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teinture de méchanique ni d’anatomie. Ceux qui
font initiés dans ces fciences, .voient que touts les
mufcles qui meuvenrun membre, quoiqu’avec des
aérions différentes , ont cependant une réfultante
générale à laquelle ils contribuent à proportion de
leur effort; & que le mufcle qui en emploie le
p lu s, donne la qualification au mouvement.. Si
touts les mufcles luttoient également les uns contre
les.autres, le membre feroit dans un état indécis
&£ roi d e , & par conféquent l’effet ne feroit pas
net & précis. Rien de fi dangereux que la roideur ;
lorfqu’elle eft générale , l'homme fe fatigue beaucoup
& n’opère rien ; lorfqn’elle n’eft que locale ,
elle occafionne beaucoup de défordre. On ne peut
remédier à ce mal qu’en divifant les forces , & en
obligeant les parties de fe fléchir beaucoùp.
; Quelques aérions font produites .par la feule pe-
fanteur, par l’abandon d’un membre , fans que les
mufcles agiffent ; mais cela ne peut être de durée ,
caria communication du mouvement a bientôt déplacé
un membre-mobile en tout feris , & qui ne
lauroit oppofer mille réfiftance. D ’autres aérions
font opérées par le reffort, par le choc ou impul-
fion externe d’une partie mobile : quelle que foit
cette aéiion , elle doit toujours avoir une direéiion
d é t e rm in é e .'|
Lorfqu’nn membre fait un mouvement pour fe
porter à un endroit quelconque afin d’y opérer, il
faut un emploi de forces de la part des: mufcles :
il ne peut relier dans cet état fi la même forcé rie
continue pour l’y maintenir; & cette force n’eft
comptée pour rien dans la puiffance que le membre
ainfi placé emploie fur le cheval. Par exemple , je
porte en. avant mon bras droit étendu pour faire
agir la rêne droite; fi j’ai mis 6 livres de forces
pô.ur porter mon bras en avant, & que je n’en
mette que 2 pour l’appliquef au cheval , dé cès 8
livres il n’y en a réellement que 2 pour le cheval.
Lorfque plufieurs articulations contribuent pour
faire une opération fur le cheval, la force réfultante
eft bien plus confidérable que s’il n’y en a
qu’une , parce qu’alors un grand nombre de mufcles
entrent encontraélion , & que le cheval drefîé
& fenfible diftingue & obéit à toutes les puiffances
qui font deftinées à les déterminer. Le trop grand
emploi de forces motrices eft prefque toujours le
défaut de ceux qui travaillent des chevaux. L’animal
Obéit en raifon de la quantité d’aéïiori qui lui
eft communiquée. Si elle eft trop forte, on fe plaint
de fon obéiffance qui contredit quelquefois notre
idée , & on fe plaint à tort : on bat le cheval; on a
foi-même commis la fauté.
Les mufcles font des cordes d’une force étonnante
: mais, malgré l’attention la plus grande pour
connoîtreleur valeur réelle & effeérive, on ne peut
y parvenir. Borelli a donné des idées très-bonnes
fur cette matière, mais il n’a pas cavé au plus fort
dans fes calculs ; car il n’a examiné les mufcles.
qu’indépendamment les uns des autres, & n’a pas
p o s
Calculé ' l’augmentation de leur forcé, occàfionnéè
par leur réunion.
Cette réunion même n’eft pas le feul furçroît de
nos forces efteSives : la fermeté de l’appui que les
os prennent les uns fur les autres >, augmente de
beaucoup la force mufeu 1 aire. Un homme dont le
rein eft mou, n’emploie certainement pas autant de
forces que celui dont le rein eft foutenu : cependant
fi ce dernier n’eft difpofé méchaniquemenr fur le
cheval, il fera .bien moins en forcé , & il aura fur
l’animal beaucoup moins de puiffance:, que celui
dont le rein eft mou, mais dont la pofition feroit
parfaite. C ’eft ce qui fait dire que l’affiette éft le
moyen le plus .déterminant qu’on cm ploie à cheval.
