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d’abaiffer promptement la jambe que l’on tient élevée
, 8c de prendre l’autre de la manière que je
.viens d’indiquer.
Manière de nager comme les chiens.
Si l’on fe trouve fur un fond couvert d’herbes ,
on ne peut guères fe tirer impunément d’un pas fi
dangereux , qu’en nageant comme les chiens. Cette
manière , qui paroît fort difficile au premier coup-
d’ocil, éd pourtant fortaifée à apprendre. Il arrive
même que ceux qui ne favent pas nager, s’élèvent
au-deffus de l’eau , & s’y foutiennent lorfqu’ilsfont
affez heureux pour rencontrer cette pofition fans
y penfer. St vous voulez nager ainii, élevez 8c
abaiffez fucceffivement un peu les deux mains l’une
api'ès l’autre» Faites-en autan,t des pieds, avec cette
différence néanmoins que les mains doivent vous
fervir à attirer l’eau vers vous, 8c les pieds à la re-
houffer. Vos mouvements doiyent commencer par
la main droite & le pied droit, enfuite par les deux
autres membres oppofés, 8c ainfi fuçcemyenjent.
Manière de battre l’ eau.
Si vous nagez fur le d o s , vous pouvez battre
l’eau avec fracas chaque fois que vous étendez les
jambes. Ceux qui y réuffiffenf le mieux dans cette
pfpèce d’amufement , approchent le menton de
leur poitrine. Il y en a qui , indépendamment de
çette difpofition , élèvent la jambe plus haut, frappent
fucceffivement des deux jambes chaque fois
qu’ils les étendent , 8ç tournent en même temps
tout le corps. Cette manière eft la plus agréable &
la plus lefte. Pour y réuffir parfaitement, il faut tenir
tout le corps fort étendu fur ie dos, enfler la
poitrine, 8c la foutenir prefque hors d£ l’eau, &
la paume des mains étendue 8c tournée vers le
fond. Çe font les mains qui doiyent foutenir le
corps /tandis que l’on étend les jambes. Vous pouvez
battre l’eau 8c vous tourner en même temps.
En ce cas, fi votre jambe droite fe trouve élevée,
vous i’abaifferez d’abord pour frapper J’eay. Au
même inftant vous éleverez la gauche , $c par un
même mouvement, vous ferez faire à votre corps
un tour complet. Cette agilité qui caraâérife un
bon nageur, peut vous feryir en plusieurs circonf-
tances où vous vous trouverez embarraffé. Vous
pouvez encore exécuter dans cet état le faut de
fa chèvre. J’appelle ainfi cette manière, parce qu’en
Ja pratiquant on bat plufieurs fois l’eau des pieds
comme les chèvres font la terre. Ne vous y engagez
pas fi vous n’avez du courage, de la force &
de l’expérience. Ayez foin de vous tenir la poitrine
enflée. Enfuite, battez des deux mains deux ou
trois fois & â courtes reprifes, l’eau qui vpus preffe
les flancs. Vous la battrez avec plus de viplence &
de fracas la dernière fois que les autres. En comprimant
ainfi l’eau des mains , vous éleverez les
deux jambes , avec la précaution de les faire gljffer
l’une après l’autre ayant de les laiffer retomber fur
l ’eau comme font ceux qui cabriolent. Cette ma-
N a g e r .
nière eft la plus difficile de toutes celles que je
pourrois vous apprendre , & fi vous parvenez jamais
à la remplir avec dextérité, vous pourrez vous
vanter d’avoir atteint au plus haut période de l’art
de nager.
Manière de fe jouer <£un pied.
Ne penfez pas que touts ces rafinéments , toutes
ces efpèces de tours de force que je vous indique
ic i , n’aient que le pur agrément pour objet..Chacune
de ces manières de nager offre une utilité particulière
, dans cette foule de preffans dangers
auxquels nous pouvons nous trouver expofés. Celui
, par exemple , qui fait jouer habilement du
pied en nageant, fe rend, en quelque forte, maître
de l’élément qui le fupporte, 8c fe débarraffe avec
dextérité des herbes qui s’offrent à chaque pas fur
fa route , lorfqu’il a une longue carrière à parcourir.
