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faire l’examen rigoureux & en juger faînement, il
faut, fi le cheval eft dans un lieu obfcur, le faire
conduire dans un lieu clair , & là , lui regarder les
yeux l’un après l’autre, de côté & non vis-à-vis. Il
ne faut pas non plus les regarder au foleil ; au contraire
, il faut mettre la main au-deffùs de l’oeil pour
rabattre le grand jour & empêcher la réflexion.
Les deux parties de l’oeil les plus effentielles à
connoître, oc qu’il faut examiner avec le plus de
fo in , font la vitre & la prunelle.
La vitre eft la partie extérieure de l’oe il, & la
prunelle la partie interne, ou ïe fond de l’oeil.
C ’eft de l’exaéle confidération de là vitre que
dépend la parfaite connciffance de l’oeil. Elle doit
être claire & tranfparente , enforte qu’on puiffe
voir la prunelle fans aucun empêchement. Lorfque
cette partie eft trouble & couverte, c’eft ligne que
le cheval eft lunatique , c’eft-à-dire , qu’il lui fur-
vient’des fluxions de temps à autre fur l’oeil , &
lorfque la fluxion a endommagé un oe il, il devient
plus petit que l’autre, alors il eft perdu fans ref-
îource , puifqu’il fe deffèche. Quelquefois un oeil
paroît plus petit que l’autre , parce que par quel-
qu’accident la paupière a été fendue , & qu’en fe
rejoignant elle refte plus ferrée. Mais il eft rare
que cela arrive, & il eft aifé de ne s’y pas tromper,
en examinant ft l’oeil n’eft ni trouble ni brun.
. Lorfqu’un cheval jette la gourme, ou change les
dents de la it, ou pouffe les crochets d’en haut, il
arrive fouvent que la vue lui devient auflî trouble
que s’il étoit borgne ou aveugle ; mais lorfqu’il eft
guéri, fa vue s’éclaircit. Quélquefois aufli par ces
accidents, un cheval perd entièrement la vue.
La prunelle, qui eft la fécondé partie de l’oeil,
doit être grande & large , il faut qu’on puiffe l’ap-
percevoir diftinétement.
Il vient quelquefois au fond de l’oeil une tache
blanche , qu’on appelle dragon, q u i, quoique très-
petite dans le commencement , couvre avec le
temps ta prunelle, & rend le cheval borgne , fans
qu’on y puifle apporter aucun remède.
Un autre défaut, qu’on appelle oeil cul de verre ,
c’ eft lorfque la prunelle eft d’un blanc verdâtre &
tranfparent. Quoiqu’un cheval ne foit pas toujours
borgne avec ce défaut, il court grand rifque de le
devenir. Lorfqu’il y a plus de blanc que de verdâtre
, o if l’appelle oeil véron : il donne au cheval un
air méchant & traître.
Nous ne ferons point ici un plus grand détail
des accidents qui arrivent aux yeux ni aux autres
parties dont nous allons décrire les défauts, parce
qu’on fe réferve d’en parler plus amplement dans la
troifième partie de cet ouvrage , qui traite des maladies.
De la Ganache,
Les deux os qui compofent la ganache, doivent
être peu charnus à l’extérieur, c’eft-à-dire, à chaque
côté de la mâchoire inférieure, & l’entre-deux,
qui eft la partie gui touche au go fier, que quelques
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écuyers appellent la braye , & quelques maquignons
Vauget, doit être bien ouvert & bien évidé ,
afin que le cheval ait la facilité de bien placer fa
tête.
La ganache quarrée eft une difformité qui provient
de ce que les deux os qui la forment font
trop gros , trop ronds, ou trop chargés de chair ; fi
avec cela ils font ferrés l’un près de l’autre , enforte
qu’il n’y ait point affez de vuide & d’efpace pour
que le cheval puiffe loger fa tête , il aura beaucoup
de peine à fe ramener, à moins qu’il n’ait l ’encolure
fort longue, peu épaiffe & relevée.
