
I j o M A N
de dehors , q u i, dans les leçons de la IIP clafle
avoit toujours été retenue & reculée par la manière
dont je pliois le cheval , & dont je faifois faillir fon
épaule de dedans. J’habitue ainfi l’animal à une action
nouvelle, principe du travail de deux pilles,
& objet des leçons de cette IVe claffe.
Cette leçon-ci eft fort douce, & il n’y a point
de cheval, plié & un peu arrondi, qui ne l’exécute
facilement.
Il n’en eft pas ainfi de la fùivante; s’il n’eft déjà
gagné dans les épaules, il fe défendra : mais on préviendra
fes caprices avec l’attention de ne la donner
qu’après avoir obtenu de lui une entière obéif-
fance aux leçons de la troifième claffe, & en ne
lui demandant que ce que la nature lui permet de
faire , & ce que l’art lui a appris par gradation.
Des Changements de mains de deux pifles.
Je commencerai par avertir que les aides dont je
viens de me fervir, ne font pas celles que j’emploie
lorfque le cheval a acquis toute la 'foupleffe &
toute l’intelligence que je defire : mais elles étoient
les plus propres à l’y conduire. C ’eft pourquoi
je diftingue le cheval mené de deux piftes pour la
jambe de dehors, & le cheval qui s’y porte fou-
tenu de la jambe de dedans. Je confeille la première
manière pour commencer : avec l’autre, on finira,
on ajuftera & on peife&ionnera le cheval.
Pour aller de deux piftes , il faut que le cheval
plié, porte la jambe de dehors un peu en avant de
l ’autre, en croifant plus ou moins par deffus j &
que la même chofe s’exécutant dans le train de
derrière, celui-ci foit détaché du mur en même-
temps que le devant, & l’accompagne toujours
fans quitter la difpofition première qu’on lui a donnée.
Voici mes opérations pour la jambe, de dehors.
Changement de main de deux pifles pour la jambe
de dehors.
Je marque un demi-temps d’arrêt; je détermine
les épaules en dedans , e s enlevant la main , & en
détachant 8t fentant la rêne de dedans ,• & je place
le cheval dans l’attitude de J’épaule en dedans. Je
le .contiens avec la jambe de dedans qui garde le
p li: puis je laifTe tomber plus ou moins fort ma 1
jambe de dehors , qui force la croupe du cheval à j
aller en dedans. Rendons compte des motifs de
ces opérations.
Si l’épaule de dehors n’eft enlevée & avancée ,
la jambe de ce côté ne pourra chevaler : c’eft la rai-
fon de l’enlever des deux rênes. Si l’épaule de dedans
, qui concourt au p li, & qui par cette difpofi-
tion tend à avancer, n’eft retardée , elle s’oppofera .
à la marche de la jambe de dehors ; c’eft ce qui
oblige de fentir la rêne de dedans. Comme tout le
poids fê porte fur la jambe de derrière de dedans ,
fans l’aftion de ma jambe de dedans elle perdroit
fon rellort, & fans une forte preffion de l’aide de
ma jambe oppofée, les reins ne s’arrondiroient
point, & la croupe n’iroit pas en dedans, parce
■ que l’animal n’a pas encore l’idée de ce travail.
Les premiers jours il refufe d’obéir à la jambe de
dehors ; il eft bon de lui faire fentir l’éperon afin
qu’il craigne cette jambe, & en même temps on
fixe fon p li, en afliirant & en détachant la rêne
qui le donne. On répétera ces aides jufqu’à ce que
le cheval s’arrondifle volontiers. Alors il ne réfif-
tera plus à la jambe, & il la prendra bien.
On doit alonger ces premiers changements de
main, afin qu’il s’accoutume à les faire bien en
avant & fans fe tenir; d’ailleurs cela le foulage. Il
eft à propos que la jambe de dehors chevale com-
plettement, afin de faciliter cette aélion ; ainfi , on
donnera au cheval tout le temps d’agir fans le
preffer.
C ’eft ainfi que je prépare le cheval. Je conviens
que ces opérations ne le mettent pas dans un parfait
aplomb; car pour qu’il chevale , je fuis obligé
de lui donner un très-grasd pli avec ma rêne de
dedans , & de contenir les hanches avec la jambe
de dehors , ce qui le met les deux bouts dedans.
