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très-élaftiques. Pénétrons dans le méchanifme du
reffort, & cherchons des motifs de le comparer au
jarret du cheval.
Nous diftinguons dans le reffort angulaire, fon
fommet, fa réfiftance, & fa puiflance. J’entends
par fommet, le point où les deux branches fe réunifient
; par réfiftance , l’objet inébranlable qui appuie
le reffort ; par puiflance, le poids qui eft def-
tiné à le comprimer.
Le jarret efi proprement le reffort renfermé dans
la jambe de derrière ; les autres os qui l’accompagnent
font deftinés à d’autres ufages, & cependant
concourent à former les branches du reffort : la
compreflion efi faite par le poids du corps : la terre
eft l’appui ferme qui le foutient,
Le corps, placé à l’oppofite de la réfiftance du
reffort , tend par fon poids -à rapprocher fes deux
•extrémités. Nous voyons dans le cheval que , dès
l ’inftant qu’une de fes jambes de derrière eft chargée
de la maffe de fon corps, toutes les articulations
fe fléchi.fent, & notamment le jarret.
L ’àérion ou la force avec laquelle un reffort eft
comprimé, eft la mefure de celle avec laquelle il
fe détend. Ceux qui observeront la flexion des
membres du cheval, reconnoîtront que plus il y a
de lenteur d. n> le chargement, plus il y en a dans
la détente.
. La direélion dans laquelle la maffe charge le ref-
fo r t, eft la même que celle dans laquelle il fe détend.
C'eft pour cela que dans les allures les plus
vîtes du cheval, la jambe qui fert d’appui tombe
obliquement fous le ventre : & quoique dans les
grandes courfes nous voyons les quatre jambes
étendues & fort éloignées du centre de gravité , cependant
dans le moment de la foulée, les jambes
de derrière font fous le ventre; fans cela il feroit
impoflibie que le" cheval pût avancer. Nous voyons
aufli que tout cheval dont les hanches traînent-, n’avance
pas , & que fon appui fe fait loin du centre
de gravité.
La réfiftance du reffort doit être inébranlable : fi
elle ne l’eft pas , le reffort perd de fon aéfion , parce
qu'il déplace dans 4 e «hoc une quantité plus ou
moins grande de matière. Ainfi le cheval a moins
de facilité à courir dans le fable que fur un terrein
fertrie.
i l n’eft pas néceffaire que toute l’élafticité du reffort
foit employée, ni qu il foit toujoürs bandé: on
peut aifément varier fes-effets & ménager fes facultés.
La pratique nous apprend qu’on peut af-
féoir plus ou moins les chevaux. Il y a des degrés
dans la compreflion : le bon fens , l’intérêt, & la
confervation de l’animal, exigent que nous ne la
pouffions pas à l’extrême.
Si le corps qui comprime un reffort , retombe fur
ce reffort après la première réadion , certainement
le reffort agira comme à la première fois.
Lorfque le cheval a pris fon 'appui fur une jambe
de derrière , & que cette jambe ayant fait fon action
, vient à fe replacer dans la même direction,
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je dis que là maffe venant encore à la charger, Je
reffort fe trouve comprimé de nouveau, & l’alluré I
fe perpétue.
L’égalité qui règne entre la détente & la non- I
velle compreflion d’un reffort, produit la commu- I
nication mutuelle d’un mouvement, uniforme : le I
cheval a une cadence réglée lorfque l’adion de fes I
jambes de derrière & celle de fa maffe font égales I
à tous les pas.
Plufieurs reflerts égaux & rangés à côté les .uns I
des autres , n’agiflent pas plus, à force égale, I
qu’un feul. C’eft aufli pourquoi dans la jambe de I
derrière du cheval, il n’y a qu’un feul reffort, qui I
eft ,1e jarret, les autres articulations ne pouvant I
d’elles-mêmes s’étendre , les mufcles extènfeurs I
étant deftinés à cette fon&ion.
