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lances ils fé privent en fe refufant au pîaîfîr
de voir & d’obferver eux mêmes. Pavois médité
longtemps fur les écrits de Harvey, de
Malpighi & de Haller, & je me flattois d’y
voir après quelles étoient la ftruâure du
poulet 6c fes différentes connexions avec les
différentes fubftances dont l’oeuf eft compofé.
Combien je fus furpris lorfque, comparant
l'objet lui-même avec le tableau que je m’en
étois formé, je m’apperçus que la plupart
de mes idées manquoient de prêcifion , 6c
que les images fuggérées par les livres diffe-
roient, dans plufieurs points importans, de
la nature! Je fis une autre remarque; c’eft
que les détails tranfmis par les auteur s n’avoien t
fatisfait ma curiofité qti’après de longs & pénibles
efforts, pour comprendre le fens de
leurs ouvrages, au lieu que la première vue
de l’embrion palpitant dans la cicatriculedu
jaune, produifit en moi l’émotion la plus
vive, 6c m’infpîra auftuôt un grand intérêt
pour cet étonnant fpedacle.
Quoi de plus curieux en effet, que cette
malle de fucs albumineux & limpides qui fe
changent en un infianc par la feule addition
du principe de la chaleur, en un corps dont
toutes les parties font vivantes ? Quf nous
dira , comment au milieu de cette maffe tranf
parente 6c fans couleur, fe font formés les
premiers globules rouges ; quelle puiffance
les a multipliés ; d’où le premier jet du fang
eft foui j quelle impulfion l’a lancé dans fon
tube; par quel mécanifme de vaiffeaux, juf-
qu’alors imperceptibles 6c fans a€tion,s’agran-
diffent dans leurs diamètres , battent 6c fe
foulevent dans leurs contours ? Qui pourroit
contempler avec indifférence & ces deux blancs
qui fe touchent fans fe confondre,& cette fé
rofité de i’amnios qui s’étend dans la même i
progreflion où le poulet augmente, & le jaune
qui divifé par fon axe en deux parties inégales,
6c fouples dans fes balancemens,roule
toujours en deffus;ceiie dont le poids eft moins
grand , & fur laquelle l’embryon repofë :
& cet épiderme blanchâtre dont les parois
internes de la coque font tapiffés; & qui fe
détachant à mefure que l’évaporation avance,
laide un vuide que l’air remplit ; 6c cette
grande furface du fiftême vafculaire que fou
tiennent les membranes dans lefquelles les hu
meurs font contenues ; & les réfeaux arté(
i) Difcours fur F anatomie, 2e, liyraifbn. pag. 40,
riels, & les troncs de ces vaiffeaux, qui ramifiés
au loin , fe réunifient dans le corps
du poulet qui en eft le centre ; 6c ce corps
lui-même dont la petiteffe étonne lorfqu’on
le compare avec le volume des appendices
auxquelles il donne le mouvement 6c la vie ;
6c ces deux points Taillants d’autant plus écartés
l’un de l’autre , que le foetus eft plus tendre,
& qui formeront le coeur lorfque les cavités
qu'ils repréfentent feront placées dans de jufles
proportions entre-elles ? L’explication de ces
divers phénomènes nous eft encore inconnu ;
6c la nature les tiendra peut être toujours
enveloppés dans les voiles du myftere ; il
doit nous fuffire de connoître quelques faits
relatifs au développement du foetus.
Le premier effet connu de l’incubation, eft
la dilatation de la eicatricule 6c la formation
de l’embryon dans fa cavité, car c’eft laci-
catricule qui contient le véritable germe ;
elle fe trouve dans les oeufs fécondés comme
dans ceux qui ne le font pas;mais elle eft plus
petite dans les oeufs inféconds. Malpighi ,
l’ayant examinée dans des oeufs féconds
nouvellement pondus, 6c avant qu’ils eu fient
été couvés, vit au centre de la eicatricule ,
une bulle nageant dans une liqueur, 6c reconnut
au milieu de cette bulle , l’embryon
bien formé ; au lieu que la eicatricule des
oeufs inféconds & produits par la poule feule ,
lans communication avec le mâle-, ne lui
préfente qu’un petit globule informe , muni
d’appendices, rempli d’un fuc épais, quoique
tranfparent 6c environné de cercles concentriques.
On n’y apperçoît aucune ébauche
d’animal ; i’organifation intime 6c complet te
d’une matière informe, n’eft que l’effet inftan-
ta-né du mélange des deux liqueurs fémir;ales ;
mais s’il ne faut qu’un moment à la nature pour
donner ia forme première à cette glaire tranf-
parente & pour la pénétrer du principe de
vie dans tous fes points , il lui faut beaucoup
de temps 6c de fecours pour perfectionner
cette première ébauche : ce font principalement
les mères qu’elle femble avoir chargées
du foin de ce développement en leur
inf} irant le defir ou le befoin de couver.
L’effet de l’incubation fe borne donc au
développement de 1 embryon qui, comme nous
l’avons déjà d it, exifte tout formé dans la
eicatricule de l’oeuf fécondé : voici à-peu-
prés , comment s’opère ce développement
dans un oeuf de poule ; ce que nous difons
peut s’appliquer à tous les oeufs, fi l’on exi
i n t r o d u c t i o n . XX* V
cepte l’ordre chronologique qui ne peut convenir
qu’aux efpèces dont l’incubation eft
suffi longue que celle de la poule.
