
j 30 M À N
épaules en' avant, & appuyer un peu plus ferme
celui du côté duquel il le chaffe, afin qu’il y obéifle.
Suppôfé qu’on ait à dreffer un cheval, qui, quoique
vigoureux & malgré, la bonté de fes pieds 8c
de fes jambes, eft , faute de courage , très-lourd &
très-infenfible , voici la méthode qu’il faut fuivre
pour le réveiller. On le laide pendant 5 à 6 femaines
dans une écurie très-fombre, où on lui donne à
manger tant qu’il veut, fans l’en faire fortir. Si cette
manière de le gouverner ne le rend pas propre à
l'exercice, on le mettra autour du pilier, où on le
réveillera avec la chambrière , de la houfline & de
la voix , afin que par ce moyen il parte plus librement
pour les talons. Si cette méthode en fans fuc-
c è s , i l eft inutile de vouloir dreffer un pareil cheval
au manège, il n’y réuflira jamais. Le cheval eft-
il forti des piliers, on lui apprend à fe laiffer conduire
de plein gré par la bride, & à s’arrêter droit
où l’on veut. L’arrêt doit fe faire toujours à vois
ou quatre temps feulement.
Si le cavalier trouve de là difficulté dans cette
conduite, il fe fervira. des deux rênes, qu’il tiendra
féparées dans les deux mains, comme on fé fert
des longes du cavefTon. L’ufage d’une fequilie
contribue beaucoup à empêcher le cheval de branler
la tête ; de même que celui d’une corde, groffe
comme la moitié du petit doigt, mife autour de la
muferole , paffée dans la fe lle , le long du liège,
arrêtée enfuite au pommeau & ajuftée, à la longueur
qu’on fouhaite que le cheval obéifle , on lui
apprend à faire de bonnes pafl'ades terre-à-terre.
Des pafl'ades relevées à courbettes font tout ce que
le cheval parfait peut faire de mieux, c’eft tout ce
qu’il y a de plus excellent dans l’art de monter
à cheval , c’eft par où on "Achève ordinairement
ùn cheval. On melure ordinairement la longueur
& la largeur des paflades à la force, à la
gentilleffe & à l ’inclination du cheval. La véritable
proportion eft que la paffade n’excède pas cinq ou
fix fois la longueur de cet animal. La demi-volte
aura deux pieds de largeur ou environ, fera ovale,
& faite au, troifième temps de l’arrêt. Après l’avoir
fermée à droite , de la main & du talon , on fait
repartir le cheval de toute fa force, & on la ferme
à gauche , en arrêtant au troifième temps. Le cavalier
obfervera de ne point obliger le cheval à en
faire plus qu’il ne peut, afin qu’il les faffe toutes de
bonne grâce. Cinq ou fix paflades fuffifent dans une
carrière. Les paflades relevées, ïorfqu’elîes font
bonnes & bien foutenues, couronnent les plus
grandes jufteffes d’un cheval. La manière de faire
partir de bonne grâce un cheval de la main , n’eft
pas moins effemielle. Pour y réuflir , il faut, dans
la première leçon, lâcher de trois doigts la main
qui tient la bride ; preffer les talons en l’état où on
le trouve, fans aller chercher fon temps plus loin,
. & accoutumer le cheval à partir de cette manière ,
en fe donnant fur-tout bien de garde d’ouvrir les
jambes & le bras droit. Quant au nombre dès courbettes,
il en faut neuf dans un arrêta trois en arrétantÿ
trois dans la demi-volte en toürrtatft; $
trois avant que de partir. Le paflage fait félonies
proportions & les diftances néceflaires eft le feu]'
moyen d’ajufter les chevaux à toute forte d’airs. Ce
paflage fe 'fait, lorfque le cheVal en tournant ôu
en marchant de côté , croife les jambes , un peu
moins celles de derrière que celles de devant; &
pour faire le paflage des voltes bien proportionné,
il faut que les jambes de devant faffent un cercle
à-peu-près de la longueur du cheval, & celles de
derrière un autre plus petit des deux tiers. Ce n’eft
au refte que fagement & avec difcrélion , qii’il faut
ufer de ce paflage ; c’eft ce qu’il y a de plus difficile
à apprendre dans le manège.
