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Les uns, près cle terre, repréfëntent notre danfe
terre-à-terre; d’autres, plus élevés, ont de l’analogie
avec la danfe de caraélère ; enfin dès fauts
abfolument en l ’air nous rappellent la haute danfe.
C ’eft du résultat de ces différentes combinaifons
artificielles du cheval, connues en équitation fous
le nom d’airs de manège , que les premiers maîtres
de notre art ont compofé ce qu’on appelle encore
aujourd’hui le travail, & dont, à l’inftar de la
danfe , ils ont formé trois claffes , qui font, les airs
terre-à-terre, les airs relevés, & les grands airs.
La première .claffe, ou les airs terre-à-terre,
comporte l’exécution de cinq leçons ; fçavoir, le
pas d'école , qu’on termine ordinairement par le
manier en place ; l’épaule en dedans ; la hanche en
dedans , plus connue fous la dénomination des
deux bouts en dedans , dans laquelle les changements
de main ont toujours lieu fur deux piftes ,
& qu’ôn peut rendre très-intéreffante', au moyen
des contre-changements de main, renverfements
d’épaules, voltes, demi-voltes, quart de voltes ;
quatrièmement, la tête au mur ; finalement la croupe
au nnir.
On compte dans la fécondé claffe,ou les airs relevés
, le ©adage, dont on fe fert pour exécuter ,
de la façon la plus féduifante, les cinq leçons ci-
defîus détaillées ; le piaffer qu’on fubfiitue pour lors
au manier en place: enfin la galopade qui permet ,
quoique très-difficilement , de rendre quelques-
unes des mêmes leçons , & à laquelle on adapte,
les voltes , ou , pour parler plus jufte, les demi-
vpltes à pirouettes.
La troifième claffe, ou bien les grands airs , comprend
la pefade, la courbette , le méfair, la crou-
pade, la balorade, la cabriole , le pas & le faut, ou
le galop gaillard-
En rapprochant les différents produits de ces
trois claffes d’airs, on trouvé que, les fauts exceptés
toutes les figures qui compofent le travail ,
confident dans l’épaule en dedans ; la hanche, ou
bien les deux bouts en dedans ; la tête , ainfi que la ;
croupe au mur ; les changements-, contre-changements
de çjain, & renverfements d’épaules , touts
fur deux pif!es ; bref dans les voltes , demi-voltes
& quart de vpîtes, tant étendues qu’à pirouettes.
Ce n’eft effeéÛvement que le degré d’aélion qu’on
met à l’exécution de ces d-iverfes évolutions qui les
range ou dans la première , ou dans la fécondé
c la f t , puifque le pas d’école , le paffage , la galopade
, ne diffèrent du pas , du trot , du galop , le
premier, que par fa mefure plus écoutée, le fe-
cpnd , que par fa cadence plus tride, la troifième ,
que par fon élévation plus foutenue. A l’égard du
manier en place & du piaffer , on apperçoit aifé-
jnent qu’ils ne font que des arrêts élégants imaginés
pour terminer les airs fans les déparer. Il n’en
eftpas ainfi des grands airs: ils font, & doivent
réellement faire une claffe à part, étant plutôt les
réfultats de la force que de h volonté du cheval.
^pjlà,fai?s doute, l’origine 44 n(>nl djfiin^ifde
M A N
fauteurs en liberté que portent les chevaux réfer-»
vés pour cette dernière claffe, tandis que ceux
dreffés aux deux premières s’appellent tous indifféremment
chevaux de tête, ou de haute école. Le
travail analyfé, nous allons enfeigner comment il
faut préparer un cheval à l’exécuter avec cette pré-,
cifion qu’exigent les airs de manège.
Préparation au travail.
