
il ne peut pas ïuffire dans toutes les aârons
combinées des oifeaux, qui fuppofent concert.,
convention , défignation de lieu ; telles
que la conflruâion du nid, les préparatifs,
l’ordre & la marche de leur migration (i).
A la vérité l’éducation des bêtes en général,
s’accomplit en grande partie par langage d’action
; c’ell l’imitation qui les accoutume à ia
plupart des affeétions & des mouvemens qui
font nécelfaires à la vie naturelle de l’animal
; mais lorfque les foins , les objets
de prévoyance & de crainte fe multiplient
avec les dangers, ce langage n’elt plus fuf-
fifànt; l’inflmâron devenant plus compliquée,
les mots deviennent nécelfaires pour la.tranf-
mettre. Sans le fecours d’un langage articulé
, l’éducation d’une perdrix, d’une caille,
ne pourroit pas fe confommer; car il ell
certain par le fait, qu’avant d’avoir pu s’inf-
trnire par l’expérience perfonnelle, un perdreau
& une jeune caille fçavent s’arrêter
en voyant approcher quelqu’un & fe blottir
dans l’endroit le plus couvert : de petits oifeaux
renfermés dans leur nid, & qui appellent
leur mère par un piaulement affeétueux, fe
taifent auffitôt qu’ils entendent le moindre
bruit. Cette obfervation femble démontrer
le befoin qu’ils ont du langage ; car comment
fans cela pourroient-iis acquérir cette fcience
de précaution, qui fuppofe une fuite défaits
connus, de comparaifons faites & de juge-
rnens portés. Il paroit donc très-probable que
le oifeaux ont entr’eux une langue, au
moyen de laquelle ils fe tranfinettent les
idées dont la communication leur efl nécef-
faire; & comme l’invention des mots ell
bornée par le befoin qu’on en a , 911 fent
que la langue doit être très-courte, entre des
êtres qui font toujours dans un état d’a&ion,
de crainte 'ou de fommeil : ils n’ont à con- I
noître qu’un nombre très-limité de rapports;
& par leur manière de vivre, ils font abfolu-
ment étrangers à ces relations multipliées &
fubtilifées, qui font le fruit des paüions faâices
de la fociété , du loifir & de l’ennui: & s’il ell
permis de, hafarder quelques conjeétures fur
la perfeflion relative de ce langage, j’ajouterai
qu’il doit avoir beaucoup plus d’étendue
dans les oifeaux de proie, beaucoup
moins dans les granivores ; & que dans toutes
( 0 II ne paraît pas que le langage d’adtion puilîè
Ïuffire à deux o:lbanx qui conftruifenr leur nid, aux hirondelles,
par exemple , ni aux cicognes, dans les préparatifs
& le cours de leurs voyages.
les efpèces, cette langue fero'rt beaucoup pi*
de progrès, aufli-bien que leur intelligence, fi
d'ailleurs les oifeaux jouilfoient de toutes
les conditions qui font nécelfaires à ce développement.
Sens ib il it é bt in s t in ç t . En ralfemblant les
faits que préfente la vie commune des oi-
féaux , nous fommes en droit de conclure
que toutes les eipèces ont une faculté qui
leur ell commune, la fenlibilité; pour penfer
autrement, il faudroit abfolument fermer fes
yeux & fon coeur : celui qui pourroit entendre
, fans être ému, les cris plaintifs d’un oi-
feau, ne feroit pas fort fenfible à ceux d’un
homme. II ell bien vrai que nous n’avons, de
certitude complette que de nos propres fen-
làtions, mais les accens de la douleur , les
marques vilîbles de la joie qui nous alfurent
du fentiment de nos femblables, dépofent avec
autant de force en faveur de celle de ces
animaux : on n’auroit aucun moyen d’acquérir
des connoilfances, 11 on pouvoit réda-
mer'contreles impreilîon.s de notre fentiment
intime fur des faits atilli (impies ; il feroit
donc abfurde de ne pas admettre la fenfibi-
iité dans les oifeaux : nous, pourrions encore
ajouter que cette faculté, plus ou moins
exaltée par les befoins & les circonftances,
produit les différens degrés d’intelligence qu’on
remarque, foit dans les familles, foit dans
les efpèces. Souvent-ce qu’on regarde en eux,
' comme fagacité naturelle d’inllinâ (1 ) , n’elt
qu’un dévelopement de cet amour de foi ,
qui ell un produit nécelfaire de la fenlibilité.
Tout être qui fent, connoit par cela même
le plaifir ou la douleur ; il délire l’un & évite
l’autre : fes fenfations Je font appercevoir de
fon exiflence; & c’ell le caraétère de l’affection
qu’il éprouve qui le fait jouir ou fouf-
frir, qui donne l’être à fes délits , & qui
parla, détermine fes adions. Ce qui appartient
proprement à l’inflind, dépend entièrement
de l’organifation : ainfî c’ell par inf-
dnâ que l'aigle vit de chair; & la poule de
graines ; mais ce n’elt pas à l’inflinél, c’ell
à la faculté de fentir & à fes effets , qu’appartiennent
les moyens que ces animaux emploient
pour fatisfaire les befoins de leur
appétit naturel. L’irrllinél détermine l’objet
du defir ; le defir infpire l’attention; l’aiten- 1
( 1 ) Uinjlinât, luivant M. Je BufFon, cil le réfulcac
de la faculté de fentir ; & le naturel n’ cft que l’exercice
habituel de Vinjlinft, guidé & même produit par içlcüt
tintent.
