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l’animal, c’ eft- à-dire, celle dans laquelle le fardeau
de l’homme lui eft le moins incommode, &
lui laide par conféquent le plus d’ufage de fes forces
& de liberté pour agir.
Mettons un cheval en liberté , & examinons
fes mouvements & fes allures, la nature une fois
Connue, nous fervira de loi.
Du mouvement 5* de la marche du cheval.
Il eft néceffaire de connoître les différents mouvements
d’un corps , dont tout notre art fe borne à
faire moqvoir les refforts avec jufteffe ; examinons
dans fes jeux les plus ftmples lesloix les plus exactes
de l.a méchaniqtte.
On peut confidérer le corps du cheval comme
une machine foutenue.par quatre colonnes , dont
le centre de pefanteur tombe toujours dans leur
milieu proportionnel. Dans l ’état de repos , le
poids du corps de l’animal doit être réparti également
fur les quatre colonnes , & c’eft auffi ce que
j ’appelle un cheval raffemblé. Dans l’état de mouvement
, le poids de l’animal eft foutenu par les
colonnes qui fe trouvent pofées à terre. Il eft donc
effentiel que le centre’de pefanteur du cavalier fe
trouve perpendiculaire fur celui du cheval, parce
qu’alors , ces deux poids n’en formant plus qu’un ,
il fe répartit proportionnellement fur les jambes
du cheval, & le gêne le moins poflible.
On a toujours regardé les quatre colonnes de
cette machine , ou les quatre jambes du cheval,
comme le-principe du mouvement ; comme dans
la marche de l’homme , on a prétendu que les
jambes commençoient à fe porter en avant, &
que le corps venoit enfuite fe repofer deffùs lorf-
qu’elles étoient à terre.
Heureufement la méchanique , fcience démonf-
trative, & confultée trop tard , nous a fait voir
notre erreur ; on eft convaincu aujourd’hui qu’un
petit poids ne peut en attirer un gros , mais qu’au
contraire, il eft naturel qu’un gros en attire un
petit. En recherchant d’ailleurs le principe du mouvement
des corps , on a vu qu’il étoit dans le centre
de gravité. (
Il eft même étonnant que, fans la méchanique ,
on ne fe foit pas apperçu du mouvement naturel
de la marche ; il n’y a qu’à voir un homme marcher
avec vîteffe, ou courir, on s’appercevra bien
que c’eft fon corps qui entame le chemin , & qu’il
dépaffe de beaucoup fes jambes , qui paroiffent ne
faire que fuivre , & qui ne font effectivement qne
venir fontenir le corps pendant qu’il chemine.
Pourquoi voit-on quelquefois un homme tomber
en courant ? c’eft parce que fes jambes n’ont pas
allez de vivacité pour venir foutenir fon corps ,
qui part toujours le premier.
Examinez bien le cheval en repos & d’aplomb,
6 excitez-le doucement a fe porter en avant, ayez
les yeux fur l’avant-main , vous la verrez d’abord
fe mouvoir ; puis, comme fi elle entraînoit les
jambes, vous les verrez venir fe pofer fous le
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cheval, & ce fera le chemin plus ou moins confi-
dérable qu’il aura fait de fon corps, qui déterminera
la jambe à fe porter plus ou moins en avant.
Voilà le véritable principe du mouvement : c’eft
toujours par leur centre de gravité que les corps fe
meuvent, &. lorfqu’on veut mouvoir un corps ,
c’eft toujours fur le centre de gravité qu’il faut appliquer
les forces. Quelqu’extraordinaire que ce
principe puifîe paroitre d’abord à ceux qui étoient
accoutumés à croire que les jambes mettoient le
corps en mouvement , & le faifoient primitivement
marcher, pour peu qu’ils réfléchiftent, &
qu’ils faflent „attention à ce que l’expérience leur
démontre fans cefîe, ils s’appercevront bientôt de
leur erreur.
Tout mouvement doit avoir un objet: fi le cheval
chemine, c’eft pour fe tranfporter d’un endroit
dans un autre, & fi le cavalier l’y excite , c’eft
pour arriver à fon but : c’ eft le mouvement que le
cheval fait pour fe tranfporter d’un endroit dans
un autre qu’on nomme marche.
