
xxvîij I N T K O D
des pïumes un peu plus grandes & des brins
de moufle moins foyeufe. Le lit intérieur, où
doivent être dépofés les oeufs, efl garni de
plumes fines, de petits poils & de flocons
de laine ou de coton ; cette derniere couche
forme une efpèce de feutre très-doux , trèsr
bien peigné, qu’on ne peut rompre qu’avec
beaucoup de difficulté. Le bec & les pattes
font les feuls in fl rumens qu'ils emploient pour
la conftru&ion de cet ouvrage : avec le bec,
ils ramaffent tous les matériaux néceffaires;
& fe fervent de leurs pieds avec une agilité
, étonnante, foit pour les difpofer par tout où
le beforn le requiert, foit pour en affermir la
texture. Dans ces deux efpèçes & dans beaucoup
d’autres, la femelle feule efl chargée de
la conftrudron de l’ouvrage ; le mâle pendant
ce temps va & vient, 6c voltige autour
de fa compagne.
Il y a quelques efpèces d’oifeaux, plus petits
encore que ceux dont nous venons de
parler, qui bâiiffeot leur nid avec une habileté
bien plus merveilleufe,puifqu’ils pratiquent
un couvert qui met à l’abri des injures de
l’air, la mere 6c fa couvée. Tels font \e troglodyte
, le roitelet 8c la méfange à longue queue.
Les deux premiers nichent près de terre ,
fur quelques branchages épais ou même fur '
le gazon; fouvent ils fe placent fous un tronc
. ou contre une roche, ou bien fous l’avance
* de la rive d’un ruifléau ^quelquefois auffi fous ;
le toit de chaume d’une cabane ifolée dans
un lieu fauvage, 6c jufques fur la loge des
charbonniers 6c des fabotiers qui travaillent
dans les bois. Ils amaffent pout cela beaucoup
de moufle de longueur inégale , mal '
arrangée à l’extérieur 6c difpofée en boule ,
ce qui donne à ces nids une figure entièrement
difforme. Mais ce n’efl qu’une rufe du
petit a r ch ite d e ; car comme il pofe fon nid
très-bas , les dénicheurs le trouverorent facilement
; 6c il lui donne exprès cet extérieur
fauvage, qui paroit moins être un nid, qu’une
poignée de .moufle jettée au hafard. La ftruc-
ture intérieure renfêrmë cependant un art
infini Les côtés font compofés d’un tiflii de
moufle très-ferme, très-ferré ; & le dedans
efl garni de plumes fines , foyeufes 6c. de.
poils d’animaux, entrelacés avec beaucoup
d ’ in te llig e n c e . Le fom in e t efl encore allongé
pour rejetter la pluie ; la bafe efl plus ro n d e
6c élargie pour loger la couvée. L’entrée du
nid mérite auffi d’être obfervée; c’efl une,petite
ouverture ronde, faite à coté de la partie
U C T I O N ;
fupérieure du c ô n e & bordée tout au tour
de filamens 6c de brins de moufle plus forts
6c plus alongés afin de l’empêcher de s’agrandir
par les fréquentes entrées 6c forties du mâle
6c de la femelle. Ce trou efl fi petit qui!
faut le chercher avec le doigt pour le trouver.
Rien n’efl plus curieux que l’art recherché
que les remi% apportent à la flruéture de leur
nid. Ils y emploient ce duvet léger qui fe
trouve aux aigrettes des fleurs du faille, du
peuplier , du tremble, des chardons, du pif-
feniit ; & favent entrelacer cette matière fila-
menteufe avec tant d'art, qu’ils en forment
un tifTu épaisj| ferré 6c prefque femblabie à
du drap. Ils fortifient les déhors avec des fibres
6c de petites racines qui pénètrent dans la
texture, & font en quelque forte la charpente
du nid. Ils garniffent le dedans du même duvet
non ouvré, pour queleurs peticsy foient mollement
; ils le ferment par en haut 6c le fuf-
pendentavecdu chanvre ou l’écorce de l’ortie ;
à la bifurcation d’une branche mobile, fituée
fur le courant d'un ruifleau. Cette pofition
leur procure en abondance les infeétes aquatiques,
dont ils font leur nourriture; & met
leurs petits en fureté contre les rats, les lé-
fards , les couleuvres 6c les autres ennemis
rampans ,qui, au moral comme au phyfique,
font toujours les plus dangereux. Ce nid par
fa forme extérieure , reflemble tantôt à un
fac, tantôt à une bourfe fermée, tantôt à
une cornemufe applatie. Il a fon entrée dans
le flanc 6c prefque toujours tournée du côté
de l’eau. C’efl une petite ouverture à-peu-
près ronde, d’un ponce 6c demi de diamètre,
__dont le contour fe releve extérieurement en
un rebord plus ou moins Taillant.
Les nids du gros bec des Philippines^ du
guit guit, de la penduline 6c de la méfange du
Cap, offrent une architecture à peu prés femblabie;
mais cette derniere efpèce a de plus,
vers le milieu de la longueur du nid une
cavité extérieure 6c tranfverfaie , qui fert de
logement au mâle pendant que la femelle
couve les oeufs. On cite auffi en faveur du
mâle un trait de prudence qu’on n’a point
encore obfervé dans les autres oiféaux qui fnf-
pendent leurs nids : on dit que , loTfque la
femelle a quitté fes oeufs pour aller prendre
fa nourriture , il va frapper avec fes ailes les
bords du nid ., afin d’en refferrer les bords
& d’en fermer abfolument l’entrée aux animaux.