[ tion Fait remarquer les circonftances & grave
[ les faits dans la mémoire ; la mémoire des
| faits donne l’expérience ; 8c l’expérience indique
les moyens. Si les moyens ônt quel-
I que fuccès, ils conflituent la fcience ; s’ils
I n’en ont point, ils produifent la reflexion qui
I combine de nouveaux faits & enfante de
i nouveaux moyens. Les actions qui font com-
| munes à tous les individus d’une même famille,
[ & qui paroiflent la diftinguer d’une autre,
I ne font pas toujours des effets de Finflind.,
[ c eft-à-dire , d’une inclination aveugle , in-
I. dépendante de l’expérience & de la réflexion:
I par exemple,les motifs qui portent les oiesfiiu-
I yages à conftruire un nid dans les rofeaux,
I n’eft pas purement machinal, puifque celles
I qui font domeftiques, manquent abfolument
de ce genre I d’indnflrie ; elles ne s’en avifent que quand la néceflité de garantir leurs petits
I du froid 8c du danger, les a forcés de ré- .
I fléchir fur les moyens d'y pourvoir : ce n’eft :
B donc pas toujours en vertu d’un inftind fupé
E rieur que nous voyons certains oifeaux faire des
B chofes qui annoncent plus de fagacité' que
B n’en montrent quelques autres : il paroit cer-
I tain que fi le froid du nord ou d’autres in-
E convéniens ne faifoient pas plus fouffrir,les
B oies [auvages que les domeftiques; 8c fi elles
I ne prévoyôient pas que leurs petits peuvent
B en être incomodés , ces oifeaux ne prendroient
■ pas la peine de fe conftruire un nid ; & lorique
K le befoin a conduit ces individus à une dé-
I couverte de cette nature, ne doit-il pas en
i réfulter une foule d’idées fucceflives qui éle-
i vent cette efpèçe au-deffus des autres !
I ntelligence. La fenfibilité fuppofe l’intelli-
B gence : par conféquent, puifque nous avons
9 démontré que les oifeaux jouiffent de la pré-
» rogative de fentir, il s’enfuit qu’ils poffeden-t
1 l’intelligence : mais comme ces deux facul-
■ tés font plus habituellement développées dans
B quelques efpèces; il y en a d’autres auffi aux-
8 quelles il paroit ne manquer que des circonf-
B tances ou des befoins p.our amener ce déve-
B loppement l’organifation , par exemple ,
B borne à quelques égards l’exercice de l’in-
| | felligence naturelle aux animaux, & détermine
B les effets de leur faculté de fentir ; c’eft en
p conféquence des befoins 8c des moyens donnés
B Par l’organifation que l’on acquiert le génie
H de la fuite; & l’autre, celui de la rapine. Si
B le poiffon ou les vers manquent à la fpatule 3
j a la beccajje, au héron bu à toute autre oi-
|j, feau de cette clafte, la conformation du bec
8c leur répugnance pour les graines ou pour
les végétaux,,Tie leur Iaifferoient aucune ref-
fource; 8c le plus haut dégré d’rnteliigencfc
ne les empêcheroit pas de mourir de faim 5
l’mduftrie eft alors bornée par l’impoflibilité.
Ce feroit fans doute une connoiffànce bien
curieufe 8c très-importante de connoître en
quoi confifte cette inégalité fondamentale
d’intelligence parmi les oifeaux; mais pour
réfoudre cettè quefiion, il faudroit favoir fi
la faculté de fentir peut avoir des degrés, fi le
héron, par exemple , eft de fa nature moins
fufeeptibie que la tourterelle , des impreftions
du plaifir & de la douleur. Il eft impoflible
de prononcer ià-deflùs, parce que les fenfations
ne peuvent point fe communiquer ,
8c que Fa&ron peut bien indiquer leur caractère,
mais ne peut pas repréfenter leur
intenfité; cependant on ne peut pas douter
qu’il n’y ait inégalité , dans la manière donc
un être peut fentir en différens momens ,
puifque l’a&ion des mêmes objets eft différente
fur nous, en raifon de nos difpofitions;
de-là on peut conclure que le degré d’intelligence
dépend des circonftances où fe trouve
l’oifeau; il s’étend toujours 8c fe développe,
lorfque pour vivre il eft obligé d’être fans
ceffe en adivité; il fe refferre au contraire,
par le défaut d’exercice : ainfi les oifeaux de
proie qu i, en vertu de leur organifation 8c
de leurs appétits, ont un grand nombre de
rapports avec les objets qui les environnent ,
doivent avoir un plus grand enfemble de con-
noiffances : car étant obligés pour fe nourrir
d’être en relation de guerre avec d’autres efi-
péces , ils périroient bientôt de faim , s’ils
n’avoient que des moyens inférieurs ou même
égaux ; ce font les intérêts vifs, comme les
difficultés à vaincre 8c les périls à éviter, qui
tiennent en exercice la faculté de fentir, 8c
impriment dans la mémoire de l’animal des
faits multipliés, dont Fenfemble conflit ne la
fcience .Tous les oifeaux carnaciers n’ontpoint
à la vérité la même mefure de connoiflànces,
parce que leurs befoins font plus ou moins
faciles 8c leurs idées par conféquent plus ou
moins étendues : la vie de ceux qui fréquentent
les lieux éloignés de toute habitation 8c où
le gibier efl abondant,efl borné à un petit nombre
d’ades Amples & affez uniformes ; il païîe
fuçceflivement d’une rapine aifçeau fommeil;
mais lorfque la concurrence de l’homme met
des obflacles à la fatîsfadion de leurs appétits ;
lorfque cette rivalité de proie prépare des