Le cheval eft-il parvenu jufqu’à manier parfaitement
autour du pilier & à obéir au paflage , à la
main & aux talons * le cavalier le mènera de pas
par le droit, c’eft-à-dire, le long d’une haie ou
d’iine muraille ; il lui fera faire après cela trois ou
quatre courbettes, puis marcher trois ou quatre
pas, continuant ainfi de le travailler en levant &
en marchant de temps à autre , jufqu’à ce qu’il fâche
le faire de fuite, & qu’il manie parle droit de
fon plein gré. On le promène enfuite rondement
fur les voltes au même paflage, jufqu’à ce qu’il y
marche fans s’embarraffer les jambes, ni fe les choquer
en aucune manière. S’il fe préfente de l’air
qui lui eft naturel, dans la jufteffe de fa pifte ;
le cavalier faifira ce moment, & l’aidera tout doucement
pour l’obliger à faire un quart de volte'. S’il
ne fe préfente pas de lui-même comme on lé fouhaite
, le cavalier l ’y engagera par le moyen des
aides de la langue , de la houfline fur le devant, &
des talons , qu’il appuiera même vigoureufement
en cas que le cheval refufe de fe préfenter, jufqu’à
ce qu’il foit toujours prêt à exécuter ce qu’on lui
demande.
Quant aux chevaux qui fe préfentent à faire
quelques courbettes par le droit, mais qui répugnent
à tourner & à plier en maniant fur les voltes
, on partage la volte en quatre, & on les arrête
fur quatre parties, droit & jufte. Chaque fois que
le cavalier les arrête , il les lève en line place quatre
courbettes feulement fans fon tourner , il continue
tournant de pas, arrêtant & levant quatre
courbettes en une place ; & dès que le cheval eft
parfaitement inftruit de cette leçon, au lieu défaire
les quatre courbettes en une place, le cavalier
tourne doucement la main, & en l’aidant à propos,
l’oblige infenfiblement à faire les quatre courbet-,
tes en tournant. D’autres lui apprennent d’abord a
tourner fur une volte juftement quarrée, Sc enfuite
fur un quarré long , laméthodé revient au même.
Pour achever d’ajufter un cheval, on le promènera
de pas fur les demi-voltes, commençant par
une, deux ou trois , ou davantage de demi-volte,
d’une haleine , félon qu’on le jugera afluré & ini-
truit. Car il faut prendre pour maxime générale de
ne jamais ennuyer, rebuter , trop fatiguer un cheval
eii lui donnant fes leçons» Si on le met au refte
M A N
fut les demi-voltes, plutôt que fut une autre leçon, j
c’eft qu’il eft bien plus facile au cheval de faire une
demi-volte feule qu’une volte entière. Outre que
cette méthode lui gagne plus aifement 1 haleine que
fur les voltes; car s’il'fait bien une de.m-voite , .1
fera fans doute capable d’en bien faire une entière ,
nu’il redoublera autant de fois que fa force & fon
haleine le lui permettront. Ce n’eft pas affez.qu un
cheval manie bien fur les voltes, il faut encore lui
apprendre à manier fur le côté. On y parviendra
aifement en le faifant promener de pas, de-cote,
de la main & du talon. Lorfqu’il obéit de pas , on
le lève deux ou trois courbettes à-la-fois, & on
continue ainfi de pas & à courbettes. Après cette
leçon, & l ’avoir promené de côté, de-çà & de-la ,
on le chaffe en avant. Pour l’achever & lui donner
enfin les plus grandes jufteffes, il faut lui apprendre
à aller & à manier en arrière. Rien de meilleur au
refte, pour le perfectionner entièrement, que les
voltes bien rondes ; mais elles doivent être larges,
♦ moyennes & étroites, autant qu il plaît au ca-
valier.
On remarquera encore , qu il faudra pour conduire
un cheval rondement fur les voltes , qu il
fouffre la main , qu’il y obéifle , que fon appui foit
bon & jufte , fans branler la tête pour quoi que ce 1
foit; qu’il aille en avant pour les talons, &"qn’il
s’arrête toutes les fois qu’il plaît au cavalier ; qu il
obéifle aux talons de çà & de-là, & qu’il prenne
une cadence jufte & égale ; qu’il fouffre enfin les
aides & les châtiments de la main & des talons.
