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étendue fur le dedans, enfeignée pour la quatrième
leçon , eft encore la feule à prendre pen-
dant la cinquième 6e dernière du travail terre-à-
terre.
Méthode d’instruction relative sur to u t
A LA CAVALERIE. ( DE BOHAN ).
C ’eft des premières leçons mal données & mal
conçues que proviennent toujours les attitudes forcées
Sc gênées, qu’on ne détruit qu’avec tant de
peine.
Le zèle & la volonté d’un commençant le font
ordinairement roidir & contraindre, pour fe re-
dreffer & s’étendre, fi le maître n’a l’attention de
lui démontrer que la grâce ne peut exifter qu’avec
l’aifance. Ce n’eft qu’au bout de quelques jours,
que toutes lès parties de fon corps auront acquis
la foupleffe 8c l’habitude de la-pétition qu’on lui
demande.
On prendra toutes les précantions néceflàires
pour conduire le cavalier par gradation , en commençant
par les mouvements les plus lents, les
plus doux j les plus réguliers 8c les plus unis , pour
arriver , à mefure qu’il fe confirmera dans fa pof-
rure, aux mouvements les plus rapides, les plus
durs & lès plus irréguliers.
Le pas uniforme fur une ligne droite fera donc
choifi pour les premières leçons, comme l’allure
là plus douce, & dans laquelle il eft le plus aifé de
conferver fon équilibre.
On fe gardera bien de fe fervir de la méthode
ufitée dans préfqùe toutes les écoles, de commencer
par faire trotter les cavaliers à la longe fur des
cercles , & fouverit fur de jeunes chevaux, dont
l ’allure irrégulière exige une longue pratique pour
n’en être pas déplacé ; mais quand même on choi-
firoit le cheval lé plus fagè & qui trotte lé plus régulièrement
, le corps, dans le mouvement circulaire
, en proie aux forces centrifuges & centripètes
, préfente des difficultés pour conferver l’on
aplomb, difficultés qu’un commençant ne fauroit
vaincre ; il n’e fi, dans ces leçons , occupé que de
fe tenir par des moyens de force ; il faut donc attendre
qu'il foit bien confirmé dans le mouvement
fimple & d ire â, avant de le faire paffer au mouvement
compofe & circulaire.
On donnera toujours au cavalier un cheval mis
ou dreffé, afin qu’il puiffe pratiquer les préceptes
qu’il a reçus ; alors, l’obéiffance ou la défobéif-'
fance de l’animal fervira même à l’avertir de fes
fautes , il recevra de fon cheval une leçon continuelle.
. ,
Pour faciliter les moyens de donner leçon aux
commençants, & multiplier les précautions contre
les accidents qui pourroient arriver en les mettant
d’abord en plaine, on a imaginé des çfpaçes fermés
, appellés manèges, affez vaftes pour travailler
les chevaux fur toutes les allures , mais pas a fie?
grands pour que l’élève puiffe ceffer un inflant
d’entendre le maître ; ces manèges font encore fort
commodes pour dreffer & affouplîr les chevaux:
Il y a des manèges de deux efpèces , les uns couverts
& les autres découverts.
Les premiers font defiinés à fe garantir des mauvais
temps, qui feroient un obftacle à la fuite 8c
continuité des leçons que l ’éducation des chevaux
exige.
Les féconds font des efpaces fimplement limités
par des barrières.