D ’après l’objet de la marche , on voit de quelle
façon elle doit s’exécuter : nous favons que le plus
court chemin d’un point à un autre eft la ligne
droite , & que le mouvement le plus naturel à un
corps qui a reçu une impulfton , c’eft de fe mouvoir
uniformément, & dans la direction de la
force qui l’y a mis.
Dans la marche , le corps de l’animal dbit donc
fe mouvoir directement, c’eft-à-dire , toujours en
ligne droite ; c’eft aufli celui dont les jambes s’écartent
le moins de cettç direction .qui marche le
mieux.
Ne confidérons dans touts les mouvements que
le peint pris pour centre de pefanteur ; le centre
de pefanteur où de gravité , mis en mouvement,
ne peut fe mouvoir qü’à une certaine portée , à la
même hauteur & fans fe baifler ; & lorfqn’il y eft
parvenu, c’eft le terme du foutien que les jambes
peuvent lui donner fans bouger ; pour lors, elles
font obligées de changer de place, & venir reprendre
fous lui la mêmç pofition qu’elles avoient avant,
afin de lui renouveller la facilité de recommencer
fon mouvement ; c’eft ainfi que fe meut & continue
de fe mouvoir l’animal, dont toutsles mouvements
font tellement fuivis les uns des autres, que
l’oeil le plus attentif ne les diftingue qu’avec peine :
ces mouvements fuccefîifs, du centre de pefanteur
& des jambes, doivent avoir un accord & une fuc-
ceflion parfaite, fans lefquels le cheval ne feroit
plus d’à-plomb , & courroit rifque de tomber.
Il eft néceflaire fur-tout que les jambes ne fe
ralentiflent pas, qu’elles aient toujours la même
gradation de vîtefle que le corps, ou le centre de
gravité, & qu’elles travaillent toujours par le plus
court chemin.
C ’eft au cavalier habile , à compaffer les mouvez
ments de fa main qui doivent rallentir la mafle ,
& la quantité des aides qui doivent accélérer l’action
des jambes ; car s’il n’a pas le fentimènt de
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£dhe , de mettre le poids du corps du cheval fur
k milieu proportionnel des jambes pofant ater e.
D ’après ce principe du mouvement, bien re
connut continuons à confidérer le cheval comme
une maffe , dont le centre de g r a v e don toujours
tomber dans le milieu proportionnel des jambes,
ü pofent à terre; & toutes nos operations ne
s’exécuteront que fur ce centre ^ gravité , que
nous chercherons à mouvotf avec jufteffe & furete.
Le cheval a différentes maniérés de fe mouvoir
avec plus ou moins de célérité, ce qui le rend ful-
ceptible de différentes allures ; il en a trots, dites
allures naturelles, fçavoir , le pas, le trot & le galop.
J’appelle ces allures naturelles, pour les dii-
tineuer d’avec d’autres que les chevaux n ont jamais
naturellement, mais qu’ils prennent quelquefois,
par la manière dont on les mene, telles que t amble,
le haut pas , le traquenard, &c. Dans ces allures factices
, le cheval a moins d’aplomb , & n eft point en
force ; auffi s’ufe-t-il infiniment plutôt. Il eft cependant
des Bidetsen Bretagne.& en Normandie, qu on
appelle chevaux d’allures, quifont beaucoup de chemin
avec ces manières de marcher. Mats ces chevaux
(ont rares , & il faut qu’ils foient excellents pour
foutenir ce train , dont nous ne parierons pas davantage
, puifqu’il n’eft connu que des chevaux de
payïans, qui ne changeront certainement pas leur
ufffe , & qui auroient même tort de le changer ,
puifque ces chevaux font fort eftimés parmi eux.
Du Pas.
