aux ■ yeux
I de la raifon. On nepeut pas concevoir com-
I ment une maffe quelquefois affez lourde peut
B- s’éleyer dans l’air , s’y mouvoir avec autant
I de viteffe, & s’y foutenir avec autant de con-
i tinuité. Les oifeaux de paradis, les mouettes,
I lesmartins-pücheurssieshironde/ksCeaiblent être
I toujours en mouvement &ûie fe repofer que
I parinftans. Plufieurs fe joignent, fe choquent
I & femblsnt s’unir en l’air ; prefque tous faifif-
1 fent leur proie en volant, fans fe détourner
| N ni fans s’arrêter ; mais ce qu’il y a de plus
I remarquable dans le vol des oifeaux, c’eft la
I proportion du temps & des efpaces qu’ils ont
I coutume de parcourir dans leurs voyages. On
1 fait que le cerf, le renne & l’élan , peuvent
I faire quarante lieues en un jour; le chameau
I trois cent lieues en huit jours , & le cheval
K Pins legerune lieue en fix ou fept minutes.
I La viteffe des oifeaux, dit M.deBuffon,eft bien
I Pius grande, car en moins de trois minutes ,
i on perd de vue un gros oifeau , un milan qui
j (0 Bùff. hift. nat.delà béciffe, p. ! J4.
• s’éloigne , un aigle qui s’élève & qui préfente
une étendue dont le d.iamettre eft de plus de
quatre pieds : d’où l’on doit inférer queï’oifeau
parcourt plus dé fept cents cinquante toifes
par minute, & qu’il peut fe tranfporter à vingt
lieues dans une heure. Il pourra donc aifé-
ment parcourir deux cents lieues tous les
jours j en dix heures de vol, ce -qui fuppofe
plufieurs intervalles dans le jour & la nuit entière
de repos. Nos hirondelles & nos autres
oifeaux voyageurs peuvent, par confequent,
fe rendre de notre climat fous la ligne , en
moins de fept ou huit jours. M. Adanfon
a vu & tenu à la côte du Sénégal, des hirondelles
arrivées le neuf d’oâobre.c’ellà-dire,
huit ou neuf jours après leur départ-d’Hu-
rope ( i ). Pietro délia Valle, dit qu’en Perfe ,
le pigeon-mejfager fait en un jour plus de chemin,
qu’un homme de pied peut en faire en
fix - ( a j, On connoit i hiftoire du faucon de
■ Henri II , qui s’etant emporté apres une
capdere à Fontarne-BIeau , fut pris le lendemain
à Maithe, 8c reconnu à l’anneau qu’il
portoit ; celle du faucon des Canaries envoyé
au duc de Lerme, qui revint d’Andaloufie ,
a 1 ille de Ténériffe, en feize heures , ce qui
fait ûn trajet de deux cent cinquante lieues( 3 ).
Hans Sioane , afflue qu’à la Barbade., les
mouettes vont fe promener en troupes à plus
de deux milles de diftance, 8c qu’elles reviennent
le même jour. Une promenade de plus
de cent trente lieues indique affez la poffi-
biiité d’un voyage de deux cent ; & je crois 3
continue toujours M. de Buftdn , qu’on peut
conclure de la combinaifon de tous ces
faits, qu’un oifeau de haut vol peut parcourir
chaque jour quatre ou cinq fors plus de chemin
que le quadrupède le plus agile.
Tout contribue à cette facilité de vol dans
les oifeaux : d’abord , la forme du corps qui
eff très-propre à fendre l’air, & à s’ouvrir
chemin au travers de cetéiément ; les plumes
dont la fubftance eff très-légère & l’arrangement
très avantageux ; la conformation des
ailes &• de la queue ; la force des mufeies
peétoraux j 8c enfin la légèreté même des 0$
dont les cavités font beaucoup plus grandes
8c plus membraneufes que dans les qûadrupè-
des ( 1 ). Toutes ces câufes d:verfement com-
- (>) Voyage au Sénégal par M. Adaufon,
k f C1 ) Voyage de Pietro délia Valle , corn. 1 , p. 41^ .
( I ) Obferv. de S ir edmund. Scoty 3 voy. Pu relia II. p. 78e.
.CO Le fquelette de 1 onocrotale, difent MM. les anaromiftes
de 1 académie, efl extrêmement léger j il ne pèfe Que
^ving-uois onces quoiqu’il foit très-grand.