On a élevé dans toute la France des manèges
| defiinés à l’inftruâion de la cavalerie , & c’eft fur-
tout depuis la paix de 1762 , que ces édifices fe
font multipliés à l’infini, mais la forme qu’ori leur
a donnée , fervira , tant qu’ils exifteront , à prouver
la fauffeté de nos idées & de nos principes, fur
les moyens de former de la cavalerie. Les planches
des Newcafile & des la Guérinière ont fervi
de plana nos architeâes ; au lieu de donnera ces
manèges la plus grande longueur poffible, on ne
leur a donné, dans cette dimenfion , que trois fois
leur largeur ; c’étoit la proportion de ceux de Ver-
failles , & perfonne ne s’éleva contre cette imitation
, abfurde pour la cavalerie , car ce n’eft que
dans des efpaces longs qu’elle peut décider & unir
fes allures , qualités qui deviennent le principe de
l’ordre, de l’enfemble, & de la force de nos efca-
drons. D ’autres raifons militent encore en faveur
des efpaces vaftes pour faire travailler la cavalerie,
puifqu’il faut que ces manèges foient propres à
contenir un grand nombre de chevaux à-la-fois ;
& pour que ces chevaux ne s’y ruinent pas promptement
, il faut que les coins foient affez éloignés ,
pour que les mouvements direérs ne foient pas réduits
en mouvements circulaires. La faute qu’on
fit alors exifte.encore aujourd’hui, mais elle éft
d’une conféquence à mériter l’attention du minif-
tère. Si on approuve mes principes , & qu’il y ait
encore des manèges à élever, je confeiile de leur
donner 80 pieds de largeur fur 300 pieds de longueur.
Il y a deux manèges à Lunéville , dans lef-
quels 72 hommes marchent enfemble avec aifance.
Ce font les feuls que je connoiffe où la cavalerie
puiffe travailler avantageufement , & fans fe ruiner.
Touts ceux de nos garnirons ne font propres
qu’à exercer une douzaine de cavaliers à-la-fois &
en file.
On dira peut-être que les manèges font inutiles ,
& que la cavalerie doit s’inftruire en plaine ; je réponds
que, tant quela faifon permet à la cavalerie
de fortir, il faut la mener dehors , niais qu’en
France , pendant cinq mois de l’année, les pluies,
les neiges , les glaces , les frimats l ’empêchent de
fortir; & que, lorfqu’elle n’a point de manège, elle
refte dans une inaâion miifible à l’homme 6c per-
nicieufe au êheval.
Quant aux manèges découverts, fermés par de
fimples barrières , ils doivent avoir à-peu-près les
mêmes proportions ; je préfère ces derniers pour
inftruire lès hommes, & les premiers pour inftruire
les chevaux.
Mais
Maïs revenons aux leçons de mon cavalier ;
après avoir démontré fa pofition , il me refte à fixer
la marche qu’on doit lui faire fuivre pour la confo-
lid e r; & à indiquer la fucceflion des leçons qu il
doit recevoir. Je n’entrerai que dans les détails des
opérations qui fervent à mener,le cheval parfaitement
dreffé, car c’eft de l’infttuâion de l'homme
dont il s’agit feulement ic i, la fécondé partie de
cet ouvrage traitant fuffifamment de celle du cheval.
Il n’eft pas douteux que la jufteffe de la pofture
de l’homme fur le cheval influe infiniment fur l’o-
béiffance de ce dernier ; il faut donc s’attacher pr|r
mièrement à la conferver , & fecondement à rendre
les opérations des mains & des jambes, du cavalier
fimples, faciles , & indépendantes du refte
du corps.
Première leçon.
Le cavalier prêt à marcher fera placé , ainfi que
nous l’avons déjà d it, fur un cheval dreffé & fage ;
il fera fans étriers , parce que fes cuiffes n’ont pas
encore acquis *le degré d’allongement dont elles
font fufceptibles ; fes mains feront placées ainfi
que je l’ai indiqué plus haut , tenant chacune une
rêne du bridon. Il faut fe garder de mettre le cheval
en bride, parce que les commençants font fu-
jets à fe tenir à la main , & par conféquent à gâter
la bouche de leur cheval ; d’ailleurs il eft néceffairc
de leur expliquer & faire fentir l’effet des rênes ,
& le bridon devient beaucoup plus commode pour
cet objet.
Afin de commencer par le mouvement le plus
fimple & le. plus aifé , on mettra le cheval au pas ,
fur üne ligne droite A B , ( fig. 1 5 ) .
En le fuppofant arrêté au point A , pour fe porter
au point B , fes bras, qui ne font qu’à demi
tendus , fe baifferont également, & affez pour donner
pleine liberté au cheval de porter fa maffe en
avant, mais pas affez pour qu’il n’exifte plus aucun
fentiment entre les mains du cavalier 8c la bouche'
de fon cheval.
