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eft pas aufli parfait. Sa perfeéfion même dépend
dè la tenfion des nejfs Sc de l’état aftuel de l’animal.
Un cheval fatigué & malade a le fens du toucher
moins délicat que dans l’état de famé & d’un
exercice modéré.
L’irritabilité trop grande du fens du toucher ,
rend l’animal chatouilleux. Le chatouillement tient
du plaifir dont il eft l ’extrême, & de la douleur
dont il eft comme le premier degré. En toute oc-
cafion , dans l’équitation , il eft très-incommode au
cheval; & fouvent même lorfqu’on ne fait que
frotter fa peau au lieu d’y porter un aide bien
franche & bien décidée , il fe défend & devient
rétif par l’incommodité qu’il reffent. Le chatouillement
au refte n’eft tel que lorfqu’il y a de l'intervalle
entre les petits cpntaéls des corps fur la
peau ; car fi ce taéleft continu , quoique léger, il
n’eft point incommode. Cela eft bien effentiel à remarquer
pour bien connoître la valeur des opérations
des jambes à cheval. Si le contaél eft affez dur
pour léfer les houpes nerveufes de la peau , il en
réfulte une douleur plus ou moins confidérable ,
que l’animal cherche à éviter en fuyant ou en cédant
au corps qui le touche. Un attouchement doux
& modéré le flatte & lui fait plaifir.
C ’eft en employant, félon les circonftances ou
Je befoin, ces deux fenfations oppofées , qu’on
vient à bout de dreffer le cheval ; car il eft toujours
guidé par le fentiment : c’eft à nous à le rendre
parfait par l’exercice ; mais de manière qu’il
n’y ait pas d’excès : car alors le cheval eft incommode
& prefque toujours inquiet.
Les ébranlements que les nerfs éprouvent font
agréables ou défagréables au cheval, félon qu’ils
font conformes , ou contraires à la nature. Les
différentes impreflions que reçoit le cheval, font
tranfmifes à fon cerveau, qui en eft comme le dé-
pofitaire, & ils y fubfiftent plus longtemps que
dans les fens ; enforte que l’animal fe rappelle ces
différentes fenfations très - aifément, dès que le
plus petit objet les lui retrace. Mais la durée de
î’exiftence de ces impreffions eft proportionnée à
celle de l’ébranlement & à fa vivacité. Ainfi les
aides les plus décidées rendent le cheval prompt
dans fon obéiflànce, & fixent fon attention , parce
que le cerveau eft ébranlé fortement. Un ébranlement
trop v if le fait fouffrir ; il craint de l’éprouver
, & il obéît par à-coup, croyant par là éviter la
douleur : delà tant de défordres qu’on pourroit
épargner à l’animal en le flattant avec douceur Si
tranquillité.
La répétition d’un même ébranlement fortifie la
mémoire du cheval, parce que les traces deviennent
plus profondes dans fon cerveau: & travailler
fur fon entendement n’eft autre chofe que répéter
les aâes qui le conduifent à faire les mouvements
que nous défirons, jufqu’à ce que l’ébranlement
ait affez affeâé le fens intérieur ou le cerveau ,
pour que rimpreflion fe renouvelle au moindre
ïgnal.
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La capacité du cerveau Sc l’étendue des nerfs font I
que l’animal peut recevoir fuccefîivement Si con- I
ferver diverfes fenfations qu’on lui fait éprouver » I
&;, lorfque le cerveau eft plein de ces fenfations I
l’animal opère machinalement les aéfions quecha-1
cune d’elles excite. C ’eft donc à nous à les opérer I
comme nous le jugeons à propos, mais de manière I
que jamais nous n’excitions une fenfation pour I
obtenir par elle un mouvement qu’elle ne peut I
produire , & que nous ne mêlions pas des fenfa- I
tions qui produiroient des aâions oppofées entre I
elles , Sc qui ruineroient l’animal.
La perfévérance dans les mêmes fenfations con* I
firme les chevaux : la variété trouble leur tête, I
Lorfque nous apprenons quelque chofe de nou. I
veau au cheval , l’ébranlement doit être répété I
longtemps avant qu’il ait pénétré fortement le cer-1
veau ; Sc ce n’eft qu’alors que l’animal obéit libre-1
ment. Il eft même quelquefois néceffaire de lui I
faire fentir de la douleur , afin de l ’obliger à faire I
attention, & à fe rappeller la leçon précédente au I
lieu de celle dont il s’agit.