Toute aéfion demande une préparation , & plus
on veut que' l’aéfion projettée foit élevée , plus on
doit foigner la préparation qui va lui communiquer
l’élafhcité. De-là , nous voyons un homme, avee
la fimple intention de marcher, fe placer d’une façon
moins avantageufe que celui qui s'avance au
milieu d un cercle pour figurer un menuet ; & la
pofition que prend ce dernier nous paroîtra négligé
e , fi nous la comparons à la manière dont fe
campe Un danfeur prêt à s'enlever pour battre un
entrechar. Mais pourquoi chercher mes preuves,
ailleurs que dans la claffe des animaux fournis à
l'équitation? Rappelions-nous la première leçon
des éléments , & retraçons-nous le cheval à l ’inf-
tant où fon cavalier veut l’ébranler au pas. Nous
trouvons cet in fiant précédé de la fage préparation
du raffembler, qui met le cheval d’à plomb furfes
quatre jambes. Paffons enfuite à l’allure plus vibrée
du trot. Nous la voyons éclorre du même raffefti-
bler, auquel fe joint alors le demi-arrêt ; condition
effentielle , afin que la détente des mufcles du cheval
au trot, montés d’un ton .plus haut que ceux
du cheval au pas , puiffe lancer le trotteur conformément
à la vîteffe de l’allure qu’on veut lui faire
entamer. Continuons notre recherche, & fuivons
le cheval au galop. Que de précautions, avant que
de créer cette allure rapide 1 répartition tranfverfale
des maffes de l’avant & de l ’arrière-main ; enlever
conféquent du bipède de devant fur le centre : finalement
la maffe entière mife en équilibre fur une
feule jambe de derrière, pour que le reffort de
cette jambe , pouffé jufqu’à fon dernier période,
darde le galopeur en raifon de la contrainte que la
préparation du galop lui fait éprouver. Si les allures
naturelles du cheval dépendent d’autant de cir-
conftances préliminaires , combien les allures artificielles
doivent-elles en entraîner ? Je m’arrête, en
pçnfant que mon élève débute dans la carrière de
la haute école. Ce fëroit, en effet, furcharger fon
attention par des differtations prématurées , qui
pourroient au moins l’effrayer, h leur longueur in-
difpenfable ne le dégoutôit pas. Je me borne donc
à preferire ici les conditions générales du travail
fur le droit. Elles fe réduifent à mettre le cheval
dans la main , à l’affeoir fur les hanches, 8* à lui
donner le pli fur le dedans. A l’égard des airs corni
pofé^ y ceifà qui fuivront l’ordre des leçons qui
vont fe fucccder , parviendront, par gradation , 3
celles où, le çlieval fe met fur; deux piftes ; ç’efi-
à - dire, où le bipède de devant trace une piffe, tau*
"dis que le bipède de derrière chemine fur une autre.
Le cheval eft fur les hanches * lorfque l’afnere-
imin, abfolument coulée deffous le centre, fert de
pivot élafilque à la totalité de la maffe quelle enlève
Si poüffe, pendant que l’avant-mam , très-
élevé d’après fon affiette fur le même point central,
ne garde lê volume que l’arrière main lui
décoche , qu’autant de temps qu’il en faut pour entretenir
la progreffion du cheval. Il refulte de cette
double combinaifon q u e , fi touts les eonfpas du
bipède de derrière fe ferment un peu plus, & plus
longtemps au travail qu’aux éléments, auffi le léger
effort qu’ils font pour s’ouvrir produit-il toujours
la cadence qui difiingue le moindre pas des
iirs de manège d’avec touts ceux des allures ordinaire*.
J’ai fouvent obfervé que les élèves réuffif-
foient mieux à remplir la première de ces conditions
, qu’ils n’exécutoient la fécondé. Je nie fuis
en même temps convaincu que les difficultés qu ils
éprouvent alors , proviennent de ce qu’ils veulent
affeoir le^ cheval, avant que préliminairement il
foit dans la main. O r , comme dans cet état, au
lieu d’enlever la maffe fur les hanches , ils l’apportent
inévitablement fur lesJarrets , le cheval, hors
de la main de fon cavalier, autrement le nez en
l’air , n’a d’autre poffibilité d’agir qu’en employant
des mouvements faccadés , qui préfagent,ffinon des
défenfes prochaines , au moins des douleurs aéluel-
les. La démonftration qui fuit va prouver ce que
j’avance ici.
Soit A , le front du cheval, ( fig. 13 ); B , la hauteur
de fon oeil ; Ç , le milieu de fon chanfrein ;
D , fa boirche ; E , fes épaules ; F , fes bras ; G ,
fes jambes de devant ; H , fon garot ; I , fon corps ;
K, fes hanches ; L , fes jarrets ; enfin , M , fes jambes
de derrière. Pofons actuellement la main du
cavalier au-deffus du garot H , & nommons-là N.
