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«ne feule & même place, dérangera moins un acad
ém ie , uniquement- occupé du foin de fe placer
conformément aux- préceptes qu’on lui a déduits ,
que fi on l’obligeo.it à monter furfie-champ un cheval
en liberté, qu’il redouterait, qu’il voudroit retenir
ou conduire , & qui le diftrairoit des uniques
objets fur lefquels fon attention doit fe fixer.
Ce n’eft que lorfqti’il a. coanu quel doit être l’arrange
ment des différentes parties de fon corps, &
qu’on apperçoit qu’elles fe préfentent en quelque,
façon à fa volonté, qu’on peut lui donner un fécond
cheval accoutumé à cheminer au pas. Alors
onlui indique les différents mouvements de la main,
afin qu’il puiffé; librement, tourner fon cheval à
droite de à gauchvo .le.laiffer aller en avant, l’arrêter
& même le reculer : on obferve fans ceffe en
même temps les défauts de fa pofition ,& on les lui
indique fcvupuleufement, dans la crainte qu’il né
contraâe de mauvaifes habitudes , qu’il eft très-
diftîçile de corriger dans la fuite. Pluneurs écuyers
s e font aucune diftinélion des élèves qui leur font
fournis ; ils diffèrent néanmoins beaucoup, fi on
confidére le.plus ou le moins de facilité dé leur ef-
p r it, & la diïpofition plus ou moins favorable de
leur corps ; ain.fi- tel.d’entre eux dont la conception
eft heureufe, ne fera point troublé par un énorme
détail de.fautes qu’on lui reproche , tandis qu'un
autre ceffera de nous entendre , fi nous le reprenons
de deux défauts à la-fois. Te l fera de vains
efforts pour fe plier de manière à rencontrer l’attitude
qu’on exige de.lui, 8c dont une conftruiftion :
plus ou moins difforme, ou une aptitude naturelle
l’éloigne.. C ’eft donc au maître à fe mettre à la,portée
des élèves, à juger de ce-qu’il eft d’abord effes-
tiel de ne pas. faire, & à. leur faciliter, par l’exaéle
connoiffance qu’il doit avoir de la relation & de la
fimpathie du jeu des parties dont leur corps eft
formé, les moyens d’exécuter & d’obéir. Un autre
abus eft de les obliger trop promptement à trotter ,
parce que dès lors ils ne ,font attentifs qu’à leur tenue,
& qu’ils ne penfent plus ni à l’exaétitude de
la ppfition, ni aux .mouvemens d’une »main à laquelle
ils s’attachent; en fécond lieu, on n’eft point
fcrupuleux fur le plus ou le moins de dureté ou de
viieffe du mouvement des chevaux ; il eft cependant
très-confiant qu’on devroit obferver des degrés à
cet égard : l’animal, dont les refforts font lia-n-s, &
dont. l’aciipn n’eft - point preffée-, offre toujours
moins, de difficultés à l’élève , qui peut-fe-rendre
ration à lui-même cle-ce qu'il eft capable- de-faire &
d’entreprendre. Ne fouffre-t-il en effet aucun: dérangement
à raifort d’une telle célérité? Il peut
toujours augmenter de plus en plus la vî-teffë; con-
ferve-t-il fa fermeté dans lé trot le plus étendu ? on
doit lui donner un- cheval q ui, dans-cette allure,
ait moins d’union & plus de reins ainfi de filtre
jufqu’à ce qu’il aitacqnis par cet exercice continué,
ce que nous nommons proprement le fond de la
fe-Ile. J’ajouterai que les leçons an trot doivent toujours
être entremêlées des leçons au pas. 'Cellesrei
font les feules où nous puiflions exactement luîvre I
nos élèves , les reélifier , leur propofer une multi- I
tude de lignes différentes à décrire, 8c les occuper I
par conféquent fans ceffe, en mettant continuelle- I
ment leur main à l'épreuve , & en faifant accompa- I
gner les aides qui en partent, de celles de l’une 8c
de l’autre jambe féparément ou enfemble. Laprati- I
que de ces opérations étant acquife par ce moyen, I
ces mêmes leçons fe répètent au trot ; du trot on I
paffe aux chevaux dreffés au galop , & de ceux-ci I
aux fauteurs dans les piliers , & à ceux qui travail- I
lent en liberté au fon de la voix , ou à l’aide de I
l’écuyer ; c’eft ainfi que fe termine la marche de la I
. baffe école ; marche dont on ne peut s’écarter fans I
craindre de précipiter les élèves dans une roideur, I
une contention, une incapacité à laquelle ils de- I
vroient préférer leur première ignorance.
