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ment nèceffaire dans un cheval de chaffe, afin qu’il
galope plus uniment, plus commodément & de
meilleure grâce, il faut auffi le tenir un peu enfem-
ble en le menant l’épaule en dedans , non pas
dans une pofturé auffi raccourcie que fi on vouloit
le dreffer pour le manège; on doit au contraire
l'étendre davantage, pour lui donner une grande
facilité de bien déployer & allonger fes bras & fes
épaules: il ne faut pourtant pas l’étendre fi fort ,
qu’il contrafte le défaut de pefer à la main , dont il
faudroit le corriger par les arrêts, les demi-arrets
8c le reculer.
Après la leçon du trot perfe&ionnè par celle de
l’épaule en dedans , des arrêts, des demi-arrêts ,
& du reculer ; il faut enfin le galoper pour lui
augmenter la légéreté des épaules, lui affurer &
adoucir l’appui de la bouche -, 8c le confirmer dans
l ’habitude du galop de chaffe. Cette liberté d’épaules
, qui eft une partie des plus effentielles pour
un cheval de chaffe , s’acquiert aifément, fi après
avoir été troté dans les règles, on fait lui étendre
les épaules & lui faire déployer les bras fans que
le mouvement du galop toit trop rélevé , ni trop
près de terre* Par le premier défaut , il feroit ce
qu’on appelle na'ger en galopant , 8c il ne pourroit
s’étendre ; & le fécond défaut le feroit broncher
pour la moindre pierre ou éminence qu’il rencon-
treroit, en rafantdo trop près le tapis. .
Il faut convenir que la nature femble avoir forme
des chevaux exprès., auxquels elle a donné ce mouvement
d'épaules libre 8c allongé, qui fait le plus
grand mérite d’un coureur. Les chevaux anglois
plus que tous les autres chevaux de l’Europe ont
cette.qualité , a-ufli leur voit-on fournir avec une
vîteffe incroyable des courfes de quatre mille d’Angleterre
, qui font environ deux petites lieues de
France , telles que celles qui te font à Newmarket,
où un cheval pour gagner le prix , doir arriver au
but ordinairement en huit minutes, quelquefois
moins. Leurs autres chevaux de chaffe vont fou-
vent des journées entières fans débrider , & toujours
à la queue des chiens dans leur chaffe du
renard , en franchiffant les haies & les foffés qui
fe trouvent fréquemment dans un pays couvert &
coupé, comme l’Angleterre..Je fuis perfuadé que
file s chevaux anglois avec de pareilles difpofitions
étoient affouplis par les règles de l’art, ils galope-
Toient plus furement<'& plus commodément; ne fe
ruineroient pas firôt les jambes, comme il arrive à la
plupart, auxquels les jambes tremblent après deux
ou trois ans de terviçe. La raifon de cette foibleffè
qui ne paroït pas naturelle, mais plus vraifemblable-
ment accidentelle, vient fans doute de ce qu’on les
galope trop jeunes, fans avoir été auparavant affou-
plis au trot ; & de ee qu’on les galope toujours
avec le bridon , duquel on ne doit faire ufage que
pour les affouplrr : cet infiniment notant point fait
pour foutenir le devant, ni pour donner de l’appui,
fl arrive qu’ un chevairieft point foulage dans
ion galop ; 8c que le poids du cavalier joint à la'
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pefanteur naturelle des épaules, du col St de là
tête du cheval, lui fatigue les nerfs , les tendons 8c
les ligaments des jambes ; d’où s’enfuit nèceffaire-
ment la ruine de cette partie qui occafionne le défaut
de broncher: c’eft pour cela que les anciens
écuyers ont inventé le mors, afin de foutenir l’action
du cheval dans toutes fes allures , fur tout celle
du galop , où étant plus étendu , il eft plus 'fujet à
faire de fauffes pofitions.
Lorfqu’on commence à galoper un cheval def*
tiné pour la chaffe, il ne faut pas lui demander
d’abord un galop trop étendu, parce que n ayant
point encore l’habitude de galoper librement, il
s’appuieroit fur la main : il ne faut pas non plus un
galop raccourci, qui l’empêcheroit de fe déployer
comme il le doit : mais il faut le mener dans un
galop uni, fans le retenir nilechafter trop, comme
s’il galopoit de lui-même n’étant point monte. C eft
la main légère, accompagnée'de fréquentes def-
centes de main , qui donne le galop dont nous parlons.