Ces différentes affermons font autant d’axiomes I
qu’on doit toujours avoir préfents lorfqu’on tra-1
vaille le cheval ; ils font comme la bafe de nos I
aides : on ne peut travailler fur la nature * fi on I
ignore fes procédés.
La bouche Sc les flancs du cheval font les parties I
fur lefquelles nous agiflons le plus immédiatement!
pour exciter le fens du toucher: c’eft donc enl
cherchant les moyens de les employer convena-I
blement, que nous abrégerons nos travaux, & que |
nous accélérerons fon inftruâion.
De la bouche du cheval ,6» de la fenfibilitê des barres, I
Toutes les parties de notre art font liées entre!
elles; & nul n’en peut comprendre une, s’il n’aI
une connoiffance fufEfante des autres : c’eft pour!
cela qu’il eft fi difficile de bien raifonner fur lai
bouche des chevaux. Il y a peu de gens en effet!
qui aient fenti par expérience ce que devient lai
bouche du cheval entre les mains de l’écuyer, &|
moins encore qui foumettent leur pratique auxf
principes d’une bonne phyfique.
L ’effet du mors ne fe détermine pas uniquement!
par la conftrudion de la bouche du cheval & par I
la fenfibilitê; mais bien plus , par le rapport de fesl
membres entre eux , par le méchanifme de fesl
aflions, & par l’équilibre que le derrière & le de-1
vant ont acquis dans l’exercice d’une bonne école. I
Je fuis perfuadé , vu la compofition des parties I
qui forment la bouche du cheval, que les barres I
font d’une fenfibilitê extrême, & que la moindre!
preflion fur cet endroit y caufe une vive douleiq. I
La barre eft compofée, comme on l’a déjà d it ,
d’un os , d’un périofte, & d’un prolongement des
gencives. Je compare la fenfibilitê de la barre à
celle de nos jambes; fi la moindre chofe frappe la
partie antérieure du tibia , quelle douleur n’éprou*
vons-nous pas l U eft clair que le périofte étant peu
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[revêtu, le choc des corps étrangers l’affeéld (dûs
[fortement. Il en eft de même du périofte de la
[barre du cheval, & fans doute la fenfation eft la
[même.
[ Gomme la nature a mis des nuances & des variations
dans les formes de touts les corps de la
Imême claffe > les barres de touts les chevaux ne
|fe reffemblent point ; Sc quoique compofees égalé-
[ment, la fenfibilitê varie comme les formes, parce
[que l’accès eft plus difficile à la douleur dans les
[unes , Sc que les autres font affeâées^ plus promptement.
Si la barre eft tranchante, élevée Sc peu
■ couverte de chair, alors le périofte n’étant pas dépendu,
une légère preflion du mors y excite une
»fenfation fuffifante : fi au contraire elle eft ronde ,
lenfoncée Sc charnue , on parvient avec peine à
»pérer fur elle la fenfation requife. La partie fenfi-
able de la barre n’a pas toujours la même direétion,
Wn conformation varie : mais c’eft toujours le tranchant
qui renferme la portion la plus délicate.
C Les jeunes chevaux n’ont pas la bouche plus fen-
Iffble que dans 1 âge plus avancé : s’ils refufent le
mors en commençant, & s’ils le goûtent dans la
nuitéf, cela ne vient nullement du fond de la bou-
iche. C’eft par la douleur fingulière qu’on fait éprou-
Iver au cheval au moyen de la preflion du mors,
Ifqu’on parvient à le dreffer : mais il faut fçavoir em-
iployer à propos cette fenfation. Si pour arrêter lat
ffougue d’un poulain on fe fervoit de cet infiniment,
ila douleur feroit fi vive, que l’animal, ne pouvant
■ la fupporter, fe jetteroit, pour l’éviter, dans de
Brès-grands défordres : auîfi le garde-t-on de l’affu-
ffiettir avec le mors. Devenu plus fort & plus fouple,
pl le reçoit avec moins de peine, parce qu’il peut
iéviter la douleur par l'obéi (Tance. Enfin , lorfqu’il
left bien dreffé , il le goûte & fe plaît à le mâcher,
Iparce qu’il n’en éprouve aucune peine : en voici la
ïraifon.
