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tement tendus, & croifer leurs temps bien plus
étroitement, afin que la réunion des parties puiffe
diminuer le jour ou l’intervalle qui lés lepare natu»
Tellement. Ils font nerveux, vifs & brillans dans
les chofes qui tiennent plus de la force que de l’a-
dreffe ; nerveux & légers, attendu la direâion de
leurs.faifeeaux mufeuieux, 8c vu la confiftance 8c
la réfiftancë de leurs ligàmens articulaires ; vifs ,
parce qu’ils croifent plus du bas que du haut, &
qu'ayant, par cette raifon , peu de chemin à faire
pour battre les temps, ils les paffnt avec plus de
vîteffe ; brillans , parce que le jour perce entre les
parties qui fe croifent & fe dècroifent. Ce jour eft
exaâement le clair-obfcur de la danfe ; car fi les
temps de l’entrechat ne font ni coupés ni battus, 8c
qu’ils foient au contraire frottés & roulés l’un fur
l ’autre , il n’y aura point de clair qui fafle valoir
les ombres, & les jambes trop réunies n’offriront
qu’une maffe indiftinâe & fans effet, lis ont peu
d’adreffe , parce qu’ils comptent trop fur leurs forces
, & que cette même force s’oppofe en eux à la
foupleffe & à l’aifancé. Leur vigueur les abandonne
t-elle un inffant, ils font gauches ; ils ignorent
l’art de dérober leurs fituations par des temps
{impies qui, n’exigeant aucune force , donnent
toujours le temps d‘en reprendre de nouvelles; ils
ont de plus très-peu d’élafticité & percutent rarement
de la pointe.
Je crois en découvrir la véritable raifon lorfque
je confidere la forme longue & plate de leurs pieds.
Je.com pare cette partie à un levier dans lequel le
.poids eft entre l appui & la puiffance , tandis que
- P appui & la puiffance font à fes extrémités. Ici le
-point fixe ou l'appui, fe trouve à l’extrémité du
-pied,laréfiftance on le poids du corps porte fur
le coude-pied, & la puiffance qui élève & foutient
-ce poids , eft appliquée au talon par le moyen du
. tendon dAchille ; or , comme le levier eft plus grand
; dans un pied long & p lat, le poids du corps eft
plus éloigné du point d'appui 8c plus près de b puiffance
;donc la pefanteur du corps doit augmenter,
& la force du tendon £ Achille diminuer en proportion.
égale. Je dis donc que cette pefanteur n'étant
pas dans une propoition auffi exaâe dans les dan-
feurs jarretés qui ont extraordinairement le coude-
pied élevé & for t, ces premiers ont néceffaire-
ment moins de facilité à fe hauffer fur l’extrémité
des pointes.
J’ai obfervé encore que les défauts qui fe rencontrent
depuis les hanches jufqu’aux pieds, fe font
fentir depuis l’épaule jufqu’à la main ; le plus fou-
vent l’épaule fuit la conformation des hanches; le
coude, celle du genou ; le poignet, celle du pied.
Une légère attention vous convaincra de cette vérité
,& vous verrez qu’en général les défauts de
conformation provenant de l’arrangement vicieux
de quelques articulations, s’étendent à toutes. Ce
principe pofé, l’arrifte doit fuggérer, relativement
aux bras , des mouvements proportionnés à leur
longueur j les bras longs ne peuvent perdre de leur
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étendilç que par les rondeurs' qu’on leur donne.
L’art confifte à tirer parti de ces imperfcâions, 8c
je connois des danfeurs qui *-par le moyen des ef-
facemens du corps , dérobent habilement la longueur'de
leur bras ; ils en font fuir une partie dans
l’ombre.
J’ai dit que les danfeurs jarretés étoient foibles,
ils font minces & déliés ; les danfeurs arqués, plus
vigoureux, font gros & nerveux. On penfe allez
. communément qu’un homme gros 8c tr.apn doit
être lourd ; ce principe eft vrai quant au poids réel
du corps , mais, il eft faux en, ce qui concerne la
danfe ; caria légèreté ne naît que de la force des
mufcles. Tout homme qui n’en fera aidé que foi-
blement tombera toujours avec pefanteur. La raifon
en eft fnnple: les partiesfoibles nepouvanr réfifter
dans l’inftanr de la chute au.x plus fortes, c’eft-a-
dire au poids du corps, qui acquiert à -proportion
de la hauteur dont il tombe, un nouveau degré de
pefanteur, cèdent & fléchiffent ; & c’eft dans ce
moment de relâchement & de flexion que le bruit
de la cliûte fe fait entendre , bruit qui diminue con-
fidérablement , & qui peut même être fenfible
quand le corps peut fe maintenir dans une ligne
•exaâement perpendiculaire, & lorfque les muf-
‘ cles & les refforts ont la force de s’oppoferà la
force même , & de réfifter avec vigueur au chôc
qui pourroit les faire fuccômber.
