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dureroît longtemps. D ’ailleurs ils ne feroîent bons
que dans un pays plat & dans des bois bien percés
; dans tout autre terrein , dans les pays coupés
, dans les taillis , on eft obligé de trotter, de
fauter des haies & des foffés, & de donner beaucoup
de fatigue à fon cheval. On ne va pas toujours
grand train , fur-tout aux chaffes ordinaires.
On doit donc s’attacher à avoir des chevaux d’une
conftruétion différente des coureurs.
Les qualités d’un cheval de chaffe propre à touts
les particuliers qui n’ont pas d’équipage en règle ,
font une conftruélion folide de touts les membres ;
un bon trot allongé & doux ; un galop étendu &
un peu enlevé de terre, afin que le cheval ne bute
pas, 8c fur-tout de l’haleine & de la fageffe.
Un cheval deftiné à cet ufage feroit donc construit
ainfi. La tête & l’encolure feront toujours
conftituées conformément aux idées que nous
ayons données dans ce traité. Les épaules feront
Lien libres & médiocrement étoffées, afin- de ne
pas former trop de poids: leur liberté facilite la
.progreflion prompte du cheval. La jambe fera un
peuJburnie, fans trop de groffeur, afin que l’animal
puifîb foutenir le fardeau de fon corps, & ne
pas chanceler dans les terreins difficiles & raboteux.
Le corfage un peu étoffé convient affez à un
cheval de chaffe : comme il a quelquefois à pénétrer
dans le fo r t, il fe fait jour plus hardiment , &
tire fon homme des taillis où il eft obligé de faire
plier les branches & les jeunes arbres. La croupe
large & de bonnes hanches feront bien en proportion
avec le devant ; le cheval en aura plus de légé-
veteÿ car malgré fon étoffe, il doit fe remuer avec
aâivité. De bons jarrets lui font utiles pour fauter
& même pour courir: car plus le cheval a de corps,
plus les jarrets ont d’ouvrage pour le porter. Si le
cheval étoit deftiné uniquement à trotter, des jarrets
médiocres pourroient lui fervir ; mais il feroit
plutôt ruiné. Enfin un bon cheval de chaffe devroit
avoir les mêmes qualités qu’un coureur , à l’exception
de Vétofie qui eft plus confidérable.- car d’ailleurs
il doit être propre à galoper.
Il fe trouve fou vent des chevaux étoiles qui ont
un bon branle de galop, & qui tiennent longtemps.
On recherche nos chevaux normands pour
la chaffe ; ils réwniffent, quand ils font bien choi-
fis , les propriétés que je défirerois. La figure, &
la commodité de l’allure , font les règles du choix
qu’on fait des chevaux de chaffe pour les maîtres
ou pour les piqueurs» Les véritables veneurs defr- :
rent d’être montés folidement: un cheval trop fin j
ne peut pis être propre à Suivre les chiens dans un*
pays coupé.
Du cheval de manège.
On trouve plus aifément- un bon coureur qu’un
cheval propre au manège ÿ c’eft pour lui que les
belles proportions font à défirer : je m’en tiendrai
à ce que j’ai dit fur la belle conftruéîion du cheval.
C ’eft en Efpagne qu’on trouve la plus belle ef-
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j pèce de chevaux pour le manège ; ils ont des épay: I
les brillantes, des hanches & des jarrets pleins I
j de reffort, une vigueur & une générofit qu’0n I
trouve rarement dans les autres efpèces.
Prefque touts les mouvements de chevaux- de I
manège fe font en hauteur. Il feroit difficile de pè- 1
nétrer affez avant dans la nature pour expliquer ce I
qui donne du tride à l’allure du cheval deftiné ait!
manège ; car il doit en avoir de lui-même. Je ne I
prétends pas en développer les caufes ; je dirai feîf. I
lement que ces chevaux ont les mouvemertjs plus I
foutenus , plus harmonieux & plus d’accord que I
les coureurs.
La beauté eft un mérite pour un cheval de ma* I
nège. Elle ajoute beaucoup aux attitudes dans lef- 1
quelles on le place. Tout cheval qui a un vice I
eflentiel dans fa conformation , eft peu propre aux I
exercices du manège, pour lefquels la nature & I
l’art doivent fe trouver d’accord & fe réunir. Il n’elï I
pas ordinaire qu’on ait des chevaux de manège à I
dreffer ; le genre le plus commun à touts les ama-1
teurs eft celui des coureurs : néanmoins il eft avan*|
tageux qu’on fâche les connoître.
