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donner à la planche pour la dérober de deflous mes
pieds, la crainte alors m’engageoit à faire un mouvement
qui, efquivant la chute, m’élevoit un peu
vu - deflus de la planche , & me faifoit parcourir
une ligne oblique au lieu d’une ligne droite. Cette
aétion yen rcmfpant la chiite, dotfriô*tjà; rnês jambes
la facilité de fe mouvoir, parce que jè'm’étoVis élevé
au - deffus dè-te'planche > &• qu’un-demî-pouce d’éié-
vation, lorfqu’on a de la vîtefteV -fuffi't-poûr^/hè
Ventrecha't. -• • ,yn : 6 '
Mais fi, fans être prévenu, on eaffoit ou on’ dérobent
la planche , alorsqe-tombois perpendiculairement;
mon corps s’affai(Toit fur les parties inférieur
tes , mes jambes étoienû imrriobfresv & mes:pieds
tendant direôemetot vérs lfrterrèy étaient fa’ns|mokiii
yement-, mais* danSùnè pofitionprâbrè-â reêêVctir
& à foutenir te maffé;. ‘ •
: Si l’on admet de te foiré darîs ï’inftant qüë'lê éBrps'
tombe, & que l’on croie qu’il lui foit poffibfe d’opérer
une fécondé fois, fans un nouvël éffôrt'ôç uri‘
ndtiveaii pciint
fenYlùttérp'afi unepriftfionqüùb;aéu moins £
je dérnanderai ^ u v o fr ti’è'&jtte*
pâs dairê un hommeqtii s’élancepOUV fauter un'fof;’
fé? D ’on vient ne peutrirplfferle^biit qu‘il à‘ fixé '?'
D*bù vien t, dis - 'je , ne petit-rit changer én lai'fiâ'
combinaifon qu’il a faite de làdiftahce & de la force
qu’il lui falloit pour la franchir? Pourquoi enfin ,
celui qui a combiné mal adroitement, & qui fe Voit
prêt à tomber dans l’eau , pour nîavdif
cfeffx pôucèfi pins loin , 'ne petit-il rétféféf l’èffôft ^
& porter fon corps, par une fécondé fecouffe , sau-
delà du foffé?
S’il y a de l’impoffibilifé â faire ce mouvement,
combien plus y en aura-t-il à en faire un autre qui
extee de la grâce, de l’aifance 8c de la tranquillité ?
Tout danfeur qui fait l'entrechat, fait^à combien
de temps, il le pdjfera ; l'imagination devance toujours
les jambes : on ne peut lè baürê â huit; fi l’intention
n’étoit que de \epaffer àfîx; , fans cette précaution
, il y aurait autant de chûtes que de pas.
Je foutiens donc que lé corps ne peut opérer deux
fois en l’air, lorfque les refforts delà machine ont
jou é, & que leur effet eft déterminé.
Deux défauts s’oppofent encore aux progrès de
notre art ; premièrement, les difproponions qui régnent
communément dans les pas ; fe.condement, .
le peu de fermeté des reins.
Les difproportions dans les pas prennent leur
fourcede l'imitation & du peu de rationnement des
danfeurs. Les déploiements de la jambe & les temps
ouverts convenoiem fans doute à Dupré ; l’élégance
de fa taille & la longueur de fes membres s’affo-
cioient à merveille aux temps développes & aux pas
hardis de fa danfe ; mais ce qui lui allqit, ne peut
être propre aux danfeurs d’une taille médiocre ; cependant
tout* vouloiem l’imiter : les jambes les plus
courtess’efforçoient de parcourir les memes efpaces
& de décrire le« mêmes cercles que celles de ce.cé- |
i lèbre danfeur ; dès-lors plus de fermeté ; les han*
ches n’étaient jamais à leur place, le corps vacilloit
fans ceffe, & l’exécution ètoit ridicule.
L’étendue & la longueur des parties doivent dé-
lerminer les contours 8c les déploieihents. Sans, cette
I précaution, plusà'enjemble, plus dnarmonie y plus
I de tranquillité &>plus.de grâces; les parties, fansmffe
i défuoies & toujours diftantes jetteront le cofpsTdans
des portions faillies & défagtéables ; -&clà danfe dé»
, nuée de fes juft esprppqrtionsreffembLecaà l'a&i on
i de ces pantins ; dont les1: mouvements ouverts i&dif»
! loqués n’offrent que W\charge groffière des mouve-
i ments harmonieux que les bons danfeuts doivent
avoir. 1 :vic,ri-;.q 3; ; 1• s, . • >■
« -Ge défaut eft fprt àiaimode parrifi ceux:qui dan-'
| fent le férieujj ; 8i cdmme ce genre règne à Paris;
\ plus que par - tout ailleurs y it.elt très coiiimun d’y.