L’art d’y réuffir eft fort fimple. Il ne confifte
qu’à tourner, tantôt à droite, tantôt à gauche, & en
fe preffant le menton contre le cou. Pour remplir
avec fuccès cette évolution , il faut enfler la pol-,
trine, étendre parfaitement la paume des mains ,
la tourner vers le lit de la rivière, 8c appuyer la
jambe libre fur l’eau. Si vous négligiez toutes ce9
précautions, votre tête fe précipïteroit au fond, 8ç
vous feroit perdre votre équilibre.
Manière de montrer les deux pieds en nageant.
Un bon nageur brave les fureurs de la mer , chemine
avec autant de fécurité fur l’eau que fur la
terre , & fe fait un jeu de tout ce qui paroît formi-;
dable^ quiconque ne connoît pas ce fougueux élément.
Les deux pieds qui fervent communément à
nous conferver l’équilibre fur l’eau, il peut les fou-
tenir au-deffus de la furface, avancer ou demeurer
en repos dans cette pofture, & rouler, pour ainfi
dire , impunément parmi les flots. Si vous voulez
* effayer cette manière, mettez-vous fur le dos, que
vous réduirez en forme convexe; placez vos mains
fur le ventre, les paumes étendues ; rapprochez-
les 8c les éloignez fucceffivement comme des rames,
& tout votre corps fe foutiendra fur l’eau ,
tandis que vos pieds feront élevés vers le ciel. Cette
manière pourrôit fervir à ceux qui, s’étant heurté
les pieds au fond de l’eau contre quelques corps
durs , youdroient favoir quelle feroit la plaie qu’ils
s’y feroient faite.
Manière de nager la jambe élevée.
Cette manière de nager vous paroîtra peut-être
la même que la précédente. Elle eft cependant entièrement
différente. Tandis que l’on tient une
jambe élevée, il faut que les mains, des deux côtés
du corps, embràffent 8c ramaffent les eaux , les
abaiffent 8c s’appuient fur elles , tandis que l’autre
, jambe, levée à demi, bat 8c preffe l’eau à courtes
reprifes. Cette manière offre une utilité auffi réelle
qu’aucune autre de celles que je vous ai enfeignées
• ' jufqu ici*
jufqu’tch Elle VOUS donnera les moyens de tranl-
porcer, d’un bord de la rivière à l’autre , tout ce
que vous jugerez à propos d’attacher au gros doigt
du pied , pourvu que le pied ne fort pas .affez fort
pour vous faire perdre votre équilibre.
Manière de nager les mains élevées•
Cette manière vous permettra beaucoup mieux i
encore que la précédente , de vous charger de ce
qui vous fera néceffaire fur l ’antre bord de la r i- .
vière que vous voulez paffer à la nage. Pour la remplir
avec, fuccès , élevez la poitrine, 8c latenez
toujours enflée le plus que vous pourrez, tandis
que vous foutiendrezles bras hors de l’eau. Je vous
préviens que cette pofition n’eft pas fans inconvénient
pour un néophite. Car fi vous refferriez imprudemment
la poitrine lorfque vous élevez les
bras , votre corps, emporté par fon propre poids ,
iroit au fond de i’eau ; & cette cataftrophe, propre
À vous faire perdre la tète, pourroit vous mettre en
.danger de périr.
Manière-de nager le menton tendut
I l eft auffi une façon de demeurer tout debout
•dans l’eau ; & cette manière eft infiniment fupé-
rieure à toutes les précédentes. Pour bien l’entendre.,
fouvenez-vous que , quand vous nagez fur le
■ dos, vous pouvez demeurer dans l’inaélion , les
jambes étendues. Lorfque vous êtes dans cette pof-
rure, laiffez aller vos jambes en bas , jufqu’à ce
qu’èües foient perpendiculaires au lit de la mer.
Raccourciffez-les enfuite, en pliant les genoux &
en enflant la poitrine. Quant à vos mains, vous
les fixerez fur vos épaules , les paumes tournées
vers le fond, & les doigts joints l’un contre Tau -
ire. Il eft effentiej enfuite de les étendre & de les
refferrer fucceffivement des deux côtés ; 8c vous
« ’oublierez pas fur-tout d’é levèr, le plus que vous
le pourrez, le menton vers le ciel. Cette manière ,
dont l’exécution eft fort difficile, pourra vous être
d’une grande utilité lorfque vous 'vous y ferez
formé. S i , par exemple, la glace venoit à s’ouvrir
fous vos pieds , en formant une efpèce de puits ,
ce ne fferoit qu’à l’aide d’une telle manoeuvre que
vous pourriez vous tirer des bras delà mort. Elle
ne vous feroit pas non plus inutile , fi vous vous
trouviez forcé à vous précipiter dans quelque rivière
pendant l’obfcurité , pour fauver votre vie.