Guidés & conduits fuivant cette méthode , non- I
feulement ils ont reconnu cet équilibre néceffaire, I
meftiré & certain , d’où dépend la fineffe, la préci- I
fion, & la fureté de l’exécution ; mais ils ont ap- I
pris en général les effets de la main & des jambes,
& leurs membres font, pour ainfi dire, dénoués, I
puifqu’on a fait fréquemment mouvoir en eux tou- I
tes les parties dont l’aélion doit influer fur l’animal. I
A toutes ces leçons fuccèdent celles d’où dé- I
pend la fcience de faire manier des chevaux de paf- I
fage. Ici touts les principes déjà donnés , reçoivent I
un nouveau jour , & tout concourt à en démontrer I
la certitude ; de plus il en dérive d'autres, & le I
difciple commence à s’appercevoir de la chaîne Si I
de la liaifon des règles. Comme il ne s’agit plus de I
la pefidon & delà tenue, on peut fui développer I
les rail'ous de tout ce qu’il fait, & ces raifons lui I
; feront entrevoir une multitude de chofes à appren-
dre & à exécuter. On exige plus de fineffe & plus I
d'harmonie dans fes mouvements, plus de récipro- I
cité dans le fendaient- de fa main & dans celui de I
la bouche du cheval, plus d’union dans fes aides, I
un plus grand enfemble, plus d’obéiffance , plus I
de précifion de la part de l’animal. Les demi-arrêts
multipliés,les changements de main , les voltes, I
les .demi-vol tes de deux piftes , les angles de ma-
nège fcrupuleufement obfervés , l’aôion de la I
croupe ou de la tête au mur, la plus grande juf- I
teffe du partir du parer & du reculer, le pli dans
lequel on affujettit le cheval, & c . , font un ache- I
minement à de nouvelles lumières qui doivent I
frapperT’aèadémifte , lorfqu’après s’être convaincu
de la vérité de toutes les maximes dont on a dû lui I
faire fentir toutes les confëquences, foitaupaffage
fur des chevaux fuccefiivenrent plus fins , plus dif- I
ficiles, & drefles différemment , foit au trot , foit
au galop , fi eft en état de paffér à la- haute école.
Alors il ri’eft pas fimplemenr queftion de ce que
l’on -entend communément par l’accord de la main
& des jambes, fi faut aller plus foin à cet égard,
c’eft à-dire faire rechercher à l’élève la proportion
de la force mutuelle & variée des rênes ; l’oblig#
à n’agir que par elles ; lui faire comprendre les
écts combinés d’une feule rêne, mue en dciix fo r s ,
S effets combinés, des deux reries enfemble mues
en même fens , ou en fens contraire ; 6c le convaincre
de l’mfuffifance réelle de laâron des jambes,
qui ne peut être regardée comme une alde Pr'n'
cipale, à moins qu’il ne sagiffe de porter & de
chaffer le derrière en avant ,, mats qui dans tout
antre cas n’eft qu’une aide fubfidiaire a la main. La
connoiffance de ces différentes proportions & de
touts ces effets ne fuffit pas encore. La machine
fur laquelle nous opérons , n’eft pas un etre inanimé
; elle a été conftruite par la nature, avec la
faculté de fe mouvoir; & cette mère commune a
difpofé fes parties de manière que l’ordre de fes
mouvements, confiant, invariable, ne peut être
interverti fans danger ou fans forcer l’animal a la
défobéiffance. Il eft donc important d'inftruire no- ’
tre difciple de la fucceflion harmonique de ces mê-
>mes mouvements, de leurs divifions en plüficurs
temps, 8c de lui indiquer touts les inftants pofli-
tbles, inftants qu’il doit néceffairement faifir dès
qu’il voudra juger clairement de l’evidence des effets
fur lefquels il a-été éclairé , conduire véritablement
le cheval de tête , diriger toutes fes actions,
& non les déterminer feulement, & rapporter
enfin à lui-même toutes celles auxquelles il le contraint
& lé livre. Voye{ Manège.
Ce n’eft qu’avec de telsfecours que nous pouvons
abréger les routes de la fcience , & dévoiler
les myftères les plus fecrets de l’art. Pour en parcourir
touts les détours, nous fuivrons la même
voie dans les leçons fur touts les airs relevés ; nous
ferons enfuit® l’application de touts les principes
donnés fur des chevaux neufs, que nos difciples
entreprendront fous nos yeux; & il n’eft pas douteux
que dès-lors fis fort iront de nos écoles avec
moins de préfomption , plus de capacité, & qu’ils
pourront même nous laiffer très-loin derrière eux ,
s ’ils perfévèrent dans la carrière que nous leur au-
, rons ouverte , & dans laquelle on ne" doit avoir
d’autre guide que la patience la plus confiante 8c
le raifonnement le plus profond.