Lorfque l’entre-deux des os de la ganache n’eft
pas bien évidé , & qu’on y trouve quelque grof-
feur ou glande, c’eft ordinairement un figne de
gourme-, quand le cheval n’a pas paffé fix ans ;
mais s’il a paffé fept ans , & que la glande foit dou-
loureufe , & attachée à l’un des os de la ganache,
c’eft prefque toujours un figne de morve. On
trouve quelquefois dans cette partie plufieurs petites
groffeurs, qui font une fuite de rhume ou mor-
fondement, mais elles ne font point dangereufes t
un travail médiocre les diftipe.
De la Bouche & de fes parties extérieures.
L’ouverture ou plutôt la fente de la bouche doit
être proportionnée à la longueur de la tête, enforte
qu’elle ne foit ni trop fendue, ni trop petite. Quand
la bouche eft trop fendue, le mors va trop avant
dans la bouche du côté des dents machelières, ce
qu’on appelle boire la bride ; & lorfqu’elle n’eft pas
affez fendue, le mors ne peut porter en fon lieu
fans faire froncer les-lèvres.
Ce qu’on entend par une belle bouche, c’eft
lorfque le cheval étant bridé , elle devient fraîche
& pleine d’écume , c’ eft une qualité qui dénote un
bon tempérament, On dit d’un tel cheval, qu’iP
goûte bien fon mors.
Des Lèvres,
Il faut que les lèvres foient peu épaiffes & menues,
à proportion de la bouche. Quand elles font
trop groffes & trop charnues, elles couvrent les
barres, & empêchent l’effet du mors. C ’eft ce qü’OÜ
appelle s'armer de la lèvre.
Des Naseaux,
Un cheval doit avoir les nazeaux ouverts, parce
que la refpiration en eft plus facile. Cependant ce
n’eft pas toujours de cette ouverture des nazeaux
que dépend la liberté de la refpiration, mais de la
bonne conflitution des poulmons ÿ ainfi il n’eft pas
toujours fur de fendre les nazeaux , dans la vue de
faciliter la refpiration à certains chevaux, comme
les huffards & les hongrois le pratiquent. Cette
opération ne produit qu’un feuLavantage , q li ne
laiffe pas d’être quelquefois utile à la guerre ; c’eft
qu’on d it , que les chevaux qui ont les nazeaux fen-:
dus ne peuvent plus hennir. Lorfqu’un cheval s’ébroue
en marchant, & qu’on voit dans le creux de
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fes fiazeaux un vermeil, c’eft figne qu’il a le cerveau
bien conftitué.
De la Barbe.
La barbe, que quelques-uns appellent barboitr
chet, eft une partie qui contribue autant a la bonté
de la bouche d’un cheval que les barres , puifque
c’eft l’endroit où la gourmette fait fon effet, laquelle
doit porter également par-tout. Il faut pour cela
que la barbe ne foit ni trop plate ni trop relevee.
Si la barbe étoit trop plate, c’eft ad iré, que les
deux os qui la compofent fuffent trop éloignés l’un
de l’autre & peu élevés, la gourmette n’appuyeroir
qu’aux deux côtés Si point dans le milieu ; & fi au.
contraire, les deux os étoient trop élevés & trop
près Tu n de l’autre, la gourmette n’appuyeroit que
dans le milieu, & alors l’effet en feroit trop fe-nfi-
ble au cheval, & lui feroit donner des coups de
tête. Il faut encore pour la perfeâion de cette partie
, qu’il y ait peu de chair & de poil, & rien que
la peau, pour ainfi dire, fur les os , ce qui rend la
barbe plus fenfiblê. Lorfque cette partie efl bleffée ,
ou qu’il s’y trouve de la dureté & des calus, c’eft
figne, ou qu’un cheval appuie trop fur fon mors ,
ou que la gourmette eft mal faite, ou qu’elle a été
mal placée , mais plus ordinairement que le cavalier
a la main rude.
De la Langue 6* des autres parties intérieures de la
Bouche.
U faut que la langue d’un cheval foit logée dans
le canal, c’ eft pourquoi elle doit être de même que
les lèvres, menue & déliée , parce que fi la langue
étoit trop épaiffe , & qu’elle débordât par-deffus ;
les barres, cela ôteroit l’ effet du mors fur cette partie
, & rendroit l’appui fourd. Il faut examiner fi
elle n’eft point coupée par l’embouchure ; accident
qui fuppoferoit, ou une mauvaife bouche, ou feu-
vent la rudeffede la main du cavalier.