La nature n’a point exempté les femmes des im-
perfeâions dont je vous ai parlé ; mais l’artifice &
la mode des jupes heureufement viennent au fe-
cours de nos danfeufes. Le panier cache une multitude
de défauts , & l’oeil curieux des critiques ne
monte pas affez haut pour décider. La plupart d entre
elles danfent les genoux ouverts comme fi elles
étoient’ na'rurelleiÿent arquées. Grâce a cette mauv
a is habitude & aux jiipes , elles paroiffent plus
brillantes que les hommes , parce que , comme je
l’ai dit, ne battant que du bas de la jambe , elles
'paffent leurs temps avec pkis de vîteffe que nous ,,
qui ne dérobant rien au fpeâat, ur , fommes obligés
de les ^zm^'tendus & de les faire partir primordia-
lement de la hanche ; ,& vous comprenez qu’il faut
plus de temps pour remuer un tout qu’une partie.
Quant au brillant qu’elles ont, la vivacité y contribue,
mais cependant bien moins que les jupes ,
q u i, en dérobant la longueur des parties, fixent
plus attentivement les regards & les frappent davantage;
tout le feu des battements étant , pour
ainfi dire, réuni dans un point, paroît plus v if &
plus brillant ; l‘oeil l’embraffe tout entier ; il eft
moins partagé & moins diftrait à proportion du peu
d’efpace qu’il a à parcourir.
D ’ailleurs une jolie phÿfionomie , de beaux
yeux , une taille élégante & des bras voluptueux
font des écueils inévitables contre lefquels la critique
va fe brifer, & des titfes puiftàns à l’indulgence
du fpeâateur , dont l'imagination fubflitue au plai-
fir qu’il n’a pas, celui qu’il pourroit-avoir hors de
la fcèire.
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Riefl n’eft fi néceffaire que le tour de la cuiffe en
dehors pour bien danfer ; & rien n’eft fi naturel aux
hommes que la pofuion contraire ; nous naiffons
avec elle; il eft inutile , pour vous convaincre de
cette vérité , de vous citer pour exemple les Levantins
, les Africains & touts les peuples qui danfent,
ou plutôt qui fautent & qui fe meuvent fans principes.
Sans aller fi loin , confidérez Tes enfans ; jet-
l tez les yeux, fur les habitans de la campagne, &
v,ous verrez que tons ont les pieds en-dedans. La
fituation contraire eft donc de pure’ convention ; Sc
une preuve non équivoque que ce défaut n eft
■ qu’imaginaire, c’eft qu’un peintre péchëroit autant
cpntre la nature que contre les règles de fon ar t,
s’il plaçoit fon modèle lès ;pieds tournés comme
ceux (fun danfeur. Ai'nfi pour danfér avec èlegs:.ce,
marcher avec grâce & fe^préferiter avec nobteffe ,
il fautabl'olument reiïvérfer l’ordre des chofes &
contraindre les parties , par une application auffi
■ longue que pénible, à prendre une toute autre
fituation que celle qu’elles ônt primordialement
reçues ; •
On ne peut parvenir à opérer ce changement
d’une néceflité abfolue dans notre art, qu’en entreprenant
de le produire dés le temps de l’erifance ;
j c’eft le feul moment de réuflir , parce qu’alors tou*
j tes les parties font fouplés , & qu’elles fe prêtent
facilement à ia direâion qu’on veut leur donner.
Un jardinier habile ne s’aviferoit furement pas
de mettre un vieux arbre de pleih-vent en efpalier ;
fes branches trop dures n’obéiroient pas, & fe bri-
feroient plutôt que de céder à la contrainte qu’on
voudront leur impofer. Qu’il pre-ftne un jeune ar-
briffeau , il parviendra facilement à lui donner telle
fçrme qu’il voudra ; fes branches tendres fe plieront
fe placeront à fon gré '; le temps , en forri-
I fiant fes rameaux, fortifiera la. penfe que la main du
j maître aura dirigée , & chacun d’eux s’affujettira
pour toujours à Timpreffion & à la direâion que
j l’art lui aura preferite.