Du cheval de guerre.
Le cheval de guerre doit être bien conformé, fo- 1
lide par fa conftruélion , libre dans fes membres I
autant qu’il eft poffible , fage, obéiffant % léger à la i
main, & fur-tout aguerri contre les bruits ordi-1
naires de la guerre. Il y a des chevaux naturelle- !
ment peureux , que la meilleure éducation ne I
guérit pas. Ceux là font à rejetter. Il; nreft pas né- I
ceffaire , il eft même incommode , q.ue les mouve-l
ments d’un cheval d’efeadron foient trop brillants. I
On fera très-heureux fi toutes fes allures font fran- f
ches r quoiqu’il nren ait aucune de bien brillante. I
La fureté de l’officier dépend fouvent de la bonté I
de fon cheval. 11 n’y a rien à négliger dans le choix. I
Toutes les perfeâions de la conftruéiion fe trouve-1
ront donc dans un tel cheval. '11 doit être un peu I
étoffé ; il fera plus propre à foutenir la fatigue : 1
d’ailleurs un cheval mince eft bien mal placé dans I
un efeadron, & les chevaux hauts montés & étroits I
de boyaux font d’un mauvais fervice. Il feroit à I
fouhaiter qu’on employât pour les efeadrons beaucoup
de chevaux normands ; ils réunifient les meil* s
leures qualités ; & ils font incomparablement meil- E
leurs pour la fatigue que les danois, lesallemands,
1 &e. L’efpèce la plus propre au cavalier eft le petit: I
caroffier normand de dix pouces. Il s’en trouve
même dans cette clafie qni font légers y malgré leur
étoffe.
D e s f e n s d u cheval.
Les fens font certaines facultés des corps animés,
par lefquelles ils entrent en commerce avec
les objets- extérieurs. Ce font autant de moyens
qu’on doit ménager pour mettre le cheval en état
d’obéir. L’exercice des fens eft une fonction purement
animale ; mais la fénfation qui en refaite
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fepaffe dans l’efpèce d’intelleél de l’animal, félon
|le fens dans lequel le fentiment eft excité ; car
auti o eft ia iênfation réfultante de l’organe de l’ouïe
; affecté-v, autre eft la fénfation qui vient de la vi*
»on. 11 eft bien étonnant qu’on attribue à la ma-'
tière tant de fenfations diverfes, elle qui eft la
même par-tout. Quelle différence en effet remarque-
It-on dans les nerfs qui occafionnent le fentiment
[dans touts les organes ? Ne doit-on pas conclure
[de la reflemblance de leur compofition & de la va-
[riété de leurs ufages ,. que c’eft l’ame ou l’inftinâ
|de l’animal qui diftingue & qui eft averti,
ï C’eft par le canal des fens, & par l’ufage que
Inous en faifons, que l’homme inftruit le cheval &
Ile difpofe à lui rendre des fervices que l’infiruélion
Seule peut procurer. La nature n’a point formé les |
«fens du cheval, imparfaits en eux mêmes , qùoi-
- Qu’ils le foient quelquefois relativement à l’iifage
ide l’animal : mais l’art les perfectionne , ou du
Jmoins les approprie davantage à nos befoins.
■ Je n’entre point dans les détails anatomiques des
■ organes des fens ; je me borne aux obfervations,
fqu’on fait fur chacun d’eux.
De f céil,
B L’ceil du cheval, ainfi que celui de touts les ani-
jgnmix, perçoit lçs objets extérieurs avec une grande
Ipromptitude. Souvent ces objets font fur lui une
pmpreffion doulourèufe, & qu’il cherche à éviter
iautant qu’il lui eft poffible. Sans doute le nerfopti-
fque reçoit alors un ébranlement trop confidérable
Iqui porte l’animal à fuir un corps qu’il croit lui
ioccafionner de la douleur.
