
xl I N T R O D U C T I O N . I N T R O D U C T I O N .
favorable à la drgeflion, en paflant dans la
partie la plus évafée du canal intermédiaire
entre le jabot & le gefier ; enfin, ils reçoivent
un fuc manifeftément acide dans le gefier ;
& la digeflion qui n’avoic été que préparée
dans les deux premiers eftomacs s’acheve
dans celui-ci, paiTaélion puiflantede fesmufi
clés. Cette force de mufcles eft plus grande
qu’on ne le croiroit ; en moins de quatre
heures , elle réduit en poudre impalpable une
boule d’un- verre afiez épais pour porter un
poids d’environ quatre livres; en quarante huit
heures, elle divife longitudinalement en deux
efpèces de gouttières, plufieurs tubes de verre
de quatre ligues de diametcre & d’une ligne
d’épailfeur, dont au bout de ce temps tou .
tes les parties aiguës 8c tranchantes fe trouvent
émouflees & le poli détruit , fur-tout celui
de la partie convexe : elle eft au (fi capable
d’aplatir des tubes de fer-blanc , 8c de broyer
.jufqu’à dix fept noifeltes dans Pefpace de vingt
quatre heures, & cela par des comprenions
multipliées, par une alternative de frôlement
dont il eft difficile de voir la mécanique,
L’eflomac des oifeaux de proie eft membraneux
, 8c leur digellion s’opère par le
moyen d’iin diflolvant qui varie dans* les différentes
efpèces, mais dont l’aâion eft bien
confiatée.
E ducation. Les oifeaux ont des qualités fi ai
niables , des moeurs fi douces, des formes
fi agréables, une intelligence fi développée ,
une mémoire fi heureufe , que de tout temps
on s’eft fait uu plaifir d’en nourrir , 8c d’en
élever. Les grecs 8c les romains apprenoient
autrefois à parler & à chanter à des oifeaux
qui ne font prefque plus cultivés parmi nous.
Mofchus s’adreffe dans fes poéfies à des m
fignols , à des hirondelles qu’on avoit înllruits
de la forte : Pline fait mention d’un coq ,
d’une grive (i) & d’un rojjignol qui articu-
ïoîent des mots. Ce même naturalise , fi
brillant dans fes defcriptions , mais un peu
fufped dans fes citations, rapporte plufieurs
faits, qui, s’ils font vrais, prouvent jufqu’à
quel point l’éducation des oifeaux peut être
perfectionnée , 8c combien elle étoit en ufage
à Rome du temps qu’il vivoit. Je vais citer
mot pour mot, ce qu’il raconte au fujet
(i) Au moment même où j'écris cette hiftoire , dit
Pline, Agrippine, femme de l’empereur Claude, a une
grive qui parle , ce qui ne «’étoit jamais vu. Hifl. nat.
Uv. i o , chap. 4X.
d’un corbeau. ( i ) . II faut aufil, dit i l , rendre H
juflice au mérite du corbeau. Le peuple ro- H
main , fous l’empire de Tibère , non content H
d’ellimer cet o.ifeau, témoigna par un aéfeH
d’indignation éclatante , le cas fingulier qu’il I
en faifoit. Un jeune corbeau , qui étoit né fur H
le temple de Caftor & de Pollux , s’abattit®
en volant dans la bôutique d’un cordonnier,®
aclofifée à ce temple. Le lieu facré d’ou ve-H
noit cet oifeau , le rendit encore plus iecom-H
mandable au maître de la boutique. Ce corbeau, H
ayant donc appris en peu de temps à parler,H
voloit tous les matins vers la place publique}®
ôc fe pofant fur la tribune aux harangues , H
il faluoit de là par leur nom , l’empereur Tr.H
bère, en fuite les deux Céfars (2) puis le®
peuple romain qui paftbît fur la place ; après®
quoi.il s’en retôurnoit dans fa boutique. P en-H
dant plufieurs années, il fit régulièrement cet®
exercicej au grand étonnement de tout le®
monde. Or il arriva qu’un autre cordon.H
nier, qui, au voiiinage du premier, t en oit
aufii une boutique, tua le corbeau, foit par®
jaloufie contre fon voifin , foie par un mou-H
vement de colère , alléguant pour exeufe®
que l’oifeau avoit fait des ordures fur des I j
fouliers. Quoiqu’il en foit, le peuple fiufi®
affeétéde la perte du corbeau, qu’après avoit®
chaffé le cordonnier du quartier des Dïofcures H
( j ) , il le mit à mort.Enfuite, il fit au coréen#H
des funérailles magnifiques. Son corps couron- H
né de fleurs & placé fur un lit de parade, précé- 1
dé d'un joueur de flûte, il fut porté par des H
Ethiopiens jufqu’au bûcher qui avoit été conf* H
truit à deux mille de Rome, à droite de îa
voie Apprenne., dans le champ auquel i e l
temple de Rzàiculus a donné fon nom.; ainfi®
on crut qu’un oifeau au (fi ingénieux méritoit I
( 1) L ’hiftoire de ce corbeau paroît incroyable dans la |.