Mais il n’y a pas d’autre moyen de réuflir & de
l’acheminer à un travail plus parfait. Le cheval, il
eft vrai, s’écrafe fiir les jambes de dedans ; mais il
arrondit la colonne vertébrale & dénoue l’épaule de
dehors.^ C ’eft à moi à ne le pas tenir trop longtemps
à une leçon défeélueufe, qui n’eft utile que
pour un temps.
Changement de main de deux pifles pour la jambe
de dedans.
C ’eft ici une autre combinaifon d’aides, & d’au«
très réfultats dans les aâions du cheval. *
L’animal ira de deux piftes fans chevaler, en po-
fant le pied de dehors un peu en avant, & vis-à-vis
de celui de dedans; & l’épaule de ce côté fera déployée,
autant qu’il fe pourra, afin que tout marche
enfemble.
Pour y parvenir , après avoir redrefle & enlevé
le devant avec les deux rênes -, je fens un peu celle
de dehors ; je chafTe de la jambe de dedans , & je
laifTe tomber l’autre très-doucement. Ma rêne de dedans
n’a que très-peu d’aftion, & elle ne fert que
pour 1 enlever du devant ; à moins que le pli ne fe
perde , ou ne diminue trop. Mes aides dominantes
font la rêne de dehors , qui arrête ce côté & fixe fa
maffe fur la jambe de dehors ; & ma jambe de dedans
, qui plie & enlève l’épaule & accélère l’action
'de la jambe du cheval par la contraâion des
miifcles abdominaux, qui, étant touchés , fe contrarient
toujours. Il ne faut pas croire que la rêne
de dehors mène en dedans ; ce n’eft pas fa fonâion :
mais les deux épaules étant déterminées à s’y porter,
cette rêne ne fait que retarder la marche de
l’épaule de dehors. Cela étant fait, la crainte que le
cheval aura de l’éperon de dedans l’engagera à y
porter les hanches, mais fans fe jet-ter fur le jarret
de dedans / parce que ce jarret, dont l’aftion eft
augmentée par ma jambe de ce côté, ne refte pas
longtemps & mouvoir, & il le fait en aXfrnt.
D ’ a i l l e u r s avec le foin de porter toujours la main
oiiVon va , on fait devancer les épaules« On diminue
aufii cet arrondiftement total qui mettoit les
deux bouts dedans, & le cheval eft dans un véritable
équilibre mobile en tous fens : preuve qu’aucun
membre n’eft exceffiyement chargé.
Dans ces. leçons, c’eft la jambe de dedans qui
s’élargit, & qui par eonféquent fait un.e aélion
qu’elle n’avoit pas exécutée jufqu’à préfent. C eft
donc encore un mouvement naturel que nous perfectionnons.
-,
Rien n’eft plus propre que cette leçon a bien faire
eonnoître les-jambes à un cheval; car l’a dion de
celle de dedans, qui ne doit pas le laitier en repos
qu’il ne faffe bien cheminer tout ce côté ^redouble
fon attention , & augmente fes refforts. Tout cheval
peut l’exécuter , mais plus ou moins bien félon
la bonté de fes épaules ; car fi elles font libres , le
derrière eft toujours atièz bon. Avec le temps il fe
placera, & fécondera ainfi le devant.
Comme le propre de cette leçon eft de faire cheminer
le cheval autant en avant que latéralement,
l’animal fatigue moins qu’à aller uniquement de
côté : ainfi on peut la répéter très-fouvent, mais
fans exiger trop à-la-fois. S’il parvient à la bien exé-r
cuter, 011 pourra alors lui faire fuir les talons d’un
mur à l’autre.
Du Travail de côté d'un Talon fur F autre.
Dans la leçon précédente, le cheval, en allant
de côté, gagnoît du terrein en avant, ce qui don-
noit à fes épaules une efpèce de déploiement, en
même temps les jarrets étoient moins de temps
dans l’état de flexion , & tout le reftort étoit
moins longtemps comprimé de fuite. Ici il eft tenu
plus ftriélement fur les hanches : dans la détente
du reffort, il ne pouffe pas la maffe fi en avant,
elle retombe dans le même endroit ; & les épaules ,
après avoir pris la pofition conforme à la direction
qu’on prétend leur donner, n’en changent pas ,
jufqu’à ce qu’on ceffe le travail. Voici comme j’opère.
