
refpondantes de {’ancien continent. On ne
peut pas dire que les eaux leur aient fourni
une route, puifqu’ils ne s’y engagent pas & I
qu’ils »’habitent que les bords ; il faut donc ;
conclure qu’en fuivant les rivages & allant ;
de proche en proche , ils font parvenus juf- ;
qu’aux extrémités de tous les continens : &
ce qui a du faciliter ces longs voyages, ;
c’eft que le voifinage de l’eau rend les climats
plus égaux ; l’air de la mer , toujours ;
frais, même dans les chaleurs, & tempéré
pendant les froids, établit pour les habitans
des rivages, une égalité de température qui
les empêche de fentir la trop forte imprelïîon
des viciiïitudes du ciel ; 8< leur compofe pour
ainfi dire , un climat pratiquable fous toutes
les latitudes en choififlànc les faifons. La
plupart des oiféaux de cette tribu paroifient
être demi-nodurnes, Us pluviers, le héron ,
la fpatule rodent la nuit, la beccajje ne commence
à voler que le foir ; le butor crie encore
après la chute du jour : on entend les
grues fe réclamer du haut des airs dans le filence
8c robfcurité des nuits, & les mouettes fe pro5~
mener dans les mêmes temps : les volées d'oies
8c de canards fauvages qui tombent fur nos
rivières, y féjournent plus la nuit que le jour ;
ces habitudes tiennent à plufieurs circonftan-
ces relatives à leur fubfillance 8c à leur fé-
curité ; les vers fortent de terre à la fraîcheur ;
les poiflons font en mouvement pendant la
nuit, dont l’obfcurité dérobe ces oifeaux à
l’oeil de l’homme 8c de leurs ennemis; néanmoins
Coifeau pêcheur ne paroît pas fe délier
aflez de ceux même qu’il attaque ; ce n’eft
pas toujours impunément qu’il fait fa proie
des poiflons, quelquefois le poiflon le faifit
& l’avale à fon tour. Ainfi , la nature en accordant
de grandes prérogatives aux oifeaux
d'eau 8c de rivage, les a fournis à quelques
inconvénrens ; elle leur a même refufé l’un
de fes plus nobles attributs. Aucun d’eux ,
ir.l’on en excepte le cigne fauvage ( i ) , ne
fait entendre aucun chant mélodieux, car
rien n’eft plus réel que la différence frappante
qui fe trouve entre la voix des oifeaux de
terre & celle des oifeaux d’eau : ceux-ci l’ont
forte & grande, rude 8c bruyante, propre à
fe faire entendre de très loin , 8c à retentir
fur la vafte étendue des plages de la mer; (i)
( i ) Selon M, l’abbé- Mongés, garde du cabinet de
Saints Geneviève., les cygnes Jauvages ont un chant mélodieux
, très-fort, & qu'on entend julqu’à près d'une
lieue de d.iftance,
cette voix toute compofée de tons rauques,
de cris & de clameurs, n’a rien de cesaccens
flexibles êc moelleux, ni de cette douce mélodie
, dont les oifeaux champêtres animent
nos bocages en célébrant le printemps &
l’amour , comme fi l’élément redoutable où
régnent les tempêtes, eût à jamais écarté ces
charmans oifeaux, dont le chant paifible ne
fe fait entendre qu’aux beaux jours 8c dans les
nuits tranquilles; & que la mer n’eut laifleà
fes habitans ailés que les fons groflîers & fauvages
qui percent à travers le bruit des orages,
8c par lefquels ils fe réclament dans le
tumulte des vents & le fracas des vagues. Du
relie, la quantité des oifeaux d1 eau , en y
comprenant ceux de rivage, 8c les comptant
par le nombre des individus., peut être
aulli grande que celle des oifeaux de terre.
Si ceux ci ont pour s’étendre les monts &
les plaines, les champs ôc les forêts, les autres
bordant les rives des eaux, ou fe portant
au loin fur leurs flots, ont pour habitation,
un fécond élément aulli vafte, aufll libre que
l’air même : & fi nous confidérons la multiplication
parle fonds desfubfiflances, ce fonds
paroîtra aufli abondant & plus alfuré peut-
être , que celui des oifeaux terrellres, dont
une partie de la nourriture dépend de l’influence
des faifons, & une autre très-grande
partie du produit des travaux de l’homme.
Gomme l’abondance eft la bafe de toute fo-
ciété, les oifeaux aquatiques paroiflent plus
habituellement en troupes que les oifeaux
de terre ; & dans plufieurs familles , ces
troupes font très-nombreufes ou plutôt innombrables
; par exemple il eft peu d’oifeaux
terrefires, au moins d’égale grandeur, plus
multipliés dans l’état de nature que le paroiflent
être les oies 8c les canards ; 8c en
général il y a d’autant plus de réunion
parmi les animaux, qu’ils font plus éloignés de
nous. Mais les oijeaux terrejlres font aufli d’autant
plus nombreux en efpèces 8c en individus
que les climats fontlplus chauds; les oifeaux
d'eau femblent au contraire chercher les climats
froids, car les voyageurs nous apprennent
que fur les côtes glaciales du nord, les
goélands j les pingouins, les macreufes x fe trouvent
à milliers 8c en aufli grande quantité que
les albatroJfeSy les manchots 8c les petrels, fat
les ifles glacées des régions- antarctiques. Cependant
la fécondité des oifeaux de terre
paroît furpaffer celle des oifeaux d’eau ; aucune
efpèce en effet, parmi ces dernières >
ne produit autant que celles de nos oifeaux
gallinacés g en les comparant à groffeur
égale. A la vérité, cette fécondité des oifeaux
granivores pourroit s’être accrue par i’aug
mentatron des fubfiftances que l’homme leur
procure en cultivant la terre ; néanmoins,
dans les efpèces aquatiques qu’il a fçu réduire
en domeftierté , la fécondité n’a pas fait les
mêmes progrès que dans les efpèces terreftres ;
le canard Ôc l'oie domefiiques ne pondent pas
autant d’oeufs que la poubsc Eloignés de leur
élément, 8c privés de leur liberté, ces oifeaux.
