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chargées ont la facilité de fe mouvoir les premières
; celles fur lefquelles le poids eft reporté , font
plus long-temps attachées à la terre : la mobilité
des corps eft en raifon de leur moindre poids.
Les jambes de devant n’ont d’autre fonélion que
de foutenir les poids dont elles font chargées : elles j
ne peuvent les enlever. Les jambes de derrière. ;
peuvent au contraire recevoir un poids & le rejet-
ter : leur conftruéUon leur donne cette faculté. Je
développerai ce ïÿftême & le méchanifme de cette
a&ion.
Les jambes de devant ne font point deftinées à
fervïr d'appui principal dans les mouvements de
l’animal ; celles de derrière font employées à cet
ufage. L’appui principal ne peut être que fur les
jambes de derrière , puifqu’elles feules peuvent fe
débar rafler de leur poids ; celles de devant feront
donc foulagées. C’eft par la que l’équilibre commence
à être dérangé.
Soit donc le poids de chaque jambe pendant cet
équilibre io , les deux jambes de devant donneront
20 , & les deux de derrière auffi 20.
D’abord les deux jambes de devant font foula-
gées ; fuppofons que ce foit de 4 chacune , ce qui
ne donne plus que 12 au lieu de 20. Ce poids eft
'reporté fur les deux jambes de derrière , ce qui,
au lieu de 10, donne 14 pour chacune de ces
jambes.
Cela ne fuffit pas ; car fi les jambes de devant
demeurent chargées également, elles doivent marcher
également. Pour qu’il y en ait une qui foit
plus libre que l’autre, elle doit encore être foula-
gée. Suppofons donc que c’eft la jambe-droite de
•devant qui s’allège encore de 2 livres , refte 4 pour
cette jambe. Que deviennent ces 2 livres que nous
lui avons ôtées ? Elles ne peuvent pas fe répartir
également fur les deux jambes de derrière, car
alors il fe pafferoit une aélion inutile fur celle qui
marche la première. Ces 2 livres font donc uniquement
pour la jambe qui fert d’appui, qui, dans
notre fuppofition , eft la droite de derrière. Celle-
là aura donc 16, fa voifine 14, la gauche de devant
6, & la droite de devant 4. Auffi verrons-
nous que ces jambes agiflent en raifon de leurs
poids : la plus légère partant la première. Confidé-
rons les avions de la nature , & prouvons la vérité
dé nos obfervations.
Premier Mouvement,
Que l’on examine un cheval quelconque avant
qu’il fe difpofe à marcher, il enlève fon (col & fa
tête, & la porte un peu en arrière. Le cheval le
plus vigoureux aura ce mouvement le plus fenfible.
Dans quelque attitude que“fpit le cheval, ce mouvement
de grandiflement fe fait toujours remarquer
: dans l’état même (lu plus grand abandon ,
on l’obferve, quoique très-peu complet. Lorfque
le cheval eft animé & qu’il prend de l’ardeur , çe
mouvement eft dans toute fa valeur. Jamais un
çhcval qui eft bien eonftitué2 8c qui travaille aveç
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a£Hon, n’aiifa la tête baffe : il la porte très-hauté j
& c’eft ce qui lui donne de la fierté.
Ce mouvement dont je parle a des propriétés
particulières. Pour les bien concevoir, on fuppo-
fera que la tête , l’encolure , & le garot, forment
un levier du fécond genre. L’appui fera au bas du
garot : la réfiftance, qui eft corapoYée des épaules,
des jambes, &c. correfpondra au haut du garot :
la puiffance eft au haut de la tête. La puiffance fe-
roit très-foible fi la longueur de ce bras de levier
ne furpaffoit de beaucoup celui que l’on prend de
la réfiftance à l’appui : le garot étant très-court, on
voit que la longueur de la puiffance eft confidé-1
râble. Ce levier ainfi défini, voici comme il agit.
Le haut de la tête de l’animal fe porte en arrière.
A la tête , font attachés plufieurs mufcles confidé-
rables qui font mouvoir les épaules, les jambes,
&c. Les moindres notions anatomiques fuffifent
pour attefter ces faits. Si la tète fe porte en arrière,
il ne peut pas fe faire que des membres qui lui
font attachés, ne foient enlevés, parce que la conf-
trùâion du levier l’exige.