Dès que l’oeuf a été couvé pendant cinq ou
fix heures, on voit déjà diflinélement ia tête
du poulet jointe à l’épine du dos , nageant
dans ia liqueur dont la bulle qui eft au centre
de ia eicatricule eft remplie. Sur la fin du
premier jour,, la tête s’eft déjà recourbes en
groffiffant.
Dès le fécond jour, on voit les premières
ébauches des vertebres , qui font comme de
petit globules difpofés des deux côtés du milieu
de l’épine. On voit au (fi paroître le commencement
des ailes 6c les vaiffeaux ombilicaux,
remarquables par leur couleur obfcure.
Le cou 6i la poitrine fe débrouillent ; la tête
groffit toujours : on y apperçoît les premiers
linéamensdes yeux & trois véficules entourés
ainfi que l’épine des membranes tranfparentes^
La vie du foetus devient plus manifefte; déjà
l’on voit fon coeur battre 6c fon fang circuler
»
Le troifîeme jour tout eft plus diftinét ,
parce que tout a groflî : ce qu’il y a de plus
remarquable,c’eft le coeur qui pend hors de
la poitrine 6c bat trois fois de fuite ; une fois
en recevant par l’oreillette le fang contenu
dans les veines ; une fécondé fois, en le renvoyant
aux artères; & ia troilieme fois, en
le pouffant dans les vaiffeaux ombilicaux. Ce
mouvement continue encore vingt - quatre
heures, après que l’embryon a été féparé du
blanc de fon oeuf. On voit au (fi des veines
& des arteres fur les veffîcules du cerveau :
les rudimens de la moelle de l’épine commencent
à s’étendre le long des vertebres :
enfin , on voit tout le corps du foetus, comme
enveloppé d’une partie de la liqueur environnante
, qui a pris plus de confiftance que
le refte.
Les yeux font déjà font avancés le quatrième
jour : on y reconnoît fort bien la j
prunelle j le criftailin, l'humeur vitrée : on
apperçoît outre cela , dans la tête , cinq véficules
remplies d’humeur, lefquelles fe rapprochant
& fe recouvrant peu-à-peu les jours
fuivans, formeront enfin le cerveau enveloppé
de toutes fes membranes. Les ailes croiffent,
les cuifies commencent à paroître & le corps
à prendre de la chair.
Les progrès du cinquième jour, confiflent,
outre ce qui vient d’être dit, en ce que tout
le corps fe recouvre d’une chair onélueufe;
que le coeur eft retenu au dedans par une
membrane fort mince qui s’étend fur la capacité
de la poitrine ; & que l’on voit les
vaiffeaux ombilicaux fortir de l’abdomen (1 ) :
le fixreme jour , la moelle de l’épine s étant
divifée en deux parties, continue de s’avancer
le long du tronc : le foie, qui étoit blanchâtre
auparavant, eft devenu de couleur
obfcure : le coeur bat dans fes deux ventricules
: le corps du poulet eft recouvert de
la peau; & fur cette peau l’on voit déjà peindre
les plumes.
Le bec facile à diftinguer le feptième jour :
le cerveau , les ailes, les cuiffes 6c les pieds è
ont acquis leur figure parfaite: les deux ventricules
du coeur paroi fient comme deux
bulles contiguës & réunies par leur partie friper
reure avec le corps des oreillettes. Ou
remarque deux mouvemens fric ce (fi fs dans
les ventricules aulfi bien que dans les oreillettes
; ce font comme deux coeurs féparés.
Le poumon paroit à la fin du neuvième
jour; 6c fa couleur efi blanchâtre. Le dixième
jour, les mufcles des ailes achèvent de fe former;
les plumes continuent de fortir ; 6c ce
n’eft quele onzième jour,qu’on voit des arteres,
qui auparavant étoient éloignées du coeur, s’y
attacher; 6c que cet organe fe trouve parfaitement
conformé & réuni en deux ventricules.
Le refie n’eft qu’un développement pins
grand des parties, qui fe continuent jufqu’à
ce que le poulet cafte fa coquille , ce qui
arrive ordinairement le vingt unième jour :
quelquefois le dix hutieme ; d’autre fois le
vingt leptieme.
Toute cette fuite de phénomènes , qui
forme un fpeétacle fi intéreffant pour un ob-
fervateur eft l’effet de l’incubation opérée par
une poule ; l’induftrie humaine n’a pas trouvé
qu’il fût au-deffous d’elle d’en imiter les
procédés. D’abord de (impies villageois d’Egypte
& enfuite des phyficiens de nos jours ,
font, venus à bout de faire éclore des oeufs
au(fi bien ' que la meilleure couveufe ^ &
d’en faire éclore un très-grand nombre à la
fois. Tout le fecret confifte à tenir ces oeufs
dans une température qui reponde a-peu pres
au degré de la chaleur de la poule, 6c à les 1
( 1 ) Les vaiffeaux qui fe répandent dans le jaune de
l ’oeuf, & qui par conféquent fe trouvent hors de l’abdomen
du poulet, rentrent peu-à-peu dans cette cavité,
félon la remarque de Stenoiit Colleét. acad.part. etiangr
toux. Y, e ij