■ Le cheval a l’inftinft de confidérer avec attention
& inquiétude l’objet qui lui eft défagréable ; il y
Jporte' la tête , arrondit tout fon corps , éloigne la
rcroupe ; & fi la peur continue, il fe précipite de
icôté, ou fait une pirouette après laquelle il s’enfuit
s’il peut. Les corps blancs fur-tout, ou d’une couleur
très-frappante, effraient les chevaux : quelque-
ffois auffi la forme & la groffeur des corps leur en
fîmpofent. On doit croire que cette crainte provient
d’un vice dans la conformation de l’oeil, ou de la
Moibleffe des nerfs. Il faut accoutumer l’animal peu-
îireux , en l’approchant peu à peu des objets, & en
le carreffant. Les gens inftruits évitent fur-tout de
le battre lorfqu’il a peur ; ils le portent avec patience
fur l’objet, jufqu’à ce que le cheval l’ayant
bien examiné, & ayant vu qu’il ne lui occafionne
aucune douleur, prenne l’habitude de paffer à côté
Tans appréhenfion.
■ Il eft bon dans le commencement de détourner
ileurs yeux des corps qu’ils craignent d’approcher,
len les pliant du côté oppofé , jufqu’à ce qu’ils aient
^une certaine confiance dans l’homme , & qu’ils fe
llaiffent conduire volontiers. La feule perfeâion à
■ laquelle on doive tendre à cet égard , eft de faire
■ paffer le cheval franchement dans touts les endroits
|& auprès de touts les objets poffibles.
I La douceur , la patience & l’ufage diminuent
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l’ombrage des chevaux ; mais il en eft que rien ne
peut corriger entièrement : il faut alors être fur fes
gardes & le méfier de tout.
De rOuïe,
Le fon excite dans tout le genre nerveux de
l’animal un tréinouffement plus ou moins confidérable
, félon fon étendue & fon volume. Ce tré-
moufiement, lorfqu’il eft fo r t, excite l’ardeur & la
vivacité d u cheval ; il bondit, & il femble perdre
la tête. L’homme a de la peine à le maintenir, à le
faire refter en place , & à le conduire où il veut.
Ce n’eft que par l’ufage & l’habitude, qu’il vient
à bout d’émouffer le fentiment trop v if que les
fens lui font éprouver , & qu’il le rend fage &
tranquille. Il y a des chevaux naturellement calmes
, tandis que d’autres font très-difficiles à rendre
infenfibles. Touts les bruits de guerre & de chaffe
animent les chevaux, & alors ils s’agitent d’une
manière prompte & brillante.
De l'Odorat.
On connoît peu le degré de fenfibilité de \1or+
gane de l’odorat du cheval 9 & les odeurs qui l’af-
feélent agréablement ou défagréablement. Car il
ne s’en fert d’une martière diftinde que lorfqu’il a
peur & qu’il regarde l’objet qui l’inquiète. Alors il
renâcle & flaire très-fortement.
On ne fait aucun ufage de ce fens pour dreffer
le cheval, non plus que de celui du goût.
Du Toucher»
Le toucher eft le plus général de touts les fens
il s’étend par-tout le corps ; & il renferme pour
ainfi dire les autres , puifqite leurs fondions fe
font par un attouchement. L’organe du toucher
eft la peau qui couvre toutes les parties du corps.
C ’eft un tiffu de fibres , de nerfs & de vaifleaux ,
dont l’entrelacement en touts fens forme une
étoffe femblable à des femelles de fouliers faites
d’un cuir épais & mou.
La fénfation du toucher fe fait à la furface extérieure
de la peau. Les extrémités des artères & des
veines capillaires , après avoir concouru à former
le tiflù de la peàu , fe dépouillent des premiers
parois qtie leur fournit la dure mère , fe partagent
en plufieurs lambeaux , fe collent à la furface de
la peau , & forment ainfi une efpèce de rézeau
qu-on nomme corps réticulaire. C ’eft entre les
mailles de ce rézeau , que s’épanouiffent les extrémités
des petits rameaux nerveux dépouillés de
leur première tunique ; elles s’élèvent & dominent
un peu au-deffus en forme de petites lioupes; elles
font abreuvées d’une lymphe fpiritueufe qui leur
donne, la fouplefle & le reffort.
Par-tout où il y a des nerfs , là fe trouve le fens
du toucher ; & il y en a par-tout : mais ils ne font
pas en aufli grande quantité dans toutes les parties
du corps, & par conféquent le fens du toucher n’y