Il fe préfente ici une objeâion affez forte. Mais,'
dira-t-on, ce mouvement a-t-il*à lui tout feul la
force de charger le derrière, car vous ne pourrez
décharger le devant fans que fon poids foit reporté
fur le derrière ; par quel méchanifme cela ce
fait-il ?
Je réponds que la propriété de l’appui du levier
eft la folidité ; que fi elle lui manque ; la pefanteur
du levier & celle de fes poids ajoutés, dérangeront
cet appui jufqu’à ce qu’il fe trouve un obftacle
invincible : c’eft ce qui arrive ici. Le garot eft appuyé
aux vertèbres dorfales ; ces vertèbres font
flexibles : donc l’appui du levier les foulera fuc-
ceffivement, & par-là l’appui fera reculé jufqu’aux
hanches ; donc la réfiftance du levier fe trouvera
portée jufqués fur les jarrets du cheval. C ’eft aini
que eette partie eft chargée par un méchanifme
Ample & qui dépend uniquement de la volonté du
cheval de-.changer de lieu."
Ce fait exiftant, j’ai donc raifon de prétendre
que le premier aâe de la volonté de l’animal produit,
avant tout déplacement, un foulagement
pour les jambes de devant.
Second Mouvement.
Cette, première aâion ayant eu lie u , on voit
entrer en contradlion les mufcles qui élèvent &
portent en arrière l’une des deux épaules. Il n’eft
pas poffible que l’épaule s’élève fans que le poids I
dont elle eft chargée, lui foit ôté. Je conclus donc
que cette opération foulage- encore cette jambe.
Pendant que ceci fe paffe à une épaule, nous ne
voyons aucun mouvement à l’autre. Ne fuis-je pas
autorifé à dire que la jambe , du côté de laquelle
ceci s’opère, eft la feule foulagée.
Troijzème Mouvement.
Enfin , nous appercevons, quoiqu’avec peine,
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«ne petite àflion dans les vertèbres dorfales &
lombaires ; & la-hanche , du cèté où l’épaule a été
enlevée-; baifle confidérablement : les articulations
de tome cette jambe de derrière fléchiffent un peu ;
i mais rien ne quitte terre. L ’autre hanche a donc
un degré d’élévation confidérable de plus que la
[première. Qui pourra donc contefter que cette pre-
j siiêre eft la plus chargée, puifqu’elle fembie fléchir |
I fous le poids.
Obfervations fur les Mouvements précédents»
i Plus le cheval veut mettre de vîteffe dans fon
Ipas ; plus auffi l’aâion de la tête & du col eft con-
Ifidérabie & vite : plus l’épaule eft libre, & moins
j elle eft chargée ; plus auffi fon mouvement eft ap-
Sparent, & plus fon élévation eft fenfible. Un cheval
llprisdans les épaules, ou fatigué dans fes membres ;
afera à peine appercevoir cette contraction de muf-
cles. Si la hanche ne baiffoit pas, on pourroit affu-
Irer qu’elle n’eft pas chargée du poids • plus elle
■ baiffe , plus elle eft chargée. Aufli dans un cheval
Ifur les épaulés, les jambes de derrière femblent 1 agir tout d’une pièce , & fans aucune flexion, i Tels font les aâes qui précèdent le déplacement
la première jambe.
De l'appui fur les jambes.
1 Cette démonftration nous prouve que le poids,
j e f t reporté fur le derrière; que par confisquent le
devant ne donne qu’un foutien qui empêche les
chûtes. Je dis , de plus, que l’appui de toute la
; maffe ne fe peut faire que fur une jambe de der-
I rière ; & que cette jambe eft celle du côté de la
I jambe de devant qui part la première.
Ordre des Motions des jambes.
\ L’ordre dans lequel fe meuvent les jambes,
prouve ma propefition. Le cheval agiffant à droite,
i la jambe droite de devant s’avance la première ; la
1 jambe gauche de derrière fe porte enfuite en avant ;
9 la gauche de devant fait fon mouvement ; enfin, la
1 droite de derrière quitte la dernière le terrein , 8c
i marche à fon tour.