Effeéhvement, dans la véritable àftiefîey tout eft en
place, & touts les mufcles font difpofés le plus convenablement
poffible pour agir à propos. L’affiette
même la plus belle , eft bien plus active fur un cheval
bien dreffé , -par la raifon que la difpofition de
i'animal influe beaucoup fur les forces de l’hommë:
le.cheval bien difpofé eft remué avec des forces
moindres. On ne peut donc fixer la quantité des
forces mufculaires dont l’homme fait l’emploi : on
ne peut que connaître leur rapport avec la difpofition
aéhielle du cneval.
On co.n.noît cependant l’état confiant où doivent
fe trouver les mufcles pour être à portée d’opérer
& de contenir les parties en fitttariori fans donner
un ébranlement fenfible à l’animal, & le point où
ils doivent être pour qu’on puiffe raifonnâble ment
agir. Ce point"éft celui ou touts lés mufcles font
étendus & fe contrebalancent de .manière que le
membre foit difpofé à touts les mouvements fans,
en avoir aucun. Touts l'es antagoniftes réciproquement
doivent agir fans qu’aucun d’eux l’emporte ;
c’eft-là le vrai foütien ; car fi l’un veut déterminer
lë mouvement malgré les autres , il y a de la roi-
deur ; s’ils font touts relâchés, lès membres font
mous & fans fituatïonâ L’état que j’indique éft donc
mitoyen le peu de forcé que les mufcles emploient
pour fe contrebalancer n’éft pas pénible,
& n’a fur le cheval d’autre puiffance que celle que
peut avoir la bonne pofition deThomme auquel
cet état contribue. Les membres & les mufcles ,
ainfi difpofés, paffent fucceffivement & infênfible-
ment de cet état à celui de la forcé convenable
pour opérer j enfôrte que l’homme ne doit avoir
aucune vîteffe de mouvement : fans cela il s’expo-
feroit à une réaérionà laquelle il ne réfifteroit peut-
être pas. Gomme il lui eft aifé d’augmenter pro-
greflivement le degré de fes forces, il rencontré
celui qui a le plus de rapport avec la vîteffe qu’il
defire imprimer au cheval.
Une grande attention à avoir fera de n’employer
que les membres indifpenfables à l’opération. Si
les mouvements du poignet fufEfént J pourquoi
employer ceux de l’avant-bras ? Ce défaut de réflexion
caufe encore de grands défordres. Comme
on doit partir de ce point d’étendue des mufcles
pour agir, de même c’eft à lui qu’on revient ; en
p os
forte qu’il eft une bafe & un principe dont il eft 1
dangereux de s’écarter. • * ' ' ■
Avec ces obfetvations, la pofition fera cont-
tante & fixe : fans elles , les vrais moyens d'operer
iufle feront difficilement connus y& o n n y pourra
parvenir que par une longue étude que la réflexion
âbrégeroit.
Pratique.
, Un homme sût-il -touts les principes que nous
venons d’expofer , eût-il lu touts les livres de cavalerie
, & connût-il les penfées des excellents
écuyers, il prètehdroit envain exécuter, fi on ne
lùi i jriontré à le faire fi on ne lui.a enfeigné les
procédés les plus propres à mettre en pratique les
meilleures, inftruéhons. '
. Nos corps font tellement conftruits , que maigre
la poffibilité- phyfique de touts nos mouvements ,
nous ne les exécutons à propos que par habitude &
par des études particulières : nos membres , pour
acquérir.la foupleffe convenable, ont befoin d’être
exercés ; & un.bon maître doit nous diriger, même
dans des travaux fur lefquels nous avons des con-
noiffances. Le coup-d’oeil & l’expérience du maître
lui fbiitchoifir le procédé le plus prompt; iLremédie
à des . défauts dont nous ne nous doutons pas :
un feul mot .de fa bouche nous abrège des jouir
nées de peine.
. Les articulations de nos membres font renferm
é e s dans les:.ligaments capfulaires qui bornent
leurs mouvements : la répétition fréquente de c|s
mouvements;, qui: conftitue vraiement l'habitude ,
les ..rend, .fewls atfés:& libres : l’homme fubit donc
une efpècè de diûocation avant que de pouvoir être
bien placé & opérer convenablement.
Les fibres de nos mufcles fe tiennent ferrés &
en faifeeaux compaéts & inhabiles à recevoir les
efprits vitaux, fi notre volonté , fou vent agiffante
ne pbrte. ces efprits dans nos mufcles, & n’accoutume
ceux-ci à les recevoir fans peine & dans la
quantité qu’il lui pl.aît de les y envoyer. L’homme
a donc befoin d’acquérir cette liberté ce n eft
que par. là pratiqué même qu’il peut y parvenir.