Quant à l’ufage des lunettes , il eft fouvent inutile
à l’égard des chevaux trop rétifs , trop impatients,
trop colères , & qui n’ont pas de mémoire. Pour
en tirer quelqu’avantage , l’écuyer qui veut s’en
Servir pour ajufter fon cheval, prendra garde de
pe les lui point donner, lorfqu’il maniera fur les
voltes. Il prendra le cheval à pied & d’une main ,
par une des rênes près de la branche du mors,
pour le tirer en avant. Il fera reculer le cheval, le
pouffant fur la main droite , & le tirant fur la gauche
en changeant de main. En paffant enfin de
l’autre côté du cheval, & le pouffant fur la main
gauche , il le tirera fur la droite en le frappant doucement
au ventre du manche de la.houfline, pour
lui faire faire la croupe de l’autre côté, & par ce
moyen il lui apprendra touts les mouvements de
la main qui tient la bride. Touts les airs dont on
fe fervoit autrefois font maintenant réduits à cinq,
au terre-à-terre , aux courbettes , aux cabrioles
, au pas & au faut. Pour inftruire un cheval à
l’air des cabrioles , on commence par le mettre au
pilier, fans qu’il y ait perfonne deffus. On tâche
- de l’y rendre obéiflant au pas , au trop, & à fouffrir
la main au galop, à s’y laiffer conduire , & à fuir
la gauche de-çà &. de-là, après avoir été attaché
entre les deux piliers. Lorfqu’on peut lui mettre
fans danger un homme deffus , on fait faire au cheval
le même manège. On tâche de le délibérer au
ferre-àrterj-e, de le faire aller en avant par obéiffarice,
&• de fuir les talons, avant que de le chcc-
çher de plus près. On lé fait lever haut à la fin de
la leçon, & on l’oblige à plier les jambes autant
qu’il eft poflïble. Q u’on évite for-tout, s'il arrive
alors qu’un cheval fe défende de l’efquine , dé lui
demander quelque chofe mal-à-propos. Ilfoffitqu’il
n’aille pas en arrière , fi ce n’eft que le cavalier le
veuille bien. Du. refte, s’opiniâtrer à vouloir l’empêcher
alors de faire ce qu’il voudroit, ferait s’y
prendre très-mal. : ■
Le cheval délibéré à.fe lever haut du devant &
à bien plier les jambes, commence fa leçon par
le terre-à-terre. On le fait enfuite attacher entre
les deux piliers, & on obferve que les cordes
du caveflon foient un peu courtes, pour lui apprendre
à lever le derrière & à ruer des deux à-
la-fois. On le frappe enfin fur la croupe pour l’obli,
ger à ruer. S’il obéit, on le carefîe. S il ne.répond
que mollement à ce qu’on lui demande, on lui
préfente un bâton qui a environ cinq ou fix pieds
| de long & une petite pomme de fer au bout. Cette
pomme fert de molette d’éperon ; on l’en touche,
s’il en eft befoin. Ce moyen eft infaillible pour apprendre
au cheval à ruer facilement. Il faut, au
refte, que ce foit également des deux pieds, que fe
fatfe cette ruade , & on l’y déterminera.en lui mettant
un bâton de chaque côté, jufqu’à ce qu’il le
connoiffe. S’il faifoit le pareffeux, on Tobligeroit
à ruer par le moyen d’une elpèce d’aiguillon qu’on
appelle poinçon. Celui qui le monte , leve devant
dans le temps que le cheval retombes terre; on préfente
en même temps les bâtons au cheval , q u i, ne
manquant pas de repondre à cette aide, fait d abord
une bonne cabriole , la redouble chaque fois qu’en
levant on lui prefonte les bâtons ; & il la fera enfin
par le fe.ul moyen de la gaule. D ’abord le cavalier
n’en exige qu’une, il gagnera enfuite fur'
i’haleine du cheval d’en faire davantage , & il continuera
à le travailler de cette forte, à plufieurs re-
prifes, & fur-tout fans le forcer.
Quand le cheval eft afluré entre les deux piliers
à fe lever devant à l’aide de la langue ôt de la houf-
fine, on lui donne quelques leçons pour le bien
mettre dans la main, & pour lui faire faire fes
fauts égaux dans la main , fur fa foi & fans s abandonner
fur les cordes du caveflon. Si on remarque
que le cheval répugne dans le temps qu’il eft en
liberté & fur fa fo i , à obéir à la main , au talon ,
aux aides de la langue & du poinçon ; on ne doit
point aller plus avant , qu’on n’ait vaincu cette opiniâtreté.
Cette difficulté étant furmontée * on met
le cheval autour du pilier ou on commence fa leçon
de pas. Se préfente-t-il lui-même de fon air, on
prend ce-temps pour tirer de lui deux ou trois fauts,
s’il ne s’y préfente point, on continue terre-à-ferre
avant que de le lever. C ’eft en levant & en marchant
ainfi de pas , à plufieurs reprifes , qu’il fera '
bientôt réduit à fournir une ou plufieurs voltes
entières. , i Auffi-tôt que le cheval eft affure fur les voltes