La defcente de main, qui eft une aide excellente
pour toutes fortes d’airs, femble avoir été
inventée exprès pour les chevaux de chaffe, afin
de leur apprendre à galoper fans bride , & fans que
le cavalier foit obligé de les foutenir à tout moment.
11 faut que la leçon du galop fe faffe , tantôt
fur un cercle large & étroit comme au trot, &
tantôt furla ligne droite, & ne pas faire de longues
reprifes dans les commencement: au lieu de
lui augmenter l’haleine, & d e lui donner la facilité
du galop, onl’endurciroit & on le rebuteroit. On
doit aulfi quitter fouvent le galop 8c reprendre le
pas , afin de donner au cheval le temps de refpirer ;
& fitôt qu’il a repris haleine, il faut repartir au
galop. Cette manière de mener un cheval alternativement
, fans difeontinuer, du galop au pas , &
dupas au galop, lui donne avec le temps autant
d’haleine , que fes forces & fon courage lui en
permettent. C ’eft au cavalier à juger de la longueur
de la reprife du galop : lorfqu’il fent que 1 haleine
commence à lui manquer, il doit le remettre au pas
& de même diminuer les temps du pas , lorfquil
fent qu’il peut fournir plus long temps au galop.
Une autre attention qui eft de conféquence , c eft
de faire en forte à chaque arrêt de galop , que le
cheval ne faffe pas un feul temps de tro t, ail lieu
de fe remettre au pas, ce qui incommode beaucoup
le cavalier: il faut l’accoutumer a reprendre
au pas immédiatement après le dernier temps du
galop , & de même pour reprendre du pas au galo
p , il faut que cela fe faffe d’un feul temps.
Quand on s’apperçoit qu’un cheval commence à
prendre de l’haleine , & qu’il peut fournir de longues
reprifes au galop, fans fouffler ni trop fuer, il
faut alors le mener dans un galop pitre étendu,
qu’on appelle galop de cfiajje : fans affùjettir la pof-
ture de fa tête , au principe de la tenir perpendiculaire
du front au bout du nez , comme aux chevaux
de manège, on la lui doit laiffer un peu plus libre,
afin qu’il puiffe refpirer 8c ouvrir les nazeaux avec
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1 plus de facilité, fans pourtant qu’il ait le nez au
1 vent ; car tout durai qui galope la tete haute &
1 déplacée, eft plus fujet à broncher que celui qui
I voit fon chemin & l’endroit, ou il pofe les pieds
» en galopant. , - ,
Une excellente leçon que j ai vu pratiquer a 9 d’habiles gens, pour un cheval de chaffe, celt de
1 galoper fur un cercle large à main gauche en tenant
R ie cheval un peu plié à droite & uni fur le pied
■ droit. Cette façon de tourner à gauche , qüoiqu.il
■ galope fur le pied droit, lui apprend à ne fe point
■ détenir, lorfqu’on eft obligé de lui renverfer le -
Rpaule , c’eft-à-dire , jde tourner tout court à gauche
; ce qui arriveroit fouvent, s’il n’étoit pas fait
■ à ce mouvement, & cauferoit un contre-temps qui
é incommoderait le cavalier & dérangeroit fotr af-
Bfiette. Les anciens écuyers a voient une méthode
H que j’approuve fo r t , pour galoper leurs chevaux
de guerre & de chaffe : c’étoit de galoper un cheval
B e n ferpentant, c’eft à-dire , au lieu, de galoper fur
B tou t le cercle ,ils faifoient continuellement des por-
Rtions de cercle , en renverfant à touts moments les
Répaùles fans changer de pied, & en décrivant' à-
Rpeu-près le même chemin que celui que fait un
Rferpentou une anguille lorfqu’rls rampent. Rien ne
S Confirme mieux un cheval fur le bon pied , ni lui
S affure tant les jambes, que cette leçon. Elle eft
|| ai fée à pratiquer, lorfque le cheval y a été préparé
■ en le galopant fur un cercle à gauche , placé & uni
■ à droite.
I- Ce n’eft point, comme nous l’avons dit dans le
■ chapitre précédent, dans les bornes d’un manège ,
B qu’il faut toujours tenir un cheval qu’on dreffe pour
R la guerre ou pour la chafte : il faut l’exercer fou-
Éf vent en pleine campagne, afin de l’accoutumer à
■ 'toutes fortes d’objets, & de lui apprendre auffi à
B galoper furement fur toutes fortes de terrains ,
B comme terres labourées, terrains gras, prés, def-
m centes , montagnes , valons, bois.
