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& tend le col fans le foutenir. La fecônde eft celle
©ù il porte au v ent, lorfque , cherchant à fe cabrer
, ou fe roidiffant fous l’homme , il jette le
haut de fa tête fort en arrière. La troifième eft celle
où il s’encapuchonne ; c’eft l’attitude de touts les
chevaux deffinés dans les auteurs , excepté dans la
Guérinière : 1e chèval au lieu de fe foutenir & d’être
fur les hanches , arrondit fon c o i, mais en baillant
fa partie fupérieure ainfi que fa tête , enforte que
le menton s’appuie prefqüe fur le poitrail. La quatrième
efl celle que tout cheval bien placé doit
avoir , celle qu’il prend en liberté lorfqu’il s’anime
de lui-même 8c qu’il étale toute fa beauté, celle que
l ’art adopte, parce que la nature la favorife, 8c
parce qu’elle contribue à l’équilibre du cheval :
c’eft aufîi celle que j ’ai donnée aux chevaux dans
les eftampes de ce livre, n’en ayant jamais vu d’autres
aux chevaux drefles par d’habiles maîtres , au
moins en France.
D'après l’examen réfléchi du fquelettc du cheval
, d’après une étude exaéte de toutes fes articulations
, & de la tournure naturelle de chaque membre
, il fera facile de juger que fi les os des jambes
font hors de la direérlon qu’ils doivent avoir , né-
ceffairement l’animal efl: prêt à tomber: or cette
direiftion efl inconteftablement celle dans laquelle
toutes les furfaces des os fe touchent autant qu’il
efl poftible. On fera de plus convaincù que cette
loi n’eft point obfervée dans un cheval en repos ,
dont le col eft allongé , ou la tête encapuchonnée.
En effet, fi on élève une perpendiculaire qui
paffè exactement par le centre des os de la jambe
de devant du cheval, & que cete ligne foit celle de
fon innixion , le col étant allongé forme un poids
trop éloigné de cette jambe pour ne la point fur-
charger. Plus le poids de la tête eft éloigné de cette
ligne perpendiculaire , plus il eft grand., parce qu’il
eft plus éloigné de fon appui. Auffi arrive-t-il que
les jambes ne font point placées lorfque la tête a
une fi mauvaife attitude ; au lieu de s’appuyer perpendiculairement,
elles forment une ligne oblique,
& vont fous le ventre du cheval, enforte que le
poitrail, les épaules, le çol 8c la tête , font hors
de la ligne d’appui. Il ne faut que des yeux pour
juger de la défeétuofité de cette attitude & de fon
peu de grâce : elle déplaît même aux gens les
moins inftruits.
L’attitude de la tête encapuchonnée a des défauts
8c des inconvénients d’un autre genre. Ordinairement
ces chevaux pèfent à la main ; 8c comme
leur tête 8c leur cordcbordent encore extérieurement
la ligne d’appui des jambes, ils les fatiguent,
quoiqu’elles foient bien placées pour l’ordinaire.
Comme les poids font très-mal répartis, les hanches
font fort à leur aife, & pouffent la maffe fur
les jambes de devant, ce qui augmente la pefan-
teur naturelle du devant. Lorfque le cheval ayant
vaincu les forces de l’homme, appuie fur fon poitrail
fa tête mal placée, il fe livre à fes caprices
£kns que l’homme puiffe aifément s’y oppoter ;
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[ d’ailleurs il court rifque dè s’abattre à chaque inf-
tant.
Cette pofition de tête a de plus l’inconvénient
que le cheval ne voit pas fon chemin , parce que
la conformation de l’oeil ne lui permet de voir que
les objets qui font dans la dire&ion du rayon vi-
fuel. Outre cela , jamais le mors n’a de véritables
effets, parce que rien n’eft difpofé félon les loix
de la nature. Le cheval qeifauroit être libre ni vraiment
affoupli ; il travaille toujours fur les épaules,
8c n’eft point tenu par le cavalier.
Quoique l’attitude oppofée , celle où le cheval
porte le nez au v en t, ne paroiffe pas devoir charger
les épaules 6c les jambes de devant, elle ne
laiffe pas de les fatiguer , parce que la pofition de
fon col & de fa tête ne contribue point à les foula-
ger 6c à les enlever. Expliquons ceci.
Les vertèbres du col font au nombre de fept ;
elles font emmanchées l'une dans l’autre , de manière
quelles forment affez bien la figure d’une s.