D ’après ce plan , abaiffons d’abord une perpendiculaire
O , de A , qui paffe par D , 8c aboutiffe parallèlement
à G. Attachons-en une autre P à K , 8c
m en o ns-la de même parallèlement à M. Elevons
enfuite de D à N , une ligne Q , reprèfentative des
rênes, & du même point N , tirons une fécondé
ligne R , qui forme angle droit avec la première ,
Q . Il eft évident que cette fécondé ligne R tombe
fur K, hanches du cheval. En conféquence , chaque
fois qu’on defire mettre fur les hanches un
cheval préalablement mis dans la main , on a pour
folution l’avant-main enlevé de D à N par Q , qui,
affis furie'point central I , ne peut refluer fur l’arrière
main que de N à K , hanche« du cheval, par
R, Changeons pour un inftant la feule pofition du
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"bout du nez, 8c au lieu devoir le point D perpendiculaire
au point A , plaçons-le hôrifomalement
( fig. 14. ) ; auffitôt étant obligés d’allonger la première
ligne Q de N à D , nous ne pouvons retrouver
notre angle fans conduire la fécondé ligne
R dé N à L , jarrets du cheval.
Si quelqu’un réfiftoit à la vérité des calculs, ou
qu’ il doutât de la jufteffe de mes opérations, je lui
confeille d’abandonner la règle & le compas pour
s’en rapportera la nature. En effet, examinons le
cheval libre de fes attitudes , tel que le limonnier
d’une charrette lourdement chargée, & nous ne
tarderons pas à croire au principe inconteftable
qu’il faut abfolument commencer par mettre dans
la main un cheval dont on cherche à tirer parti,
quel que foit le genre de travail qu’on veuille en
exiger. Je fais qu’il n’eft cependant pas rare de rencontrer
des chevaux qui cheminent péniblement
fur les épaules , quoique dans la main , en apparence,
où pour mieux dire, la tête baffe ; c a r , en
reprenant la fuite de mes démonftratior.s, on voit,
( fig. 13 ) , que le cheval ne vient régulièrement
dans la main, qu’alors qu’on peut mener une ligne
droite S de fon garot H au milieu de fon chanfrein
C , & non-feulement que cette ligneS coupe
lé diamètre du cercle T , mais encore que le point
1 B , hauteur de l’oeil du cheval, fe trouve exactement
parallèle au point N , main du cavalier. La
même ligne S paffe-t-eile au deffous du point C ,
(fig. 14 ) le cheval eft dit hors de la main, ou
le nez au vent : par la raifon contraire , on le taxe
d’avoir la-tête baffe , ou de s’encapuchonner, lorf*
que cette ligne S paffe au-deffus. O r , l’une 8c l’autre
pofition de la tête du cheval le fait évidemment
fortir de la main de fon cavalier , puifque le
point B commande le point N , ou lui refte inférieur.
.Mais accufera t-on le cheval du vice radical
de cette double combinaifon de l’avant-main ? Eu
effet, l’inftinéî: feul lui fuffiroit pour en redifier
l’erreur, fi le concours de circonftances étrangères
ne s’oppofoit pas à ce mouvement naturel. Par
exemple, nous avons la preuve journalière que
c’eft la foibleffe du cheval attelé qui l’engage à fe
laiffer aller fur les épaules , afin d'effayer, en additionnant
le poids de fa maffe entière au peu de
forces qui lui reftent, d’ébranler le fardeau qu’on
s’obftine à lui fajire traîner. A l’égard du cheval
monté , le cavalier répond toujours des fuires de fa
négligence, on de fon inexpérience, lorfqu’il lui
permet de marcher autrement que dans la main.
Les deux cercles, U , V , (fig. 13 ) , qui enveloppent
le cheval dans la main, ainfi que ceux U , V ,
( fig. 14 ) , dont le cheval hors de la main eft entouré
, ont été ajoutés avec l’intention de prouver
qu’on a la plus grande facilité d’affeoir un cheval
une fois.mis dans la main , quand même il iroit
jufqu’à s’encapuchonner, mais qu’il eft phyfique-
ment impoffible de mettre fur les hanches un cheval
qui porte le nez au vent. Dans la première
fuppofition, nous ayons le quart de cercle X dans