
240 P O S
bien obfervé ; & que les mouvements du càValîer
foienr fi fubtils , qu’ils fervent plus à embellir fon
afiiette qu’à paroître aider fon cheval. Cette belle
partie ayant été négligée, & la nonchalance jointe
à un certain air de molleffe , ayant fuccédé à l’attention
qu’on avoit autrefois pour acquérir 8c pour
conferver cette belle afiiette , qui charme les yeux
des fpeâateurs, & relève infiniment le mérite d’un
beau cheval, il n’efi point étonnant que la cavalerie
ait tant perdu de fon ancien luftre.
Avant que de monter un cheval, il faut vifiter
d’ un coup-d’oeil tout fon équipage : cette attention,
qui eft l’affaire d’un moment, eft abfolument né-
ceffaire pour éviter les inconvénients qui peuvent
arriver à ceux qui négligent ce petit foin. Il faut
d’abord voir fi la fougorge n’efi point trop ferrée ,
ce qui empêcheroit la refpiration du cheval ; fi la
muferole n’eft point trop lâche ; car il faut, au contraire
,- qu’elle foit un peu ferrée , tant pour la propreté
que pour empêcher certains chevaux d’ouvrir
la bouche, 8c pour prévenir dans d’autres le défaut
qu’ils ©nt de mordre à la botte. Il faut enfuite
voir fi le mors n’efi point trop haut, ce qui feroit
froncer les lèvres , ou trop bas, ce qui le feroit
porter fur les crochets ; fi la felle n’efi point trop
avant ; car outre le danger d’eftropier un cheval
fur ie garot, on lui empêcheroit le mouvement des
épaules ;fi les fangles ne font point trop lâches, ce
qui feroit tourner la felle ; ou fi elles ne font point
tendues, d’où il arrive fouvent de fâcheux accidents.
Il y a , par exemple , certains chevaux qui
s’enflent tellement le ventre par-malice, en retenant
leur haleine lorfqu’on veut les fangler, qu’à
grande peine les fangles peuvent approcher des
contre-fanglots ; il y en a d’autres qui, fi on les
monte dès qu’ils font fanglés, -ont. la dangereufe
habitude d’eflayer , en fautant, de caffer leurs fangles
, & quelquefois même de fie renverfer. Pour
corriger ces défauts, on les tient fanglés dans l’écurie
quelque temps avant de les monter, & on
les fait trotter en main quelques pas. Il faut aufli
voir fi le poitrail eft au-deflùs de la jointure des
épaules ; car s’il étoit trop bas , il en empêcheroit
le mouvement ; & enfin fi la croupière eft d’une
jufte mefure ; ni trop lâche , ce qui feroit tomber
la felle en avant ; ni trop courte , ce qui écorche-
roit le cheval fous la queue, & lui feroit faire des
fauts 8c des ruades très-incommodes.
Après avoir fait ce petit examen , il faut’s’appro- i
c h e r près de l’épaule gauche du cheval,non-feulement
pour être à portée de monter facilement défi
fus , mais pour éviter de recevoir un coup de
pied , foit' avec la jambe de devant, fi on étoit vis-
à-vis de l’encolure , foit avec celle de derrière, fi
on étoit placé vis-à-vis du ventre. Il faut enfuite ,
prendre le. bout des rênes avec la main droite ,
pour voir fi elles ne font point à l’envers ni détournées
; 8c en ce, cas , il faudroit les remettre
fur leur plat, en tournant le touret du bas de la
branche. Il faut tenir la gaulela pointe en.bas dans
p o s
la Main gauche, & de la même main prendre les
rênes un peu longues de peur d’accident, avec une
poignée de crin près du garot, 8c bien ferrer, ces
trois chofes. Il faut enfuite avec la main droite
prendre le bas de l’étrivière près de l’étrier, tourner
l’étrivière du côté du plat du cuir, enfuite on
met le pied gauche à l ’étrier, on porte la main
droite fur l’arçon de derrière, on s’élève au-deffùs
de la fe lle , en pafîant la jambe droite étendue juf.
qu’a la pointe du pied ; 8c enfin on entre dans la
(elle en fe tenant le corps droit. Toute cette fuite
d’aélion , qui eft plus longue à décrire qu’à exécuter
, doit fe faire avec beaucoup de grâce , de
promptitude 8c de légèreté, afin de ne pas tomber
dans le cas de certains cavaliers , qui affeâent un
air de fuffifance dans la pratique de chofes qui,
quand on les fait faire une fois, font très-faciles 6c.
très-fimples, mais néceflaires.