Partout ou l’on voit fubfifter des efpèces
foibles, non protégées par l’homme ,
I N T R O D XXIX
Il y a à parier qiie ce font des efpèces induf-
trieufes.
Le nid du loriot efl pareillement en calotte,
garni de feuilles par-defliis 6c pendu à des rameaux
flexibles.
Celui de l’hirondelle efl un cRef-d’oeuvre
de maçonnerie. C’eft ordinairement un demi
fphéroide creux, allongé par fes pôles , bâti en
déhors avec de la terre gâchée , de la paille,
du crin , 6c matelaflee en dedans , de plumes
& de duvet. Elles l’attachent à un mur, à
une poutre , à une faillie de roche, fous les
avant-toîts des maifons ; mais il efl toujours
recouvert d’une corniche on d’un périllile.
Ce nid , lorfqu’il efl fitué dans l’angle formé
par deux murs, ne repréfente alors que le quart
d’un demi-fphéroide adhérent par fes. deux
faces latérales au paroi de la muraille , 6c
par fon équateur, à la corniche fupérieure ,
fon entrée , qui efl.fort étroite, efl fituée près
de cette plate-bande. Le même édifice fert
plufieurs années de fuite , 6c probablement-
aux mêmes couples , ce qui doit s’entendre
feulement des nids que les hirondelles attachent
à nos fenêtres, car on affine que ceux
qu’elles appliquent contre les rochers, ne
fervent jamais qu'une feule faifon, 6c. qu’elles
en font chaque année un nouveau. Pour la
maçonnerie, elles choififfent de préférence
la terre quia été remuée par les vers & que
l'on trouve le matin ça & là fur les planches
de jardin nouvellement labourées : elles la.
portent avec leur bec 6c leurs petites pattes;
elles la gâchent & la pofent avec le bec feul.
On voit fouvent un affez grand nombre de
ces oifeaux qui travaillent au même nid , foit
qu’ils jfeplaifent à s’entre-aider les uns les autres
, foit que dans cetie efpèce, l’accouple-
vement n’ayant peut être lieu que dans le nid,
tous les mâles qui recherchent la même femelle,
travaillent avec émulation à facilement
de cet édifice , dans l’efpérance d’en
faire un doux 6c prompt ufage. On en a vu
quelques-uns, dit M. de Buffon, qui dé-
truifoient le nid avec encore plus d’ardeur
que.les autres n’enmettoient à le conflruire ,
étoit-ce un mâle abfolument rebuté, qui n’ef-
pérant rien pour lui-même , cherchoit la trille
confolaiion de troubler ou retarder les jouif-
fance des autres ( i ) ?
L’aire de Vaigle diffère par fa forme du nid
des autres oifeaux: c’efl une efpèce de planche
U C T I O N .
plate, fituée entre deux rochers, dans un lieu
fec 6c inacceffible. Il efl conftruit avec de petites
perches ou bâtons, longs de cinq ou fix pieds,
appuyés par les deux bouts 6c traverfés par
desbranches fouples, recouvertes de plufieurs
lits de joncs & de bruyères. Cet ouvrage
efl fpacieux , 6c affez ferme.non-feulement
pour foutenir l’aigle & fes petits, mais pour
fupporter encore le poids d’une grande quantité
de vivres. Il n’eft point recouvert par
le haut & n’efl ordinairement arbrité que par
l’avancement des parties fupérieures du rocher.
On allure que le même nid fert a l’aigie pendant
toute fa vie.
Les hérons fe plaifent à nicher rafleinblés : ils
fe réunifient pour cela plufieurs couples dans
un même canton de forêt, fouvent fur^ un
même arbre & quelquefois dans la meme
aire (i). Us préfèrent les grands chenes &
les bois de fa pin. Il efl à préfumer que c efl
la crainte qui les raffemble , & qu’ils ne fe
réunifient que pour repouffer de concert ou
du moins en impofer par leur nombre au
milan 5c au vautour. Leur nid qui occupe
toujours le haut de l’arbre , efl pofé fouvent
• auprès de ceux des corneilles : il efl d’une
capacité très-confîdérable & compofé de bûchettes,
d’herbe fèche, de joncs & de plumes
entaffées. ^
Telle efl la prôdigieufe variété qui règne
dans la conflruéfcion du nid des oifeaux, &
qui annonce dans quelques efpèces un fi haut
degré d’intelligence ; cependant tous les individus
de cette tribu volatile ne font pas
architedes, tous n’entendent pas à conflruire
des nids : parmi les oifeaux noôturnes , il
s’en trouve qui pondent à mi dans les vieilles
mafures, ou dans les cavités des arbres; les
autres fuppléen-t à leur ignorance dans l’art
de bâtir, en profitant adroitement des nids
qui ont été confiants par des oifeaux archi-
tedes.
Ces efpèces qui vont ainfi dépofer leurs
oeufs dans des nids étrangers, rappellent aiiffi-
tôt à l’efprit le fameux coucou , fur lequel
• on a débité tant de fables. Il ne va pas feu-
kment pondre fon oeuf dans un nid qu'il
n’a pas fait; il abandonne encore le foin de
fa progéniture'à des nourices étrangères,
qui en ont autant de foin que de leurs propres
nourriflbns. On connoît les petits oifeaux
que le coucou charge ainfi de l’éducation de
( i ) Hiftoire naturelle des oifeaux, vol. i s , p. 364, ( 1 ) Buffon, hifl, des oif. vol. 1 4 , p. 85.