perdent fans doute plus que nos foins, ne
peuvent leur donner ou leur rendre. Aufli
ces efpèces aquatiques font plutôt captives
que domeftiques; elles confervent les germes
de leur première liberté, qui fe manifeftent
par une indépendance que les efpèces ter-
reflres^paroifTent avoir totalement perdue ;
ils depériffent dès qu’on les tient enfermés ,
il leur faut l’efpace libre des champs 8c la
fraîcheur des eaux, où ilspuiffent jouir d’une .
partie de leur franchife naturelle;. & ce qui
prouve qu’ils n’y renoncent pas, c’eft qu’ils
fe rejoignent volontiers à leurs frères fauva-
ges, 8c s’enfuiroîent avec eux, fi on n’avoit
pas foin de leur rogner les aifes.
il nous refte pour compléter cet article
à propofer une obfervation bien importante
fur le genre de vie des oifeaux ; c’eft que
leurs habitudes & leurs moeurs ne font ms
aufli libres qu’on pourroit fe Timaginer. Leur
conduite n’eft pas le produit d’une pure liberté
de volonté , ni même un réfuitat de choix ,
mais un effet néceflaire qui dérive de la
conformation de l’organifation 8c de l’exercice
de leurs facultés phyfiques. Déterminés
& fixés chacun à la manière de vivre que
cette néceftîcé leur impofe, nul ne cherche
à l’enfreindre, 8c ne peut s’en écarter; c’eft
par cette néceftité, tome aufli variée que
leurs formes, que fe font trouvés peuplés
tous les diftrids de la nature. L'aigle ne
quitte point fes rochers, ni le héron fes rivages;
l’un fond du haut des airs fur l’agneau
qu’il enlève ou déchire, par le feul droit que
lui donne la force de fes armes, 8c par i’ufage
qu’il fait de fes ferres cruelles ; l’autre, le
pied dans la fange, attend à l’ordre du be-
. foin, le paffage de fa proie fugitive; le pic
n’abandonne jamais la tige des arbres, à
l’entour de laquelle il lui eft ordonné de
ramper : la barge doit refter dans fes marais;
Yallouette dans fes filions; la fauvette dans
fes bocages ;& ne voyons-nous pas tous les
oifeaux granivores chercher les pays habites
S? faivre nos cultures (i) ? tandis que ceux
qui préfèrent à nos grains les fruits fauvages
ôc tes baies, conftans à nous fuir, ne quittent
pas les bois & les- lieux efearpés des
montagnes où ils vivent loin de nous &
feuls avec la nature, qui d’avance leur a
diéfeé fes loix & donné les moyens de’ les exécuter
: elles retient la gelinotte fous l’ombre
épaiffe des fapins; le merle folrtaire fur fon
rocher;, le loriot dans les forêts dont il fait
retentir les échos, tandis que l'outarde va chercher
les friches arides 8c le raie lés humides
prairies. Ces loix de la nature font des décrets
éternels, immuables , anffi conftans que la
forme:des- êtres ; ce font fes grandes & vraies
propriétés qu’elle n’abandonne ni ne cède
jamais, même dans les chofes que nous
croyons nous être appropriées; car, de quel-
quemianière que nous les ayons acquifes, elles
n’en reftent- pas moins fous fon empire : 8c
n’eft-ce pas pour le démontrer qu’elle nous a
chargés de loger des hôtes importuns & nur-
fibles; les- rats dans nos maifons ; l'hirondelle
fous nos fenêtres^;Je moineau fous nos toits;
8c lorfqu’elle amène te cicogne au haut de nos.
vieilles tours en ruine, où s’eft déjàcachée la
trille famille des oifeaux de nuits, ns femble-
t-ciie pas fe hâter de reprendre fur nous des
pofleffions ufurpées pour un temps, mais
qu’elle a chargé la main sûre des fiècles de lui
rendre? Ainfi les efpèces nombreufes& diver-
fesdes oifeaux, portées par leur inftin&, & fixées
par leurs befoins dèslesdifférensdéparte-
mens de la nature, fe partagent pour ainfi dire
les airs, la terre 8c les eaux ; chacun y tient là
place 8c y jouit de fon petit domaine Ôc des
moyens de fubfillance que l’étendue ou le défaut
‘de fes facultés reftreint ou multiplie.
D u r é e d e l a v ie . Comme les oifeaux fe dif-
trnguent des quadrupèdes par la texture des
o s , qui font en général plus légers 8c plus
poreux; ils en différent aufli par la durée de
la vie, qui en général eft plus longue & ne
fuit pas les mêmes règles, les mêmes proportions
que dans les animaux quadrupèdes. Suivant
i’obfervation de M. de Buffon , dans
l’homme 8c dans les animaux, la durée de la
vie eft toujours proportioneile au temps employé
à l’accroiflèment du corps ; & félon le
( i) Les perroquets fe font portés dans là Caroline & à
la Virginie , depuis qu’on y a planté des vergers.