Les deux premières forment une courbure , ou
s’arrondiffent ; les deux dernières en font autant,
& vont s’appuyer à la première des vertèbres du
garrot. Si je veux enlever la tête du cheval, de
manière qu’elle foit trop haute, 8c qu’elle fe porte
trop en arrière, néceffairement je déplie le haut de
l’encolure , en obligeant les deux vertèbres fupé-
rieures à quitter la pofition qui leur eft la plus
} commode. Si je continue à tirer la tête en arrière,
il fe formera dans l’encolure un faux pli ; les deux
extrémités de l’encolure chercheront à fe joindre
comme on voit dans les encolures de cerf ; & la
dernière des vertèbres cherchera à fe féparer de la
première du garot. C ’eft précifèment tout le contraire
que nous devons defirer : car plus il y aura
d’union entre les vertèbres du c o i , plus nous ferons
sûrs d’enlever toute la machine. Il faut tellement
difpofer la colonne des vertèbres de tout le
corps, qu’en la prenant par le bout, c’eft-à-dire par
la tête du cheval, nous puiflions l’enlever toute
fans aucune interruption , 6c qu’en enlevant la première
, notre aélion fe communique jufqu’à la dernière.
Or , pour arriver là , l’experience , rînfpec-
tion du fquelette , 6c la raifon , nous apprennent
que ce ne fera jamais en laiffant le cheval porter
au v en t; cardans ce cas il n’y a que le col 6c la
tête d’enlevés, 6c jamais le garot 8c le dos ne le
feront : moyennant cela le cheval fe fatigue &
s’ufe, comme on le voit touts les jours.
Je fuis cependant d’avis qu’on emploie quelquefois
cette attitude lorfqu’un cheval a la tête attachée
un peu trop bas. Il faut diminuer un peu la
rondeur du haut de l’encolure, 6c faire prendre,
s’il fe peut avec le temps, une autre attitude à la
tête : pour cela, on enlève le bouç du nez du cheval.
De plus , lorfque le cheval s’encapuchonne ,
ce travail y remédie à la longue.
. Si le cheval porte de lui-même le nez au vent
fans vouloir le baiffer , c’eft une preuve de roi-
deur ou de foibleffe. Dans l’un 6c l'autre cas , on
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emploie en France avec fuccès la martingale ; elle
oblige le cheval de baiffer un peu te nez ; 6c peu a
peu on lui fait courber la tête.
L’nfage de la martingale eft tres-bon ; mais il ne
faut pas prétendre trop captiver le-cheval : retenu
qu'il eft par la muferole, il déploie difficilement
Ion c o l, 8c il n’eft jamais à fon aife. 11 eft à'propos
de la tenir un peu aifée , fur-tout lorfque le cheval
commence à fe bien placer. La martingale , en af-
fnjertiftant la-tête du poulain dans tes premières leçons
j donne à l'homme une grande facilité pour le
contenir , 6épolir lui faire fentir l’effet de fa niain.
11 eft confiant que dés qù’un cheval a le nez au
vent, il peut emporter fon homme impunément.
Nous obvions à'cet inconvénient par la martingale
ajuftée avec difeernement.
Si je donne quelquefois la leçon de la tête haute
au cheval pour- l’accoutumer à fe grandir, je rè-
viens bien’ôt à 1 attitude qui lui eft la plus naturelle
& la plus belle. 111a prend de liii-même à mefure
qu’il acquiert de la force 6c de l’appui dans la main.
Mais pour le conduire là, il faut de l’affiette 6c l’emploi
des jambes du cavalier. Car jamais le cheval
ne fera bien placé, fi on confie à la main de la bride
feule tout le foin 6c l’attitude du cheval. Il eft d’ailleurs
très-néceffaire que tout le corps foit bien difpofé
pour que la tête foit placée.
L’attitude des chevaux gravés qui accompagnent
cet ouvrage, rend au jufie mon idée. Si on compare
leur pofition avec celle des [chevaux gravés
dans touts les anciens livres de cavalerie , on verra
line grande différence On peut dire qu’il n’y a pas
long-temps qu’on connoît la véritable attitude du
cheval, à en juger par les anciennes gravures. Car
il eft à préfumër qu’elles ont été deifinées d’après
nature ; que l’artifte a rendu au moins les enfem-
bles s’il a négligé les détails , 6c que les grands
hommes qui ont écrit fur cet art ont préfidé aux
deffins , 6c ont voulu que leurs idées fuffent fui-
vies.