voir danfer le nain dans des.proportions gigante!-:
■ qiies & ridicules ; j’ofe même avancer que ceux qui
. font doués-d’une taille majeftueufe., abufent queh
quefois de l’étendue de leurs membres & de la fa-
'• cilité qu’ils ont d’arpenrer le thèârrél&de détacher
j leurs temps : cesidêplàieimeflci: outrés, afiërenç le ca-
!raélère noble & tranquille que la belle danfe doit
avoir ) &>priventTexécütion de fon moelleux &ide
fa douceur. '
Le contraire de ce que je viens de vous dire, eft
un défaut qui n’eft pas moins défagréabie. Des pas
ferrés, des temps maigres 8c rétrécis, une exécution
enfin trop petite, choquent également le bon goût;
G-êft doue, jé le répète * la taille 8c la conformation
>du danfeur * qui doivent fixer & déterminer léten«^
due de fes mouvements, & les proportions que fes
pas & fes attitudes doivent avoir, pour être defli-
né'S correctement & d’une manière brillante.
On ne peut être excellent danfeur, fans être ferme
fur fes reins , eût - on même toutes les qualités
effentiêlles à 1a perfection de cet arr. Gette force eft
fans contredit un don de la Uature. N eft-elle pas cultivée
par les foins d’un maître habile? elle ceffe
dès,- lors d’être utile. Nous voyons journellement
d*es danfeurs fort vigoureux , qui n'ont ni aplomb ni
fermeté, & dont l’exécution ell déhanchée. Nous
en rencontrons d’autres au contraire q u i, n’étant
point nés avec cette force , font pour ainfi dire aflîs
folîdement fur leurs hanches , qui ont la ceinture
affurée & les reins fermes. L’àrt ’chez eux afuppléé
à là nature , parce qu’ils ont eu le bonheur de rencontrer
d’excellents maîtres , qui leur ont démontré
que , lorfqu’on abandonne les reins, il eft impof-
fible de fe foutenir dans une ligne droite & perpendiculaire;
que l’on fe deffme de mauvais goût ; que
la'vacillation & l’inflabilité de cette partie s’oppofent
à l'aplomb 8c à la fermeté ; qu’ils impriment un
défaut défagréabie dans 1a ceinture ; que l’affaiffe-
m'ent du corps ôte aux parties inférieures la liberté
dont elles ontbefoin pour fe mouvoir avec aifance;
que le corps , dans cette fituation , eft comme indéterminé
dans fes pofitions ; qu’il entraîne fouvent les
jambes ; qu’il pérd-à chaque inftant le centre degravité,
8c qu’il ne retrouve enfin fon équilibre qu’a-
près des efforts & des contorfions , qui ne peuvent
s'affocier aux mouvements gracieux de la danfe.
, Voilà le fâbleau fidèle del’exécution des danfeurs
qui n’ont point de reins, ou qui ne s’appliquent
point à faire un bon ufage de ceux qu’ils ont. Il faut,
pour bien danfer, que le corps/oit ferme & tranquille
, qu’il foit immobile & inébranlable dans le
temps des mouvements des jambes. Se prête-t-il au
contraire à l’aétion dçs pieds,?; il fait autant de grimaces
& de contorfions., qu’il exécute de pas différents
l’exécution dès-lors efi dénuée de jrepos ,
d enfemble ,. d’harmonie , de précifion , de fermeté,
d’aplomb & d’équilibre ; enfin elle eft privée des
grâces 8c de la nobleffe, qui font les qualités fans ;
lefquelles 1a danfe ne peut plaire.
Quantité de danfeurs s imaginent, qu’il n’eft i
quefti.on que de plier les genoux très^bas, pour être j
liant 8ç moelleux ; mais ils fe trompent à coup fur a i
car la flexion trop outrée donne fle la féchereffe à |
la danfe. On peut être très-dur, 8c faccadert outsles
mouvements , en pliant bas -, comme en ne pliant
pas. La raifon en eft fimple , naturelle & évidente,
lorfque l tm.confidère, que les temps 8c les mouvements
du danfeur font exaélement uibordonnés aux
temps & aux mouvements delà mufique. En partant
de ce principe , il n’eft pas douteux que » flé-
chiffant les genoux plus-bas qu’jl ne le faut, relativement
à 1 air fur lequel .on danfe ,1a mefufe alors
traîne , languit & fe perd. Pour regagner le temps,
que la flexion lente & outrée a fait perdre, & pour
le rattraper, il faut que l’extenfion foit prompr.e ; &
c’eft ce paffage fubit & fouilaih de 1a flexion à l’exten-
fion , qiii donne à l’exécution une féchereffe & une
dureté tout aiiflî choquantes, & aufli défagréabies,
que celles qui réfultent dé 1a foidepr.