Le pas eft de toutes les allures du cheval la plus
lente, & celle qu’il peut foutenir le plus longtemps
de fuite : dans cette allure, il n’a qu une jambe en
l’air , à la fois , & leur mouvement fe fuccede diagonalement;
je m’explique , la mafle du cheval,
une fois en mouvement, ne pourroit plus ie foutenir
fi elle n’étoit fecourue : une jambe de devant,
la droite par exemple O fe lè v e , & va fe pofer
en avant, & perpendiculairement au-defious
de l’épaule droite ; en même.-temps que le pied droit
de devant fe pofe à terre, le pied gauche de derrière
fedève, & fe trouve tout-à-fait le vé, au-mo-
ment que le droit de devant eft tout-à-fajt pofé ; le
pied gauche de derrière , une fois en 1 air , va le
pofer en avant, plus ou moins, de façon qu il
puiiTe donner un jufte fupport au centre de gravité
du cheval ; en même-temps que le pied gauche
de derrière fe pofe, le pied gauche de devant
fe lève , de façon que ce pied fe trouve tout-à-
fait en l’air, en même-temps que l’autre eft toüt-
à-fait pofé ; il va de même fe pofer en avant & perpendiculairement
au-deflous de l’épaule ; lorfqu il
pofe à terre, le droit de derrière fe lè v e , & va fe
porter comme le gauche de derrière, aflèz en avant
pour aider à foutenir le centre de gravite ; puis ,
lorfqu’il le pofe, le droit de devant fe lè v e , &
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aînfi fe. reperpétuent fans ceffe ce$ quatre mouvements
, qui font très fuivis, & doivent être très-
égaux entr’etix, la maffe devant toujours cheminer.
&On voit par ce détail, que, dans le pas la
maffe de l’animal, ou fon centre de gravité , n eft
- jamais foutenu que par trois jambes, fur lefquelles
il fe meut continuellement, que fes jambes fe lèvent
& changent entr’elles, en proportion de la
vîteffe de la maffe. On voit auffi que le mouvement
des jambes fe fuccede diagonalement, c eft
la feule manière dont le cheval puifle conferver fa
folidité; puifqu’une jambe doit être déchargée,
avant que celle qui eft en l ’air foit tout-a-fait pofée,
les deux points d’appui qui reftent, étant dans la
diagonale , font dans la pofition la plus forte 6i la
plus favorable pour foutenir la mafle. J
Le pasa différents degrés de foutien & devtteffe ;
il eft plus ou moins écoulé & allongé ; nous aurons
ôccafion d’en reparler dans nos leçons ou cette allure
fera regardée comme la plus avantageufe , oc
celle dont un habile maître doit fe fervir pour .finir
& perfectionner un cheval; je veux dire pour lut
donner la fineffe de la bouche & des jambes. Le
fameux M. de Luberfac ne fe fervoit que du pas
pour dreffer fes.chevaux, il s’en emparoit fitôt
qu’ils étoient ce qu’on appelle déboures ; il les
montoit pendant dix-huit mois , ou deitx ans , toujours
au pas , & quand, au bout de ce tetnjts, il
. les metroit fous fes plus forts écoliers, ils étoient
touts étonnés de trouver a ces chevaux le paflage
le plus cadencé & la galopade la plus écoutée & la
plus jufte.
Du Trot;
L’allure dû trot eft beaucoup plus vive que celle
du pas ; elle en tire fon origine: fi on hâte le cheval
au pas , on voit diftinélement fes mufcles dor-
faux & lombaires fe raccourcir, les angles de l’arrière
main s’ouvrir avec force, & 1a maffe fe porter
en avant avec beaucoup plus de célérité; les jambes
du cheval s’enlèvent.auffi avec beaucoup plus
d’aélion, pour venir au fecours de cette maffe , &
la fupporter. Auffi l’expérience nous fait-elle v o ir ,
que nombre de chevaux pareffeux bronchent au pas,
& fe foutiennent très-bien atf trot.
Le mouvement fucceffif des quatre jambes ne
pourroit être allez prompt pour le foutien de la
maffe; auffi le cheval a-t-il deux jambes en l ’air ,
& deux à terre , qui, étant placées diagonalement,
fnffifent pour foutenir la machine en équilibre,
pendant que lès deux autres cheminent, & fe relè
vent mutuellement. Dans l’amble, les deux jambes
du même côté forment un bipède ; pendant que
■ l’un eft l’air, la machiné eft vifiblement en danger
de tomber ; car il faut, pour que le cheval puiffe
marcher, qu’à l’inftant, par exemple , où le bipède
droit eft en l’air, tout le poids de fon corps fade
un mouvement à gauche pour fe mettre en équilibré
fur le bipède gauche, puifque, lorfque le bipede
gauche fe lè ve,il faut que le poids du corps fe jette
lur lé droit. ( Fig. a. Le bercement, dans cette ab