Dans l’aâion , nous remarquons que la rèparri-
■ tion des poids change dès qu’une jambe a fait fa
■ fonâion & qu’elle eft pofée. Il eft certain que cette
B jambe-là eft plus chargée que celle qui eft en l'air.,
atee que la maffe tend à s’appuyer deffus en partie,
e dis en partie ; parce que tout cheval qui fe foù-
tient ne s’abandonne pas fur cette jambe lorfqu’elle
tombe ; mais par l’effort de fes reins', il la ménage,
& ne s’appéfantit pas deffus. Ainfi dans la démarche,
quoique les jambes foutiennent alternativement le
devant, & que cela varie la quantité de leurs poids,
cependant cela ne change rien à l ’ordre établi, parce
que l’allure eft formée d’un nombre de pas entrelacés,
qui n’ont qu’une même formation. Le
Equitation, Èfcrime & JPanfe,
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cheval prend indifféremment Tune ou l’autre jambe
de derrière pour fon plus grand appui; ainfi il part
également à droite 8c à gauche. Peu de chofe le détermine
s’il eft fain & net par-tour. S’il eft douloureux
dans quelque partie, qu’il n’ait pas une force
ou une foupleffe égale dans les deux côtés, il aimera
de préférence à partir du cote ou il eft le plus
vigoureux. On n’oubliera pas qu il s agit ici du cheval
dans l ’état de nature.
Tant que la jambe de derrière eft chargée , le
refte eft léger, & elle n’eft déchargée que par le
mouvement qui lui eft propre : donc tant qu elle n a
pas remué, les autres n’ont d’autre maffe que celle
qui leur eft reftée après les mouvements qui précèdent
la marche. Mais cette jambe, en partant la
dernière, fe décharge fur fa voifine, qui, a fon
tour, devient point d’appui dans la formation du
fécond pas. Les deux jambes de derrière deviennent
donc alternativement le principal appui du
cheval dans la continuité de l ’allure. Cependant on
doit en excepter le galop dans lequel le cheval con-
ferve l’appui qu’il a choifi, jufqu’à ce que quelque
caufe intervertiffe l ’ordre de fa progreffion.
Le méchanifme de ce rejet de poids d une jamb©
fur l’autre, èft inréreffant ; & comme il peut fournir
de grandes lumières pour l’ufage du cheval dans
l’équitation , je vais donner la théorie du reffort ,
par laquelle on jugera plus furement des avions
des jambes de derrière. Car je prétends quel’aâion
par laquelle ces jambes portenr la machine en-
avant, comme l’a penfé M. de Buffpn , & d’accord
avec lu i , le plus grand nombre des écuyers , eft
exécutée par la compreffion & l’extenfion du reffort
qui exifle dans les jambes de derrière ; & , par une
fuite de ce principe, je nie qu’il y ait aucune élasticité
dans les jambes de devant.
Ceci doit fervir à réfuter le fiftème de ceux qui,
entendant mal l’expreffion mettre le cheval fur fes
quatre jambes, croient que, pour exécuter leur
principe, les deux jambes de devant dans l’aâion
doivent porter la moitié de la maffe. Siftème démenti
par la nature 8c par l’ufage du cheval, que
notre propre inftinâ 8c notre fureté nous font de--
ftrer très-léger du devant.
application de la Théorie du Reffort à la jambe de
derrière du Cheval.
Le reffort, en tant qu’il eft machine, eft de
toute forme 8c de toute matière. Ses propriétés
effentielles font de changer de forme 8c de pofition
par la compreffion de quelque force étrangère , 8c
de tendre à fe remettre dans fon état naturel dès
que les caufes n’agiffent plus.
Pour notre commodité, nous confidérerons ici
la machine fous la figure d’un angle formé par la
réunion de deux branches. Affurément la jambe
poftérieure du cheval nous offre bien l’idée d’un
reffort, fur-tout fon jarret. Les ligaments & les ten
dons qui afferBriffent fes articulations, les rendent