Deux autres chofes défagréables qui fe rencontrent
quelquefois dans cette partie, c’eft lorfqu’elle
pend d’un c5té ou de l’autre & fort de la bouche ,
ou qu’elle paffe par-deffus le mors quand un cheval
marche.
Du Palais.
Ce qu’on doit rechercher au palais d’un cheval,
c’ eft qu’il foit un peu décharné. Si les filions étoient
trop gras & trop épais , cette partie feroit charouil-
leufe , & le mors en y touchant feroit que le cheval
battroit à la main , & donneroit des coups de tête.
I l faut remarquer que le palais d’un jeune cheval
eft toujours plus gras que celui d’un vieux ; à
mefure qu’un cheval avance en â g e , les filions du
palais & les gencives fe décharnent.
Des Barres,
Les barres font la partie de la bouche qu’il faut
examiner avec le plus de foin , puifque c’eft l’endroit
où fe fait l'appui du mors. Les meilleures
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qualités qu’elles puiffent avoir , font d’être affez
élevées , pour que la langue puiffe fe loger dans le
canal, fans déborder fur les barres, & d’être un
peu décharnées, parce quelles en font plus fenfi-
bles : il ne faut pourtant pas qu’elles foient trop
tranchantes ; car alors le cheval leroit fujet à battre
à la main par leur trop de fenfibilité. Lorfque les
barres font baffes , rondes & trop charnues , c’eft
un défaut qui rend cette partie moins fenfible, &
qui fait que le mors n’a pas tant d’effet.
De l'Encolure,
Une belle encolure doit être longue 8c relevée ;
il faut qu’en fortant du garot, elle monte en forme
de col de cigne jufqu’au haut de la tête, qu’il y ait
peu de chair près de la crinière, cela forme ce
qu’on appelle encolure tranchante. Elle feroit dé-
feâueufe , fi avec cela elle n’étoit proportionnée à
la taille du cheval ; car lorfqu’ elle eft trop longue
& trop menue , trop molle & trop éfilée , les chevaux
donnent ordinairement des coups de tête, fi
au contraire, elle étoit trop courte, trop épaiffe8e.
trop charnue , le cheval peferoit à la main. On remarque
que la plupart des juments , des barbes &
autres des pays orientaux, font fujets à avoir l'encolure
éfilée; & que les chevaux entiers & ceux
qui font nés dans les climats humides, & qui ne
fortent point d’étalons barbes ou autres de cette ef-
pèce, ont l’encolure épaiffe & charnue.
Il y a trois fortes d’encolures mal faites, fçavoir,
les encolures renverfées, les encolures fauffes , &
celles qu’on appell e penchantes.
Les encolures renverfées, qu’on appelle encolures
de cerf, parce qu’elles font faites comme le col
de cet animal , font celles dont la rondeur, qui
doit nrsndre depuis le garot jufqu’au haut de la
tête, le long de la crinière, fe trouve en deffous ,
le long du gofier. Les chevaux qui ont ce défaut
font difficiles à emboucher, parce qu’il eft difficile
d’empêcher que la branche de la bride ne porte
contre le gofier, ce qui ôte l’effet du mors.
L’encolure fauffe éft celle qui tombe à plomb &
perpendiculairement , depuis l’entre - deux de la
ganache, le long du gofier, j.ufqu’au poitrail, au
lieu de venir en talus ; 8c dans la partie fupérieure,
auprès du garot, où commence la crinière , il y a
un enfoncement qu’on appelle coup de hache , qui
empêche l’encolure de fortir direâement du garot.
Ce défaut n’ eft pas fi confidérable que celui des
encolures renverfées.
Les encolures penchantes font celles qui tom-
d’un côté ou d’un autre ; ce qui arrive aux chevaux
qui ont l’encolure trop épaiffe & trop charnue près
de la crinière. Ce défaut ne fe trouve guère qu’aux
vieux chevaux, fur-tout fi on leur laiffe les crins
trop épais , & plus ordinairement aux chevaux entiers
qu’à ceux qui font hongres : c’eft pour cela
qu’il ne faut pas laiffer la crinière trop garnie dans
fa racine, & on doit avoir foin d’arracher les crins