Voilà donc la nature changée ; mais cette opération
une fois faite, il n’eft plus permis à lart de
faire un fécond miracle, en rendant à l’arbre fa
première forme. La nature, dans certaines parties ,
ne fe prête à des changements qu’autant qu’elle eft
I foible encore. Le temps lui a-t-il donné des forces -,
elle réfifte , elle eft iindomptable.
? Concluons de-là que les parens font , bu du
moins devroient être les premiers maîtres de leurs
enfans. Combien de défeâuofités ne rencontrons-
nous point chez eux lorfqu’on nous les confie ?
I C ’e ft, dira-t-on , la faute des nourrices. Raifons
foibles , exeufe frivole , qui, loin de juftifier la négligence
des pères Sc des mères, ne fervent qu’à
les condamner. En fuppofant que les enfans aient été
mal emmaillotés, c’eft un motif déplus pour exciter
leur attention , puifqu’il eft certain que^eux ou
trois ans de négligence de la part des nourrices ,
ne peuvent prévaloir fur huit ou neuf années de$‘
foins paternels.
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Mais revenons à la pofition en-dedans. Un dan-
féür en-dedans eft un danfeurnial-adroit&défaeréa*
ble. L’attitude contraire donne de l’aifance oc du
brillant ; elle répand des grâces dans les pas, dans'
les développemens , dans les positions & dans les
attitudes.
On réuflit difficilement à fe mettre en-dehors ;
parce qu’on ignore fouvent les vrais moyens qu’il
faut employer pour y parvenir. La plupart des jeunes
gens qui fe livrent à la danfe fe perfuadent
qu’ils parviendront à fe tourner , en forçant uniquement
leurs pieds à fe placer 'en-dehors. Je fais
que cette partie peut fe prêter à cette direâion par
fa foupleffe, & la mobilité de fon articulation avec
la jambe ; mais cette mê-.hode eft d’autant plus
fauffe , qu’elle déplace les chevilles , & qu’elle n o-
père rien fur les genoux ni fur les cuiffes.
Il eft encore impoffible de jetter les premières
de ces parties en-dehors fans le fecours* des fecon^
des. Les genoux en effet n’ont que deux mouvements
, celui de flexion & celui d’extenfion ; l'un
détermine la jambe en arriére , & l’autre la détermine
en avant ; or ils ne pourroient fe porter en-
dehors d’eux-mêines ; & tout dépend effentielle-
ment de la cuiffe , puifque c’ eft elle qui commande
fouverainement aux parties qu’elle domine & qui
lui font inférieures. Elle les tourne conféquemment
au mouvement de rotation dont elle eft douée ; &
dans quelque fens qu’elle fe meuve, le genou , la
jambe 8c le pied font forcés à là fuivre.
.Je ne parlerai point d’une machine que l?on
nomme toume-hancke, machine mal imaginée &
mal combinée, q u i, loin d’opérer efficacement ,
eftropie ceux qui s’en fervent, en imprimant dans
la ceinture un défaut beaucoup plus défagréable
que celui qu’on veut détruire.
Les moyens les plus Amples & les plus naturels
font toujours ceux que la raifon & le bon fens doivent
adopter lorfqü’ils font fuffifans. Il ne faut
donc* pour fe mettre en-dehors , qu’un exercice
modéré , mais continuel. Celui des ronds ou tours
de jambes en-dedans ou en dehors, & des grands
battemens tendus partant de la hanche , eft l’unique
& le feul à prétèrer. Infenfiblement il donne du
jeu, du reffort & de la foupleffe, au lieu que la
boite ne follicite qu’à des mouvements qui fe ref-
fentent plutôt de la contrainte que de la liberté qui
doit les faire naître.
En gênant les doigts de quiconque joue d’un inf-
tniment, parviendra-t-on à lui donner un jeu v if
8c une cadence brillante ? Non fans doute ; ce n’eft
que l’ufage libre de la main & des jointures qui petit
lui procurer cette vîteffe, ce brillant & cette pré-
cifion qui font l’ame de l’exécution. Comment donc
un daufeur réuffira-t-.il à avoir, toutes ces perfections
, à’ifpaffela moitié de fa vie dans des entrai-
ves ? O u i, l’ufage de cette machine eft pernicieux.
Ce n’eft point par la violence que 1 on corrige un
! défaut inné , c’eft l’ouvrage du temps , de l’étude &
| de Implication.