Lorfqu’on eft en felle, il faut paffer la gaule dans
la main droite], la pointe en haut ; avec la même
main , prendre le bout des rênes pour les tenir
égales , enfuite les ajufter dans la main gauche, en
les féparant avec le petit doigt de la même main
renfermer le bout des doigts dans le creux de la
main, 8c étendre le pouce par-deflùs les rênes, afin
de les afîùrer 8c de les empêcher de couler de la
main.
La main de la bride gouverne l’avant-main. Elle
doit être placée au-deflùs du col du cheval, ni en
dedans ni en dehors , à la hauteur du coude, deux
doigts au-deflùs, 8c plus avant que le pommeau de
la felle, afin qu’il n’empêche pas l’effet des rênes ;
elle doit être par conséquent détachée du corps
& éloignée de l’eftomae , avec les ongles un peu
tournés en deflùs, vis-à-vis du ventre , 8c le poignet
un peu arrondi. Nous parlerons dans l’article
fuivant des effets de la main de la bride , laquelle
mérite une explication particulière.
La main droite doit être placée à la hauteur &i
près de la main gauche, quand on mène un cheval
les rênes égales ; mais lorfqu’on fe fert de la rêne
droite pour le plier avec la main droite, il faut
qu’elle foit plus baffe que la main gauche, 8c plus
près de la bâte de la felle.
Immédiatement après avoir placé la main de la
bride, il faut s’affeoir jufle dans le milieu de la
felle, la ceinture 8c les feffes avancées, afin de
n’être point aflis près de l’arçon de derrière ; il
faut tenir fes reins pliés 8c fermes, pour réfifter au
mouvement du cheval.
M. le duc de Newcaflle dit qu’un cavalier doit
avoir deux parties mobiles 8c une immobile. Les
premières font le corps- jufqu’au défaut de la ceinture
, 8c les jambes, depuis les genoux jufqu’aux
pieds; l’autre eft depuis la ceinture jufqu’aux genoux.
Suivant ce principe , les parties mobiles
d’en-haut font la tête, les épaules 8c_ les bras. La
tête doit être placée droite 8c libre au-deflùs des
épaules , en regardant entre les oreilles ducheval;
les épaules doivent être aufli fort libres 8c un peu
renverfées
p o s
fenverfèes en arrière ; car fi la tête 8c les épaulés
étoient en avant, le derrière fortiroit du fond de
la felle, ce qui, outre la mauvaife grâce, feroit
aller un cheval furie s épaules, & lui donneroit
occafion de ruer par le moindre mouvement. Les
bras doivent être pliés au coude , & joints au
corps fans contrainte , en tombant naturellement
fur les hanches.
A l’égard des jambes, qui font les parties mobiles
d’en bas, elles fervent à conduire 8c à tenir
en refpeél le corps & l’arrière-main du cheval ;
leur vraie pofition eft d’être droites 8c libres du
genou en bas, près du cheval fans le toucher, les
cuiffes 6c les jarrets tournés en dedans, afin que
le plat de la cuifle foit pour ainfi dire collé le long
du quartier de la felle. 11 faut pourtant que fes jambes
foient aflùrées , quoique libres , car fi elles
étoient incertaines, elles toucheroient inceffam-
ment le ventre ; ce qui tiendroit le cheval dans -
un continuel défordre ; fi elles étoient trop éloignées,
on ne feroit plus à temps d’aider ou de châtier
un cheval à propos , c’eff-à-dire, dans le temps
qu’il commet la faute ; fi elles étoient trop avancées
, on ne pourroit pas s’en fervir pour le ventre,
dont les aides font les jambes ; fi au contraire elles
étoient trop en arrière , les aides viendroient dans
les flancs, qui font une partie trop chatouilleufe 8c
trop fenfible pour y appliquer les éperons; 8c fi
enfin les jambes étoient trop raccourcies, lorfqu’on
peferoit fur les étriers , on feroit hors de la felle.
Le talon doit être un peu plus bas que la pointe
du pied, mais pas trop, parce que cela tiendroit
la jambe roide;il doit être tourné tant foit peu
plus en dedans qu’en dehors , afin de pouvoir conduire
l’éperon facilement 8c fans contrainte- à la
partie du ventre , qui eft à quatre doigts derrière
les fangles. La pointe du pied doit déborder l’étrier
d’un pouce ou deux feulement, fuivant la largeur
de la grille; fi elle étoit trop en dehors, le talon
fe trouveroit trop près du ventre, 8c l’éperon cha-
touilleroit continuellement le poil ; fi au contraire
elle étoit trop en dedans, alors le talon étant "trop
en dehors , la jambe feroit eftropiée. A proprement
parler , cç ne font point les jambes qu’il faut tourner
à cheval, mais le haut de la cuifle ;c ’eft-à-dire,
la hanche , & alors les jambes ne font point trop
tournées, & le font autant qu’elles le doivent être
aufîi-bien que le pied.