PREMIERE LEÇON SUR LE DROIT , SOUS L’HOMME.
( D u p a t y ).
Le cheval étant une fois affagi par la leçon de
longe, je confeille de le monter & de le mener
dehors fur le droit, fans lui demander autre chofe
que d’aller en avant & de trotter le mieux qu’il
pourra, 8c fans preferire à fa tête & à fon col une
attitude trop gênante. Menez-le le plus droit poffi-
b le , enforte qu’il fente les deux rênes. Donnez-lui
de la liberté , & qu’il foit porté en avant par vos
jambes bien égales. A mefure qu’il obéira, raeçoiir-
ciffez les rênes 8c enlevez fa tête & fon col , non
pas en mettant de la force dans les mains, comme
quelques-uns, mais en badinant avec les. rênes &
en jouant avec elles. Comme ces petits à-coups
pourraient rallentir le cheval, fentez davantage les
jambes, mais fans forcé.
Evitez fur-tout de chagriner l’animal ôu par des
à-coups trop foft's , Ou pat dés châtiments déplacés
, ou même en voulant exiger de lui au-delà dè
fes forces. On .doit fçavoir que le cheval a bien peu
de moyens d’obéir dans les commencements , &
qu'il faut lui demander le moins poflible. Je né
faurois approuver ceux qui, dès les premiers jours,
tiennent les rênes du bridon très tendues, & ferment
les jambes avec fote e , prétendant par-là décider
le cheVal. C ’eft une grande erreur : car comment
comprendra-t-il qu’on lui demande d’aller en
a v a n t f i on le retient avec force ? & comment fou-
tiendra*t-il avec fon peu de vigueur ces deuk opérations
contradiéloires ?
On ne doit jamais oublier que la main doit être
très-légère dans les commencements fùr-tout, Ôc
qu’elle ne doit faire qu’avifer la tête. Les jambes
de l’homme venant en fu i te à travailler, portent
l’animal en avant. C ’eft avec le temps & la douceur
, qu’on placera la tête & le col : fi ne faut pas
tenter de le faire trop tôt, on ruine le cheval. La
grande leçon à lui donner eft de le porter biea
en avant : non pas qu’il faille le trotter très-vite 8c
très-allongé ; au contraire, on ne doit pas le preffer
dans les commencements ; mais fi faut qu’il n’arrête
pas de lui-même, & qu’il fente lès jambes de
l’homme en lés fuyant fans leur ré'fifter.
Les jeunes chevaux ont ordinairement urle âllure
qui n’eft ni le pas ni lé trot. Si on les prèffe d’aller
trop v ite, leur alluré ne prend âüctin caraâère,
parce qu’elle ne fe forme qu’autant que les forces,
& l’équilibre fe perfectionnent. C ’eft donc mal fait
de les trotter très vite , ils fe difierquént fans s’af-
fouplir, fis s’énervent & fe ruinent. Par un trot
allongé, les mufcles fouffrent uiie cliftenfion trop
grande, ainfi que les ligaments qui s’étendent trop ,
ce qui fait que les os forcent de leur place plus ou
moins; & il arrive que les mufcles affoiblis ne
peuvent remuer que lentement des os incèrtain's
& variant fur leur appui. Je ne preffe donc mou
cheval qu’à mefure qu’il place fon col & fa tête ,
parce que , lorfqu’il eft ainfi préparé, tout fon
corps s’ajufte fur l’attitude du col , & il fe foutient
de lui-même. Lorfqu’il a de la vigueur , je le trotté
franchement, enforte que fon alluré foit nette ,
bien unie & bien cadencée ; c’eft-à-dire que chaque
temps de troc foit marqué par une battue régulière.
Si l’animal ceffe d’être d’accord, je rallentis ,
car c’eft une marque qu’il ri’y a plus ni équilibre ni
union ; & je pérdrois tout fi je ëontinuois cetté
allure défordonnée.
Lorfque le cheval a fait un temps de t ro t, je le
fais repoféren lé laiffant aller aw pas. Cette allure
fe forciie , comme le trot , par l’équilibre & la
bonne difpofition de la tête & du col. Je laiffe
d’abord le cheval entièrement à fa libétté : fatigué
de la leçon du trot, fi prend un pas qui lui convient
, 8c j’étüdie de quelle nature il eft- Je raccourcis
infenfiblement mes rênes, en plaçant fa tète
& en enlevant. Dès que je fens qu’il veut prendre