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ceux qui fe fervîront du fcaphandre ,.de ne pas fe
jétter fans précaution dans l’eau , fur-tout dans les
endroits qu’on ne connoîtroit pas ; on pourroit
rencontrer au fond, des chofes capables de blefler
ou d’arrêter l’homme, de manière à le faire périr ,
malgré fa légéreté refpeélive.
A ces préceptes de M. Thévenot, nous allons
joindre ceux de Nicolas Roger, plongeur de pro-
fefiîon.
Méthode Jrire pour apprendre à nager en peu de jours.
A l’âge de fix ans j ’étois plongeur* Parmi les
perfonnes à qui j’ai montré à nager., quelques-unes
m’ont à peine coûté quatre leçons ; voilà je crois
des titres fuffifans pour être lu.
On ne peut être bon nageur fans être plongeur ;
& il eft rare de trouver des perfonnes qui, n’ayant
appris qu’à nager , ne confondent toute leur vie
pour l’atlion de plonger une répugnance trop fou-
vent funefte. Je çoofeille donc de commencer parla
: c’eft le feul moyen de fe familiarifer véritablement
avec l’eau.
Cho.ififfezun endroit où vous ayez de l’eau jusqu'aux
genoux. Afteyez-vous, & tendez les bras
à un compagnon qui fera debout vis-à-vis de vous ,
les jambes écartées, afin de lai fier aux vôtres qui
fieront jointes, la facilité de fe placer «ntre elles.
I l vous tiendra par les poignets, tandis que vous
vous inclinerez en arrière ; dès que l’eau aura couvert
votre vifage, votre compagnon vous retirera.
1,1 faut répéter, cet exercice jufqu’à ce qu’on foit en
état de fe renverfer ainfi, & de fe relever feul à
l’aide de fes mains , ce qui arrive quelquefois à la
première leçon.'
Mais gardez-vous bien de vous faire plonger l’un
l’autre par ûirprife, ou même de vous jetter de
l ’çau au' vifage , tant que vous ne ferez pas fami-
liarifés avec cet élément. Ces fortes de plaifante-
ries font naître des craintes que l’on ne fur mon te
pas toujours , même à l’aide d’une raifon éclairée.
Vous vous accoutumerez .enfui,te à plonger fur
le ventre , obfervant d’avoir les reins tendus , le
corps droit, les bras en avant & dans la direâion
du corps , le vifage exactement tourné contre terre.
Pour vous relever , vous vous appuyerez furies
mains , en foulevant le corps fans précipitation ,
de manière que vos bras forment avec votre tronc
un angle qui diminue peu-à-peu de grandeur.
L’ufage de fe boucher le nez eft fort mauvais : il
iuffit qu’on retienne fa refpiration, ,& -cSaciin fait
la retenir. On n’eft point incommodé de la'petite
quantité d’eau qui entre dans les narines; .on ne
s’apperçoit pas meme s'il y en entre. Il n’en .eft pas
ainfi des oreilles : l’eau quelles reçoivent caufe une
petite furditè, maîs.qui ne tire point à conféquçnce ;
au moment oy l’on ne s’y attend pas , elle fort
d’elle-même , & rend à l’ouie fa première fin elfe.
Cependant les perfonnes délicates ne feront pas
ftial de s’introduire dans les oreilles du coton qy’çl-
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v les auront fortement exprimé après l’avoirimp^*
gné d’huile.
Si l’on ouvre les yeux dans une eau fablonneufe
on éprouvera une légère c.uiflbn lorfqu’on fera à
l’air ; fi l’eau eft claire , on n’en reflentira aucune.
Dans touts les cas, on aura foin de refermer les
yeu x, tandis qu’ils fieront encore dans l’eau, pour
les rouvrir lorfqu’ils feront à l’air, afin d’empêciier
que les cils ne fe replient entre l’oeil 8cla paupière;
ce qui fuffiroit pour rebuter un écolier.
Si l’on fe tient dan« l'eau de la manière que je
viens de dire, on s’appercevra que le corps tendra
à furnager.. Choififlez alors un endroit qui ait à-peu-
près un pied d’eau de plus que celui ou vous êtes ;
vous ne pourrez réellement pas toucher le fond.