I L’animal, encore brut, veut éviter la douleur, &
Jpour cela il fait des efforts & fe rejette fur une
■ partie éloignée & oppofée à cette douleur. S’il a la
/fiorce & la faculté de fe tenir dans l’attitude où la
|fenfation l’oblige à,, de fe mettre, il s’y tient, &
lalors, il ne fouffre pas: mais ce n’eft que par art
■ qu’on parvient à l’y difpofer. Si, au contraire ,
Ipar ignorance ou par foibleffe , il ne peut fuir la
Ppreflion du mors , il fe défefpère, & faittout ce
fqu’il peut pour forcer l’homme à lâcher prife. Ainfi,
■ pourvu que la barre foit fenfible, on peut tirer
} d’elle tout le fecours qu’elle peut fournir pour dref-
ïfer un cheval.
i r Cependant, fi la barre étoit trop aigue , la fen-
| fibilitè feroit alors trop grande, & elle deviendroit
l'incommode à l’homme, par la difficulté d’avoir la
I main affez légère pour foulager le cheval. Si, par un
I excès eppofé, la barre eft infenfible, il en coûte
I trop pour y exciter de la douleur, & pour guider
I I animal. On peut remédier au premier vice par le
| travail : car une preflion continue amortit le fenti-
I ment, ou .du moins rend le c h e v a l plus difpofé à
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fupporter la douleur. Dans le fécond cas , on y remédie
par la force du mors. Mais on doit chercher
dès bouches qui tiennent un milieu entre ces deux
qualités; enforte que par l’ufage elles deviennent
veloutées Sc agréables à la main de l’homme.
De la pofition du Mors.
Le mors excite de la douleur lorfqu’il eft mis
en aélion par l’homme : l’animal évite cette douleur
s’il le peut ; & il le peut toujours lorfque le
cavalier travaille doucement & fans précipitation ,
en paffant par les degrés de preflion les plus imperceptibles
: c ’eft ce qu’on appelle avoir la main
douce.
Si le mors en lui-même & dans l’état de repos,
! excitoit de la douleur, le cheval ne le recevroit pas 9
; Sc fe défefpéreroit, même avant que de travailler.
Pour l’engager à le fupporter, il faut donc que le
mors foit le plus léger poflible, afin qu’il charge
moins la barre ; qu’il pofe également, enforte qu’un
côté ne foit pas chargé plus que l’autre ; qu’il foit
affuré, mais fans trop de jufteffe, afin de ne point
contraindre les parties , Sc qu’il ne vacille pas, ce
qui- feroit varier les effets, Sc. donneroit de l’incertitude
au cheval : enfin le point d’appui du mors
doit porter jufte fur la partie la plus fenfible de la
bouche ; ce fera un moyen de s’affurer de fon
effet Sc de le rendre prompt Sc d’une grande valeur.
Cette règle fouffrira des exceptions : dans les
bouches trop délicates, en épargnant le tranchant
de leurs barres, on pourra venir à bout de leur
donner de l’appui. On dit qu’une bouche a de l’appui
lorfqu’elle fupporte l’affuré de la main de l’homme
, & conféquemment une preflion affez forte
du mors fur les barres. L’habitude, & l ’exercice
bien entendu, donnent cette perfeéfion aux bons
chevaux.
• Il ne s’agit pas d’ajufter feulement le canon du
mors félon nos principes , on doit auffi penfer à la
gourmette. Elle fera pofée en bon lieu, c’eft-à-dire,
fur la barbe, affez jufte pour ne pointbalotter, &
pas trop pour écorcher le cheval. Si la barbe eft trop
fenfible, on couvre la gourmette d’un feutre ou
d’un cuir. Souvent la barbe étant écorchée, le che~
val fe défoie, & n’obéit pas avec précifion : car
cette partie a quelquefois une grande fenfibilitê.
Des effets du Mors,
Le cheval éprouve de la douleur au point où le
mors comprime fes barres, Si la force de la comprefi
fion eft la mefure de cette douleur, qu’il fuit avec
une promptitude proportionnée à fon intenfité , &
dans la direéfion du point du contaél qui lui eft
douloureux. Dans le cas où plusieurs points éprouvent
de la douleur , il fuit le plus grand m^l, fans
cependant réfifter au moindre ; enforte que s’il eft
libre, c’eft-à-dire mené avec art, il obéit à tontes
les impreflions, félon le degré de chacune : car il