Car vous pourriez y demeurer ainfi toute une nuit
fans faire aucun bruit, & attendre que le jour vous
fournît les moyens de gagner la rive.
Je connois encore une autre manière de fe tenir
tout droit dans l’eau ,& qui s’exécute en comprimant
les eaux 8c fans faire aucun ufage defes mains.
En cette occafion , on enveloppe l’eau avec les jambes
, en les remuant en forme circulaire & eh dehors
, l’une après l’autre , avec la précaution de tenir
la plante des pieds toujours tournée vers le
fond. Cette manière , qui nous laiffe les mains en
pleine liberté, nous feroit d’un grand fecours, fi
Equitation, Efcrime 6* Dan Je,
l’on venoit à nous précipiter dans la mer les pieds
& les mains liés. D ’ailleurs, une armée qui l’em-
pîoyeroit enfuyant, pourroit fe défendre, & repouffer
en nageant les traits dont un ennemi vi&a-
rieDxvoudroitl accabler.il faut néanmoins obfer-
ver qu’il feroit imprudent de nager ainfi dans les
fonds vafeux ou tapiffés d’herbes, à moins que la
néceffité ne nous y obligeât. Dans ces circonftan-
ces, il eft effentiel d’employer toutes fes forces 8c
toutes les reffources de fa r t , pour éviter le danger
dont une foule de téméraires font fans ceffe la
viélime. Cependant s’il arrivoit que vos deux jambes
fe trouvaffent liées par des herbes, mettez-
vous auffitôt fur le dos , les bras croifés & en repos
fur votre poitrine ; & en battant ainfi des deux
jambes 8c en les élevant fucceffivement, vous pourrez
atteindre au rivage.
Manière de r amp ci dans Peau.
L’art intéreffant de ramper dans l’eau, pourra
vous être auffi d’un grand fecours pour vous tirer
des herbes qui forment un obftacle à votre paflâge.
Si vous voulez le mettre en ufage , couchez-vous
fur le ventre , 8c jettez doucement vos mains en
devant, & vos pieds en arrière , joints enfemble.
Vous avancerez ainfi , en étendant les bras & les
mains le plùs loin de la poitrine que vous le pourrez,
& la paume des rhains un peu recourbée 8c
tournée vers le fond. S i, en cet état, vous attirez
vers votre poitrine les eaux qui vous précèdent;
vous donnerez à votre corps l'e temps de fe préparer:
à avancer davantage , & à. fe débarraffer des
herbes. Cette évolution exige cependant beaucoup
de prudence 8c de circonfpeéUon. Car fi vous vous
preffez trop à l’exécuter, cette précipitation , loin
de vous tirer du danger, ne fera que vous y plonger
de nouveau. Au lieu de vous dégager des
herbes qui vous retiennent , vous multiplierez
les inftruments de votre captivité ; 8c vous vous
trouverez ainfi enveloppé avec tant d’art, que touts
vos efforts ne ferviront qu’à vous faire périr dans
cet affreux labyrinthe.
Manière de s‘ajfeoir dans Peau.
On l’a déjà d it, les bons nageurs , maîtres de
l'élément, dont ils ont étudié les loix * fe jouent de
fes caprices. Tantôt ils fe promènent fur l’eau, tantôt
ils. y demeurent debout ; quelquefois on les
voit étendus fur fa furface ; fou vent ils y font affis ,
& exécutent dans cette pofture différents mouvements
dont ils ne pourroient même venir à bout
fur la terre. Pour s’affeoir fur les eaux , il faut s’em-
braffer les deux jambes avec les mains, s’enfler la
poitrine, tenir la tête ferme Sc haute , 8c élever
fucceffivement les jambes 8c les bras. Cette manière
, qui vous paroîtra peut être frivole , n’eft
pourtant pas fans quelque utilité. Par e lle , vous
pourrez vous débarraffer des herbes, écueil funefle
contre lequel vous ne fauriez trop vous prémunir.
Elle fe prèfentera auffi fort à propos , lorfque vous