Agitez vos membres comme pour nager en gre~
nouille ( ce que j’enfeignerai plus loin , ) vous ferez
ce qu’on appelle proprement nager entre deux
eaux,
La difficulté confifte à fe relever, & l’on recon-
noîtra ftns peine cette difficulté, fi l’on fait attention
que la tête ne peut fortir de l’eau fan$ augmenter
le poids de la partie-antérieure du corps ; que
par cette augmentation elle l’enfonce, 8c s’enfonce
avec elle ,_jufqu’à ce que le tout ait repris fon équi-,
libre. Pour-obvier à cet inconvénient, le compa-,
gnon préfentera au plongeur un gros bâton, duquel
il appuyera un bout en terre ; celui-ci faifira le
bâton , le fuivra des mains en l’empoignant alternativement
de chacune , 8c parviendra ainfi à mettre
la tête hors de l’eau.
Si l ’on s’exerce dans .un lieu dont le fond eft
inégal, on fient que çe moyen de fe relever devient
inutile.
Q u e mon le&eur ne s’épouvante pas-de voir
que je commence par le faire plonger , tandis qu’il
pafle pour confiant que c’eft-là le terme des .travaux
du nageur. J’ai pour moi l’expérjence,; & ceux qui
ne font pas de mon avis s’y rangeront bientôt, s’ils
raifonnent fans prévention. Néanmoins , comme je
veux que perfonne ne fe croie en droit d’acc.ufer
de menfonge le titre de ma brochure, j’avertis qu’on
trouvera plus loin la manière de nager promptement
fans être obligé de plonger ; mais j’avertis en
même temps que le plus beau nageur, s’il ne fait
plonger, n’.eft guères plus à l’abri des accidens que
celui qui np fait rien du tout. Sur cent nageurs qui,
fe noient , quatre-vingt-dix-huit ne périffent que
faute d’avoir fy plonger. Revenons à mon écolier
" docile.
Nos corps ne furnagent que parce qu’ils font
plus légers qu’un égal volume d’eau; fans cela,1
tout l’art du monde n’y feroterien, 8>c nous irions
toujours au fond. C ’eft ce qui arrive aux noyés
dont les poumons fe refier.rent, dont le corps fe
flétrit,, 8c q.ui ne reviennent fur l’eau que lorfqu’au
bout de plufieurs jours , l’air contenu dans leur
corps cherche à s’ouvrir un pafiage en tout fens ,
& par fon élafticité groffit le cadavre fans augmenter
fon poids.
Mais
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Maïs toîîfS les hommes ne font pas également
légers par rapport à leur volume. Il eft des noyés
•dont lé corps n’éprouve pas lalrévolution dont je
viens de parler, & qui reftertt fur l’eau jufqu’à une
décompofition totale. Il eft même des gens qui fe
noient fans que leur corps foit entièrement couvert
d’eau ; ceux-ci font chargés de graifle ; & de même
que la chair pèfe moins qiie l’eau , la graifte pefe
moins que la chair. Comment font-ils donc pour fe
-noyer , direz - vous ? Hélas ! ils fe trémondent
'.beaucoup, parce qu’ils ont peur ; s’il leur étoit pof-
‘fibtede raifonner, ils fe’tourneroiént fur le dos, &
îconfèrveroient ainfi l’a liberté. de refpirer.1 :
De plus, il eft des perfonnes qui, fans paroîtrè
gradés, font beaucoup plus légères que d’autres
■ •qui font de leur taille ; & chez touts les iiômmes,
les jambes feront plus ou moins légères dans l ’eau,
relativement à leur forme, à leur longueur, à la
capacité du tronc , à la grofièur ;de la tête. C ’eft
pourquoi les uns ont befoin de nager dans-iine
Situation peu iriclinéé à l’horifon pour diminûer le
poids de leurs jambes 8c de- leurs cuiftes, d’àuffes
de s^iticliner davantage pour l’augmenter, d’autres
enfin de fie tenir entièrement debout. Le véritable .
nageur eft celui qui nage dans toutes les firuations,
qui ne fe repofé d’üri.fe manière que par une autre , I
q ui, ayant beaucoup de chemin à faire , & çrai- j
ghant dette foifi d’tine crampe J variera fesattitudes {
pour donner de l’aftion aux mufcles qu’il fent près \
dé fe roidîr.
. Si mon éeoliêr ale corps tendu , lès cuiffes & les ■
jambes ferrées-, lès talons joints ; lès pieds en de- v
hors , les bras tendus, lès doigts de chaque main
ferrés les uns contre les autres & bien tendus les
mains au niveau des épaules , 8c la paume des
mains; tournée contre le fond ; il aura la-légéreté
néçpfla-ire •pour furnager ; fon corps Arrivera à fleur
fl’eau ; fies feffes 8c fa tête fe p réfente non t en même
femps* ; ' .