U n e fuffitpasde favoir précifément comme il
faut fe placer à cheval, fuivant les règles que nous
venons de donner; le plus difficile eft de conferver
cette pofture lorfque le cheval eft en mouvement
; c’eft pour cela qu’uii habile maître a cou-*
tume de faire beaucoup trotter les commençans ,
afin de leur faire prendre le fond de la felle. Rien
n eft au-deflùs du trot pour donner de la fermeté
à un cavalier. On fe trouve à fon aife après cet
exercice dans les autres allures , qui font moins
rudes.^ La méthode de trotter cinq ou fix mois
.etriers eft eqcore excellente par-là nécef-
MyuUqfion} EJcrimç 6* Danfa
P O S 241
fairement les jambes tombent près du cheval, 8c
un cavalier prend de l’affiette 8c de l’cquilibre.
Une erreur dans laquelle on tombe trop ordinairement
, c’eft de donner des fauteurs aux commençans
, avant qu’ils aient attrappé au trot cet équilibre,
qui eft au-deflùs de la force des jarrets, pour
fe bien tenir à cheval. Ceux qui ont l’ambition de
monter trop tôt des fauteurs , prennent la mauvaife
habitude de fe tenir avec les 'talons ; & au
fortir de l’académie,.ils ne laiffent pas , avec leur
prétendue fermeté, de fe trouver très-embarrafles
fur de jeunes chevaux. C ’eft en allant par degrés
qu’on acquiert cette fermeté, qui doit venir de
l’équilibre , 8c non de ces jarrets de fe r , qu’il faut
laifler aux caffecous des maquignons. Il faut pourtant
dans de certaines occasions, fe fervir de fes
jarrets, 8c même vigoureufement, fur-tout dans
des contre-temps qui font fi rudes 6c fi fubits, qu’on
ne peut s’empêcher de perdre fon afiiette ; mais il
faut fe remettre en felle , 8c fe relâcher d’abord
après la bourafque, autrement le cheval recom-,
menceroit à fe défendre de plus belle.
Dans une école bien réglée, on devroit, après
le trot, mettre un cavalier au piaffer dans les piliers;
il apprendroit dans cette occafion, qui eft
très-aifée , à fe tenir de bonne grâce. Après le piaffer
, il faudroit un cheval qui allât à demi-courbette
; enfuite un à courbette ; un autre à ballotade
ou à croupade ; & enfin un à cabriole.
Infcnfiblement & fans s’en appercevoir, un ca-:
valier prendroit avec le temps l’habitude de fe tenir
ferme 8c droit, fans être roide ni gêné ; il deviendrait
libre 8c aifé fans molleffe ni nonchalance
; & fur tout ne feroit jamais penché ; ce qui
eft le plus grand de touts les défauts; parce que
les chevaux fenfibles vont bien ou mal, fuivant
que le contre-poids du corps eft régulièrement obfervé
ou non.
T h é o r i e . ( Dupaty ).
Le but de l’équitation eft l’ufage du cheval. Cet
ufage, qui doit être aufli facile à l’homme que celui
de fes propres membres, s’ils font fains 8c bien conformés
, ne petit exifter fans l’a&ion 8c la réa&ion
réciproques des deux individus l’un fur l’autre ; autrement
il feroit impoffible qu’il y eût cominunica-,
tion de mouvement.
L’homme , par le moyen de fes membres, comme
par autant d’inftruments, agit fur le cheval, l’ébranle
8c le dirige. Le cheval, en déployant fes
membres pour obéir, réagit fur l’homme, l ’ébranle
8c le met en mouvement par l’effet du tranfporr.
Le changement dans la pofture de l’homme eft
fenti par le cheval ,& les mouvements du cheval
font reffentis par l’homme. Cette réciprocité de
fenfation eft le réfultat de l’aélion 8c de la réaélion.
L ’aétion de l’homme fur le cheval, 8c la réaction
du cheval fur l’homme , font fubordonnées à
certains principes , à certaines caufes qui fe trouvent
dans l ’un 8c dans l’autre, mais qu’on ne.doit
H h