Après avoir mis le cheval très-droit, je le plie
comme à l’ordinaire : je marque un demi-arrêt ; je
porte avec les deux rênes les épaules un peu en dedans
, afin qu’elles marchent les premières, puis en
animant le cheval, je laifTe tomber mes deux jambes
comme dans la leçon fuivante, avec cette différence
que leurufage principal eft de maintenir
Tanimal dans fon attitude , car elles ne doivent
point accélérer fa marche , puifque l’effet de la
main eft fur tout de rejetter la maffe furie derrière,
en arrêtant le devant , & en lui preferivant la route
qu il doit fuivre. Le premier temps étant bien fait,
tionts. les autres pas fuccèdent aifément avec les
mêmes opérations.
- Si 1 homme ne conferve pas la plus grande régu-
farite , ! aplomb le plus parfait & le fouri’eh le plus:
égal dans fa pofition, il rendra le cheval incertain
& înexaél dans fon travail Le cavalier bien maître
de fon propre équilibre , ménagera la prefiion de
fes ciiifles, car fouvent elles agiflènt trop , & parla
, portent trop en avant ; il s enfuit que Tannnai
ne peut pas s’afïeoir comme il convient pour cette
leçon , qui exige de fa part un équilibre parfait ,
lequel eft perpétué par l’exécution du cavalier è i
par le mouvement des jambes du cheval , qui s’é cartent
peu & font très-vpifines de leur point d’in-
nixion : ce qui fuppofe de fa part une grande f’oii-
pleffe & de la part de l’homme une difpofition -,
dont l’objet foit de foul'ager l’animal par une jufte
répartition de la maffe fur fes appuis. Il le maintient
dans cette jufteffe, par un léger attouchement de
fes jambes, qui ne font que diriger & foutenir.
Souvent la volonté du cheval eft fi grande , qu’il
fe porte trop de côté & trop vîte : alors notre jambe
de dedans acquiert une deflination que nous ne lui
connoifiions pas ; elle arrête le cheval, en la lui fai-
la ne fentir-ferme. Il trouve alors une force qui arrête
fon ardeur, il fe calme, fe replace, & fes
laifTe guider au gré du cavalier. S’il vient à pouffer
les hanches en dedans, & à les faire marcher les
premières, l’aide de la jambe de dedans l’arrête ; &
fi en même temps on porte les deux rênes en dedans
, on y conduit les épaules & l’animal eft:
droit autant qu’il fe peut.
Ce travail doit fe faire de bonne volonté de la
part du cheval : s’il faut le forcer, on ne réuflir»
pas.
Si je veux reporter le cheval fur l’autre talon 9
voici mon procédé.Etant à l’autre main, je le porte
en avant deux pas avec ma jambe de dedans qui
arrête fon. allure de côté ; en même temps je le
redrefTe dans mes deux rênes, je défais- fon pli, je
le replie à l’autre main,. & , én portant les deux
rênes en dedans, je le fais cheminer comme s’il
commençoit la leçon.
C ’eft un bon moyen pour l’accoutumer à être-
attentif,. que de varier le lieu de ce travail, de l’arrêter
, de le reprendre, de le changer de main dans-,
tours les endroits du manège,, afin d’éviter toute
routine. S’il en contra&e , il ne travaille plus que
pour lui , & il oublie les ordres de fon maître.
C ’eft une règle généra*e, que pour changer l’état
de la leçon qu’on donne aéluellement au cheval
, il eft néceftaire de' le redreffer, pour lui donner
une autre difpofition. En e f f e t i l eft obligé
d'arranger fes membres relativement au travail qu’il
exécute : tel ordre convient alors, qui s’oppoferoit
à une opération contraire. JPour l’y conduire , &
même lui faciliter quelque leçon que ce foit, il
convient de le mettre dans la fituation d’où elles-
dérivent tomes : cette pofition eft d’être droit d’épaule
& de hanches ; alors on donne au cheval tel
pli qu’on defire ,.& on le manie avec facilité.
Il eft expédient de changer fouvent ia leçon au
cheval , de le faire paffer d’un travail à un autre,
fans le 1 ailler s’accoutumer à un genre d’exercice r
il s’y endort & perd fon. attention,