Mais fa tête ne pourra pas fortir toute entière ;
le fpe&ateur n’en verra que la moitié. C e h ’eft pas
qye la force manque à l’eau pour foutenir le tout;
car j’ai vu des gens dans cette fitnation porter un
morceau de plomb de trente livres 8c plus, qu’on
leur mettoit fur le dos. C ’eft donc le défaut d’équilibre
qui s’oppofe à ne que la tête puifle fortir; 8c
cela eu fi v ra i, que f i , au lieu de placer fur le dos
le morceau de plomb dont je parle, on en mettoit
feuleryent quelques onces fur une fefie, le plongeur
ne pourroit les foutenir , $c enfoucëroit du
côté qu’on les auroit mifes, . . . ,
" I l ne manque donc à mon écolier qu’un contrepoids
pour quSl parvienne à mettre la tête hors de
l ’eau; il eft néceflaire que ce contre*poids foit
placé à l’autre extrémité de fon corps, 8c qu’i l foit
le maître de l’augmenter ou de le diminuer à fou-
hait. Ce contrepoids fe trouve dans fes jambes ;
elles acquerront plus ou moins de pefauteur, félon
qu’il les rapprochera ou les éloignera de la ligne
verticale.
Equitation, Efcrimc & D a n fe .
N A g -'-e ' r . 4 4 r
Les deux mouvements doivent être faits à la
fois, celui'd?élever la tête , 8c celui d’abaifièr les
jambes. Vous ferez ce dernier par gradation , à mê-
fure que Vous fendrez votre tête s’appefantir. Pendant
cette double opération, vos bras relieront tendus
horifontalement 8c en avant. Si vous les abaif-
fiez, cela fuffiroit pour vous faire perdre l’équilibre
; à plus forte raifon fi vous tentiez de les fortir
de l’eau.
Vous avez la tête à l’air , vos pieds touchent b.
terre ; mais cela ne fuffit pas : il faut encore une petite
manoeuvre pour vous rèlever, la voici.
Vos bras forment, en avant de votre corps , un
poids qui vous eft devenu nuifible , 8c qui vous
fera utile par derrière; il faut les y porter , mais de
façon à diminuer leur pelanteur dans leur route ,
plutôt que dé l’augmenter. Vous réuffirez pleinement
fivous::leur faites décrire fans vous preffer,
une portion de cercle autour de votre corps ; ob-
fervant que les mains ne çefFent d’être tendues
que la paume foit fi-xée invariablement contre terre,
que la main foit auffi élevée que le coude, 8c le
coude auffi élevé que l’épaule. Lorfqu’ils feront
affez en arrière pour augmenter le contrepoids que
forment vos jambes , vous tournerez vos mains
comme fi vous vouliez les joindre derrière le dos.,
Les doigts garderont la même difpofition les uns à
l’égard des autres ; mais les mains feront difpofées
de manière que les deux paumes fe feront face ;
abaiftèz un peü lés braSi
Enfuite pliez les genoux, portez les fefles en arrière
, 8c vous ferez le maître de vous redrefler.
Cette manoeuvre doit fe faire avec beaucoup de
lenteur, parce.qu’en agiflknt avec précipitation ,
il pourroit arriver que le poids de derrière devînt
trop confidérable : ce qui expofieroit l ’écolier à tomber
à la renverfe, s’il n’avpit foin, auffitôt qu’il fe
fenttroit chanceler, de rejetter fes bras en avant en
leur:donnant uiiê diréélion plus ou moins oblique.
•C’eft ici que l’on commence à éprouver l’avan-
: tage de favoir plonger. Mon écolier tombe-t-il à la
renverfe ? il s’étend auffitôt , met la main gauche
fur le ventre, élève le bras droit 8c la jambe droite,
8c fon corps fe trouve tourné fur le côté droit.
Qu’il rapproche la jambe droite de la gauche ,
qu’il étende lé bras droit lé long du corps ; 8c en
portant le bras gauche en avant, il achèvera de fe ’
tourner fur le ventre.
Enfuite il emploie, pour mettre le nez à l’air, les
moyens indiqués plus haut.
Veut-il refpirer fans changer la pofition renversée
dans laquelle il eft tombé? je le reprends au
moment de fa chute. Q u’il joigne les talons , écarte
la pointe des pieds * étende le bras de chaque côté
le long de fon corps, la paume de la main tournée
contre le fond , 8c l’articulation du pouce appuyée
contre la hanche. Q u ’il fe roidifle bien: fon corps
montera au même inftant ; fon nez 8c fa bouche feront
au-deffus de la furface de l’eau. Mais il faut fiç
i garder de foulcver la tête.
Kkk