Lorfque îe cheval eft placé comme je le defire ,
il eft dans toute fa force, dans le plus bel enfem-
ble 8c dans fon grand degré de mobilité. Parcourons
tout fon corps , 6c examinons comment chaque
partie eft difpofée par rapport à la tête : fup-
pofons le cheval en repos.
Touts les os de l’épaule 8c des jambes de devant
fe foutiennent parfaitement; les deux jambes po-
fent bien 6c font dans la plus belle attitude ; le pied
porte bien à plat 8c également de la pince 6c des
talons. Si de l’extrémité de la pince on élevoit une
perpendiculaire , elle rencontreroit , à quelque
chofe près , l’oreille du cheval ; affurément le devant
ne pëfe point à terre ; rien ne déborde la ligne
d appui des jambes de devant, 6c toute cette maffe
n a aucune propenfion en avant. La croupe eftraufti
baffe qu’elle puiffe l’ê tre , puifqu’elle eft chargée
• ou prete à l’etre ; les reins font dans la pofition où
ils ont le plus de force ; leur extrémité eft appuyée.
Avantage qu’elle n’a pas lorfque le cheval eft fur
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Tes épaules. Les jambes de derrière ne font point
éloignées de la croupe ; 5c fi de l'extrémité de£
feffes on abailfoit une perpendiculaire, cette ligne
ne tombèrent fur aucune partie de la jarnbe. On
conçoit que le cheval bien pofté fur fes quatre colonnes,
eft três-aifé à ébranler ; 8cfi, en marchant ;
il ebriffrve (a bonne attitude, il fera plus léger 6c
plus sur dans fa mai che.
Il n’y a point dè‘ cheval, à moins qu’il ne foit
confinât ridiculement, qui ne puiffe 8c ne doive
être difpofé’a in fi. S’il eft très-roicle, ou très-foi ble ,
il fera plus de temps à y parvenir, mais il y viendra
enfin.
On auroit tort de prétendre; que cette attitude:
charge 6c fatigue lés hanches. Car tout cheval aura
affez de forcé dans fon derrière pour porter fes
épaules , fi, après avoir placé le devant, infenfi-
blement Ôc par degrés, on n’affure pastrop la main 9
8c fi on ne veut pas trop-le renfermer. Déplus on
ne doit jamais oublièr que la réfiftance que le chc-
valtrouve dans la main du cavalier qui l’arrête ou
forme des demi arrêts , eft un obftacle considérable
pour lui 6c une augmentation du poids quTil a à re-
jetter fur les hanches. Si un cheval bien placé fe porte
avant pour la main très-légère, 8c qu’on veuille af-
furer un peu plus la main, l’animai fe rejette d’autant
fur fon derrière, 6c par là le charge davantage*
Si l’aâion de la main eft trop augmentée , alors le
cheval, trop chargé furies hanches, fe défendra.
On doit donc proportionner la tenue delà main à la
force des hanches , 8c on n’êcrafera point le cheval*
Un cheval ne travaille jamais de bone grâce, à
moins qu’il ne foit placé ainfi : à mefure qu’il s’af-
fouplit, on s’apperçoit que fa pofitioufe reélifie»
6c qu’il devient plus brillant.
Touts les chevaux ne fortent pas des mains de la
nature affez bien conformés, pour que l’art les con-
duife promptement à la belle attitude: à moins que
la proportion de touts tes membres entre eux ne
foit parfaite , il faut du temps 6c de la patience pour
les bien difpofer ; 8c encore n’arrive-t on point à la
véritable beauté , fi la nature eft ingrate.
Les chevaux font difficiles à placer, foit à caufe
de la mauvaife difpofirion de la tête , foit à caufe
de la conformation vicieufe de quelqir’autre partie*
La tête attachée trop bas eft celle dont l’encolure
remonte trop haut au-deffus de l’attache des
deux oreilles. L ’arrondiffement que forment les
deux premières vertèbres cervicales, s’oppofe à la
vraie attitude. On en approchera à la longue, après
avoir fait porter le nez au vent : il n’y a aucun rifque
à donner cette attitude jufqu’à ce que le col fe
grandiffe & fe foutienne de lui-même, car le bout
du nez tombera toujours affez. £>
Si la tête eft au contraire trop haute j & que l’occiput
foit plus haut que l’atlas, il fera difficile de
faire baiffer le nez. Pour y parvenir il faut ufer
d’une martingale courte, 6c l’arrondiffement de
l’encolure viendra de celui de la troifième 8c de la
quatrième vertèbre ; car à la longue elles s’arrou^