p’uparc des cireonftances qui faccompagnenc j cepen-
dant lorfqu’on confidère les idées fuperiftieufes dont
le peuple Romain étoit imbu; la foi qu’i ’s ajouroientaux I
augures tirés des oifeaux ; leur refped pour les oies ., I
dont un individu avoit fauve le capitole, & leur goût ■
pour les fpeétacles, il ne paroîtra pas étonnant qu’ils ■
aient fait mourir un liomme qui avoit tué ün oifeau, q<n H
devoit leur être cher à tant de titres, ni qu’ils âaentj
fait à cet o ifau des obsèques lî pompeufes.
(2) Britaunicus fils de Claude & Néron depuis empe-1
reur.
(3) Les deux cordonniers avoient l’un & l ’aune |i
leur boutique adoflee au mur du temple de Caftor & de I
Pollux ; c’eût pourquoi, le peupl1, avmt de mettre à ■
mort le coupable , le chaffa de toute l’étendue du quar- ■
lier de franrbife qui s’érendoit fans doute jufju’à une ■
certaine diftance du temple. | de I
de pareilles obsèques, & que fa mort fût ;
[ vengée par le fupplice d’un citoyen Romain,
dans une ville où l’on n’a voit point fait de
j funérailles à plufieurs grands hommes.; & où
; perfonne 11’avoit vengé la mort deScipion ,
Emilien , deflruéteur de Carthage 8c de Nu-
[ «tance ! le fait que nous venons d’expofer fe
pafla fous le confulat de Marcus Servilius 8c
■ de Caïus Ceflius, le vingt-huit de mars '1 ).
Préfëncement, continue toujours Pline , au
! moment.même où j’écris celte hiftoire, il y
a dans la ville de Rome, une corneille appor-
\ tée de Betique & qui appartient à un cheva-
[ lier romain j elle eft d’un noir admirable, 8c
\ furprend tout le monde par le talent qu’elle
a de prononcer des phrafes entières & d’en
Rapprendre fouvent de nouvelles.
II n’y a pas bien long-temps, ajoute-t-il en-
| core , qu’on a entendu parier d’un certain
1 Cratérus, furnomé monocéros, qui dans la
| contrée Erizene en Afie, fe fervoit des corl.
beaux pour la chafïe du vol : il les portoit
[ dans les forêts fur fes épaules ou furiescor-
[ nés de fon cafque (2). Ces corbeaux donnoient
la chafle aux autres oifeaux (3 ); il continua
| cet exercice pendant long temps, & quand
il fe mettoit en marche pour chafier, il étoit
[ fuîvi même des corbeaux fauvages.