Le mo'ëlieux dépend en partie de la flexion pror
portionnée des genoux ; mais ce mouvemént n’eft
pas fuffifant : il faut encore queles cou - de - pieds
faffen.t reffort, & que les reins fervent, pour ainfi
dire , de contre-poids à la machine, pour que ces
refforts baillent & hauffent avec douceur. C ’eft cette
harmonie rare dans touts les mouvements, qui.a
mérité au célébré Du pré le'ti tre.de dieu de la danfe .
En effet, cet excellent danfeur avoit' moins l ’air
d’un homme que ü’ une divinité ; le liant., le moelleux
8c la douceur qui régnoiènt dans touts fes mouvements
, ‘la correfpOndance intime qui fe rencon-
troit dans le jeu de fes articulations , offroient un
enfemble admirable ; enfejnble qui réfulte de 1a belle
conformation , de l’arrangement jufte, delà proportion
bien combinée des parties , & qui, dépendant
bien moins de l’étude & du raifonnement que de la
nature, ne peut s’acquérir que lorfque l’on eft fervi
par elle.
Si les danfeurs, meme les plus médiocres , font
en poffeflion d’une grande quantité de pas ( mal
çoufus à la vérité , & liés la plupart à contre-feus &
de mauvais goût ) , il eft moins commun de rencontrer
chez eux cette précifion d’oreille , avantage
rare , mais in n é , qui earaélérife la danfe » qui donne
de l’etprit & de la valeur aux pas, 8c qui répand
fur touts les mouvements un fel qui les anime &c qui
les vivifie.
Il y a des oreilles fauffes 8c infenfibles aux mouvements
les plus Amples & les plus Caillants ; il y èa
a de moins dures, qui fententla mefure, mais qui ne
peuvent en faifir les fineffes ; il y en a d’autres enfin
qui fe prêtent naturellement 8i avec facilité aux
mouvements des airs les moins fenfibles. Mademoiselle
Camargo & M. Lany jouiffoient de ce tacl pré-
-eieux & de cette précifion exaéle , qui prêtent à 1a
danfe un efprit, une vivacité & une gaieté, que l’on
ne rencontre point chez les danfeurs qui ont moins
de fenfibilité & de fineffe dans cet organe. I l eft cependant
confiant, que 1a manière de prendre les
temps, en contribuant à lavîteffe , ajoute en quelque
forte à la délicateffe de l’oreille.; je veux dire,
■ que tel danfeur peut avoir un très-beau taél, & ne le
pas rendre fenfible aux fpeâareurs ; s’il ne poffède
l’art de fe fervir avec aifance des refforts qui font
mouvoir le cou-de-pied. La mal-adreffe s’oppofe
donc à la jufteffe ; & tel pas qui auroit été Taillant,
8c qui auroit produit fon effet, s’il eût été pris avec
promptitude & à.l’extrémité delà mefure , paroît
froid & inanimé fi toutes les parties opèrent à la
fois. Il fiant plus de temps pour mouvoir toute la
machine, qu’il n’en faut pour en mouvoir une partie.
La flexion & l’extenfion du cou-de-pied eft bien
plus prompte 8c bien plus fenfible que la flexion 8c
l’extenfion générale de toutes les articulations. Ce
principe pofé ; (la précifion manque à celui qui,
ayant de l’oreille , ne fait pas prendre fes temps
avec vîteffe. L’élafticité du cou - de - pied & le jeu
plus ou moins aéfif des refforts , ajoutent à la fenfibilité
naturelle de l’organe , 8c prêtent à la danfe de
1a valeur 8c du brillant. Ce charme qui naît de l’harmonie
des mouvements de 1a mufique & des mouvements
du danfeur, enchaîne ceux même qui ont
Toreille te plus ingrate & la moins fufceprible des
impreflions de 1a mufique.
11 eft des pays où les habitans jouiffent généralement
de ce taâ inné qui ferait rare en France, fi
nous ne comptions au nombre de nos proyinces la
Provence, le Languedoc & l’Alface.
Le Palatinat de Wirremberg, 1a Saxe , le Brandebourg
, l’Autriche & la Bohême, fourniffentaux
orcheftres des princes Allemands une quantité
d’excellens muficïens & de grands compofiteurs.
Les peuples de la Germanie naiflent avec un goût
v if 8c déterminé pour la mufique ; ils portent en
enx le germe de l’harmonie ; 8c il eft on ne peut
pas plus commun d’entendre dans les rues & dans
les boutiques des artifans, des concerts pleins de
jufteffe & de précifion. Chacun chante fa partie &
compte fes pas avec exaétirude ;ces concerts diâés
par la fimple nature & exécutés par les gens les plus
vils , Qm un.e/ifemble que nous avons de la peine à
faire faifir à nos muficiens françois , malgré le bâton
de mefure 8c les contorfions de celui qui en, eft