Nous ne répétons point ici ce qu’il faut faire
B pour accoutumer un cheval au fe u , qui eft une
R chofe effentielîe à un coureur; mais une autre qua- •
R fi té que doit a voir .particulièrement un cheval de
R ch a ffe , c’eft de favoir franchir les haies 8c les
R foffés , afin de ne pas demeurer en chemin , lorf-
| qu’on rencontre quelqu’un de ces obftacles. M.
m de la Broue donne à ce fujet une leçon que je crois
R pratiquable 8c bonne ; c’eft d’avoir une claie d’en-
R viron 3 3 4 pieds de large fur 10 à 12 de long , la
B tenir d’abord couchée par terre, & la faire miter
B au cheval au pas , au trot, & enfuite au galop , 8c
■ s’il met les pieds fur la claie« au lieu de la franchir,
H le châtier de la gaule & de l’éperon. On la fait
I enfuite foulever de terre environ d’un pied , 8c à
■ lùefure qu’il la franchit librement, on la lève de
B plus en plus jufqu’àfa hauteur; enfuite on la gar-
I! nit de branches 8c de feuilles. Cette méthode qu’il
B dit avoir fouvent pratiquée , apprend ftire?nent à
S un cheval à s’étendre & à s’allonger pour le faut des
B baies & des foffés ; mais cette leçon , qui eft né-
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cèffaire pour lin cheval de guerre 8c de chaffe , ne
doit s’employer que lorfquil eft obéiffant au tourner
aux deux mains , au partir des mains , au parer
, & lorfqu’il a la tête placée & la bouche affûtée.
Il y a 11 np autre efpèce de chevaux de chaffe
qu’on appelle chevaux d'arquebufe, ce font ordinairement
de petits chevaux qu’on dreffe pour chaffer
au fufil. C eu x -c i doivent avoir à-peu près les
mêmes qualités que les coureurs , mais ils doivent
être parfaitement apprivpifés 8c faits au feu , en-
forte qu’ils fuivent l’homme 8c qu’ils foieht inébranlables
au mouvement & au -bruit du fufil. II
faut encore qu’ils ne s’épouvantent pas au partir
& au vol du gibier. On les accoutume d’abord à
s’arrêter lorfqu’on prononce le terme de hou, mais
les plus1 fubtils & les plus adroits apprennent à ces
fortes de chevaux h s’arrêter court & fansremuer ,
même en galopant, dans le temps qu’ils abandonnent
toute la bride fur le col pour coucher en joue.
Un cheval d’arquebufe , bien fage & bien dreffe à
cet ufage , eft très-recherché ; mais comme on a
plus befoin pour toutes ces attentions ( qui font
pourtant effentielles ) de patience que de fcience,
nous n’entrerons-pas dans un plus grand détail,
ce que nous en avons dit nous paroiffant fufiîfant.
Des chevaux de carrojje.
Dans les fiécles paffés la magnificence des équipages
n’étoit en ufage que pour les triomphes ,
fans qu’on s’embarraffàt d’y rechercher la commodité.
Mais la volupté qui s’eft introduite parmi les
nations , 8c qui a fait d’âge en âge des progrès incroyables
, a contribué à l’invention de plufieurs
fortes de voitures, dont la plus fimple aujourd’hui
furpaffe infiniment, pour la conftru&ion ,
ces chars autrefois fi fameux.
La perfeftion que les françois ont donnée de
nos jours aux carroffes, par les refforts qui ctx
rendent les mouvements imperceptibles, & parla
légéreté, qui diminue confidérablement le travail
des chevaux qui les traînent ; cette perfeétion , dis-,
j e , en a fait une voiture fi douce & fi commode ,
que c’eft préfentement le premier tribut qu’oa
paye à la fortune.
Quand on a cru ne pouvoir rien y ajouter pour
leur ftruâure, on s’ eft appliqué à leur décoration ,
& on y a fi bien réufli , que rien ne feroit plus capable
d’annoncer la dignité des feigneurs, que la
magnificence de leurs équipages , fi Les chevaux
qifon y attelle , étoient mieux choifis 8c mieux
dreffès pour cet ufage. Cette négligence étoit pardonnable
autrefois , parce que la peine que les
chevaux avoient à ébranler ces pefantes machines
, les privoient de la grâce qui fait la beauté de
leur aétîon ; mais aujourd’hui il n’y a plus d’ebfta-
cle qui puiffe empêcher de donner cette nobleffe
aux équipages kftes & fomptueux que nous
voyons. I l