Mars fans recourir à des preuves dont l’exif-
r.tence nous paroîrfufpede , n’avons nous pas
I des exemples frappans de ce que peut l’éducation
fur les oifeaux de proie, qui dë tous
I paroiflent être les plus farouches 8c les plus
| difficiles à dompter ? Ne fait-on pas qu’on
I drelie l’aigle à la chafle ; le balbufard 8c le
I plongeon à la pèche, &c que la bufe s’attache
avec confiance & fidélité a ceux qui la foi-
gnent. On m’apporta , dit M. Fontaine (4) ,
en 1763 , une bufe prife ail piege ; elle étoit
d’abord extrêmement farouche & même
' cruelle ; j’entreprisdel’apprivoifer 8c j’en vins
à bout en la taillant jeûner , 8c la contraignant
de venir prendre, fa nourriture dans
la main. Je parvins, par ce moyen , à la
| ( 0 Tacite fait mention de ces deux contais; ce célèbre
hüiôrien place leur confulat fous la n e . année
de l’ empire de Tibèie.
_ (a) Au fommet des cafques , on plaçoit fouvent de petites
cornes; c’étoit ordinairement un ornement de
i tjerreur.
(?) Aldovrahde cite un grand nombre d’exemples des
; corbeaux dreffés à la chalfe du vol. Ornith. lib. 1 2 ,
p ag.702,
(4) Lettre de M. Fontaine , curé de St. Pierre de
Uelefm£ , à M. de fluffon, datée du 28 janvier 1778.
Xl)
rendre très-familiere; & après l’avoir tenue enfermée
pendantenviron fix femaines, je commençai
à ltii laiflerun peu de liberté , avec la
précaution de lui lier enfemble les deux fouets
de l’aile ; dans cet état elle fe promenoit dans
mon jardin , 8c revenoit quand je i’appelois,
pour prendre fa nourriture. Au bout de
quelque temps, lorfque je me crus affiné de
fa fidélité-, je lui ôtai fes liens 8c je lui pafîar
lin grelot d’un pouce & demi de diamètre
au-deflùs de la ferre , 8c je lui appliquai une
plaque de cuivre fur le jabot, où étoit gravé
mon nom. Avec cette précaution (e lui donnai
toute liberté , 8c elle ne fut pas long-temps
fans en abufer, car elle prit fon eflor & fon
vol jufques dans la forêt de Belefme. Je la
crus perdue, mais quatre heures apiès, je la
vis fondre dans ma falle qui étoit ouverte,
pour fui vie par cinq autres bufes qui lui avoient
fait la chafle 8c qui l’avoient contrainte à
venir chercher-fon afyle* Depuis ce temps,-,
elle m’a toujous gardé fidélité, venant tous
les foirs coucher fur ma fenêtre. Elle devint
fi familière avec moi, qu’elle paroifîoit avoir
lin fingulier plaifir dans ma compagnie ; elle
affifloît à tous mes dîners fans y manquer ,
fe mettoit fur un coin de la table 8c me ca-
refloit très-fouvent avec fa tête & fon bec ,
en jettant un petit cri aigu , qu’elle favoit
pourtant quelquefois adoucir. Il eft vrai que
j’avois feul ce privilège : elle me fuivît un
jour à cheval, à plus de deux lieues de chemin
en planant...elle n’aimoit ni les chiens ni
les chats ; elle ne les redoutoit aucunement.
Elle a eu fouvent vis-à-vis de ceux-ci , de
rudes combats à foutenir ; elle en fortoit toujours
victorieufe. J’avois quatre chats très-
forts , que je faifoîs aftembler dans mon jardin
en préfence de ma bufe, je leur jétois
un morceau de chair crue, le chat qui étoit
le plus prompt s’en faififloit; les antres cou-
roient après }'mais l’oifeau fondoit fur le.corps
du chat qui avoir le morceau, 8c avec fon
bec lui pinçoit les oreilles , 8c avec les ferres
lui pétriiïoit les reins de telle force que le
chat étoit forcé de 'lâcher fa proie : fouvent
un autre cliat s’en emparort dans le même
inftant, mais il éprouvoit aufli tôt le même
fort j jufqu’à ce qu’enfïn la bufe qui avoit
toujours l’avantage , s’en faifit pour ne pas
la céder : elle favoit fi bien fe défendre,
que quand elle fe■ voyoït aftaiiiie par les quatre
chats à la fois „ elle prenoit fon vol avec fa
proie dans fes ferres, & annonçoit par fon
f