Nous fomm.es mal fervis d’abord par nos membres ;
la fujétion dans laquelle nous la tenons , les rend
plus fouples & plus dociles. .
Premiers Principes.
Un-jeune homme bien fa it, d’une bonne confti-
tution , d’un âge où les épiphyfes font à peine devenues
apophyfes , bien élevé, ayant de la pénétration
, & joignant à cela des idées fur les différentes
fciences qui. peuvent être avantageufes au
cavalier, feroit affurément l’élève que je choifirois
de préférence. Je me plairais à l’infiruire. en lui
faifant comprendre les raifons des principes que je
lui donnerois , leur ufa.ge , leur étendue ; je reglé-
rois fes mouvements ; je lui ferois connoître'leurs
effets & la manière de les former ; en un mot 9 je
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travaillerois fo'n intelligence au moins autant que
fon corps.
Cette méthode feroit, à ce que je crois , la plus
courte. Mais, pour la mettre en ufage, il ne fau-
droit qu’un petit nombre d’é’èves. Elle ne peut
donc convenir aux écoles publiquesoù le grand
nombre de fujets empêche qu’on ne les fuiveavec
cette exaélitude. On fe borne à leur faire exécuter
Amplement des principes que le temps leur développe
; & on attend que le raifônnement naiffe des
fenfations qu’ils ont éprouvées : on exige d’eux une
obéiffance entière. Heureux ceux que le fort fait
tomber en bonne main, & qui ne s’égarent pas
avant que d’avoir fu marcher.
On trouve dans la Guérinière la manière de s’y
prendre pour monter à cheval : elle eft bien décrite.
Dans prefque toutes les écoles on donne cette
première leçon aux élèves ; on la leur fait répéter
affez pour qu’ils la fâchent bien. Elle n’eft pas à
négliger : dans beaucoup d’ôccafions la sûreté en
dépend. Cela fait, on les impofeaffez ordinairement
fur l’animal fans leur rien dire; puis on les fait
trotter à la longe, en les reprenant fur les fautes
-qu’ils commettent, contre des principes qu’on né
leur a pas expliqués. Tantôt on les fait trotter fur
des ch.evaux très-.durs, tantôt on emploie des chevaux
bien doux & trèsTages.
Je. ne faurois blâmer fa longe ; c’eft une bonne
leçon affurément : mais il y a bien des obfervarions
à faire. Le travail fur des cercles eft très-difficile
pour l’homme & pour le cheval; l’accord entré les
deux individus n’éxjiftë: qu’avec peine.: cependant
c’eft-par-lai qu’on commence. Le cheval cherche
toujours à fuiVré la ligne dr oite , que fuit tour corps
ën mouvement; on veut néanmoins le maintenir
fans ceffe fur lé cercle : l’homme n’eft pas affez habile
pour l’y remettre'; le cheval eft donc de t'ra?
vers , & l’hopime auffi par conféquent. Ainfi on
donne une leçon faùffe , pour paryenir à mettre
l'homme de travers. Si le cheval va v ite , l’homme,
roide & fans aucune teinture de l’art, craint de
tomber , fe foidît encore plus, & quelquefois tombe
réellement, parce que là réàélion eft confidérable
dans deux corps élaftiques. Lorfque l’élève eft
roide, il fe roidit davantage ; s’il eft mou il ne
j fauroit réfifte.r à la quantité de mouvements qu’il
reçoit. On lui crie en vain , relâchez-vous, foute-
nez-vous. Ce font desf termes inconnus pour lui ;
il craipt, & il cherche fa fureté comme il peut.
On a même pouffé cette leçon plus loin : on a fait
trotter des. dèmi-heures entières à toutes jambes.
Quelles douleurs n’occafionne-t-on pas à l’homme
l quellè incommodité ! La foibleftè, iriféparable
de la fatigue, l’oblige à fe roidir ; la dureté du trot
le fait fauter continuellement fur la felle ; les in-
teftins même font fecôués avec violence ; les poumons
font en fouffrance; l’homme éprouve de
grands maux de tête; il gagne quelquefois des
defeentes.
L’expériçaeç tBalheiireufe de ces accidents ne