Par une fimple flexion dans les deux genoux,
le cavalier fera fentir les premières aides de les
jambes au cheval, en fe fervant des moyens que
nous avons expliqués en parlant des aides, & en
obfervant de mettre beaucoup d’égalité dans les
deux plis des genoux , afin que la direâion du
mouvement foit fur la droite A B. Car mon cheval
eft dreffé , comme on le verra par la fuite, à fe
porter à gauche fi la jambe droite de l’homme
donne plus d’aide, & à droite fi c’eft la gauche qui
en donne le plus. La ligne droite eft , dans ce cas-
ci , la réfultante de deux forces égales en direérion
oppofée. Je préfère les manèges découverts pour
inftruire les hommes , parce que , n’ayant point le
fecours du mur pour contenir leurs chevaux droits,
ils font obligés d’employer leurs deux jambes avec
jufteffe; au lieu que les écoliers habitués aux .manèges
fermés de murs , ne travaillent ordinairement
qu’avec la jambe de dedans , 6c fe trouvent
Equitation, Efcrime & Danfe,
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très-dérangés lorfque le mur leur manque.
Il eft évident que la pofition la plus avantageufe
au cheval, eft celle dans laquelle il fera parallèle à
la ligne 1 , 2 , puifque celle qu’il fuit lui eft parallèle
, & qu’il ne peut la quitter fans allonger fon
chemin. Toute l ’attention du cavalier doit donc
être portée à contenir fon cheval dans cette direction
; il y aura peu de peine, puifque mon cheval
eft dreflé; il lui fuffira feulement d’opérer toujours
en proportion de la lenteur ou de la vîteffe que le
cheval mettroit dans .fon allure.
Nous avons vu que le corps établi d’aplomb fur
fa bafe , étoit placé le plus folidement poffible ,
mais que fi cette bafe , ou le corps du cheval, ve~
noit a fe porter en avant, le corps dé l’homme
tomberoit néceffairement en arrière , fi quelque
puiffance ne le foutenoit 6c ne l’attiroit en avant.
Nous avons démontré que la réfultante du poids
des cuiffes & des jambes emportées avec le cheval
faifoit un effort capable de foutenir ce corps, 6c
l’empêcher de tomber en arrière ; mais fi. cette loi
eft fuffifante pour l’équilibre , lorfque le cheval eft:
dans un.état de mouvement uniforme, elle devient
infuffifante , dans l’inftant où l’animal paffe de l’état
de repos a 1 état de mouvement ; parce que l ’à-
coup de ce changement d’état donne une impul-
fion au haut du corps de l’homme qui tend à le
laiflèr en arrière; 6c plus il y aura de différence
entre le repos 8c la vîteffe, plus l’à-conp 8cl’impul-
fion feront confidérables , 5c plus auffi l ’aplomb
de l’homme fera difficile à garder. Il eft donc premièrement
bien effentiel de n’employer aucune
force dans les opérations des jambes , qui leur fe-
roit perdre de 1 effort qu’elles font par leur pefan-
teur , conjointement avec les cuiffes, pour attirer
le corps en avant.
La partie immobile , emportée avec le cheval
qui fe meut directement, attire néceffairement le
corps de l’homme, auquel elle fert de bafe; les
points du corps les plus près des feffes de l’homme
feront ceux qui feront les plus attirés, & cette
-force d’attraéîion en avant diminue proportionnellement
en s’approchant du fominet de la tête
de l’homme; c’eft ce qui fait que, fi dans un moment
inattendu , un cheval paffe fubitement de
l’état de repos au mouvement d ireâ, les reins de
l’homme cèdent à l’impulficn , en fléchiffant en
avant, 8c le haut de fon corps refte en arrière ; il
eft donc néceffaire que l’homme fe précautionne ,
non-feulement par une réfiftance dans fes reins ,
mais même que fes mufcles lombaires donnent
une légère impulfion à fon corps , pour le porter-
parallèlement en avant à l’inftant de la motion de
l’animal ; il eft inutile d’expliquer ainfi le principe
en donnant leçon , il fuffit de dire à l’homme ,
comme méthode générale , que tout votre corps fe
porte en avant en même temps que l'animal, car ce
mouvement dans les' mufcles lombaires eft auffi
naturel à cheval qu’à pied.
Le cheval 6c l’homme, mis en mouvement avec
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