La difpofition des articulations des jambes pof- I
térieures du cheval,, nous préfente des angles exter-1
nés oppofés ; & cela étoit néceffaire pour la flexion I
des os de ces membres les uns fur les autres. Nous I
répétons que le feul reffort de ces articulations eft I
le jarret. Aufli eft-il compofé tout différemment I
des autres. Car dans les articulations ordinaires, il I
n’y a que deux tètes d’os ; ici, il y .en a fept, ran-1
gés en deux couches. Gomme leurs figures ne font I
point régulières , je penfe qu'ils admettent un cer- I
tain efpace ent’reux, & un interflice rempli par I
des matières qui cèdent plus aifément.que ces effe- I
lets qui font extrêmement durs. Le centre de la I
compreflion eft donc vraiment le jarret , parce qu’il I
eft le centre de l’aéfion occafionnée par le poids I
du corps & par la réaâion du terrein. Ces deux I
puiffances oppofées font refluer vers le centre fou- I
tes les particules de matière qu’elles preffent des I
deux côtés ; & ces niatiêres-tendent à détruire tout I
le vuide qui pourroit s’y trouver. La matière en- j
taflee à un certain point, ne peut plus être conte- I
nue dans des bornes fi étroites ; & elle cherche à I
fe mettre à l’aife , & à regagner les endroits d’où I
elle avoit été déplacée imperceptiblement. C’eft I
l’effet de cette opération qui oblige la jambe de I
derrière à quitter terre , parce que le reffort étant |
détendu par en haut, toute la reaélion du terrein :
revient fur lui & le fait fauter.
La conftruâion du jarret favorife toute cette I
théorie. Une multitude de tendons & de ligaments j
lé fortifient, & retiennent dans un ordre & un ar* {
rangement forcé touts ces os du jarret, qui, ne
pouvant s’échapper, en deviennent encore plus
élaftiques. Les deux couches des os du jarret re-
préfentertt un trapeze dont le petit côté eft dans’le
pli du jarret. Malgré leur dureté, leur compreflion
n’eft cependant pas infini^ , à caufe des parties
molles & des vaiffeaux qui les accompagnent :
d’ailleurs les ligaments & sles tendons ont une
quantité de cohérence qui n’eft pas invincible.
Il faut favoir que pendant la compreflion des os
du jarret, il fe paffe à fa pointe une aélion toute
différente ; car le poids & l’effort de toute la maffe
tendent à écarter les deux branches de l’angle , &
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i | détruire leur union. Ainfi il eft avantageux, pour
[ la confervation de cet organe, que la compreflion ne
i l ’emporte pas fur la cohérence': il s enfuivroit une
I deflruéiion du reffort. Si au contraire le poids eft
I modéré, le reflor-t fe débandé avec vigueur ,& I fhaffe le corps en avant.
| La difpofition , ou. plutôt la diredhon dans la-
if 'quelle le jarret & toute la jambe reçoivent le
■ poids, eft la même que celle dans laquelle il eft
1 rejettè. Connoiffant cette ligne , on fait le chemin
J que décrit le cheval: s’il pèfe perpendiculairement J fur le reffort, il fera chatte de même. Dans les al-
I Jures raffemblées , trides & raccourcies , le mou-
| vement fe fait de bas en haut, parce que le reffoi t
toutes les articulations ne fe déploient pas1 en
<entier; mais dans les allures plus étendues , il y a
■ encore le mouvement d’arrière en avant, produit
Itpar la tête du fémur qui pouffe fa cavité dans cette
■ direftion. Ainfi le cheval décrit une parabole avec
■ tout fon corps fi l’allure eft vive , ou feulement
avec la partie déplacée lorfqu’il marche lentement.
I Je crois avoir démontré que la jambe de tler-
Jrière agit comme un reffort, & par là jouit de la
I faculté de pouffer toute la maffe en avant. Je vais
•fàpréfent'démontrer que la jambe de devant a des
lufages différents.
%-l.es jambes de devant dejlinèes uniquement d foutenir
la majje.
■ S’il y avoit reffort dans les jambes de devant,
le centre de l’aélion devroit fe paffer dans le ge-
■ non , par l’efpèce d’analogie qui fe trouveroit entre
f ie s offelets & ceux du jarret. Mais je dis que les
«genoux ne font pas élaftiques comme les jarrets .
Ifpar l’ordre différent qu’ils confervent : car ils ne
■ pourroient être comprimés que d’une manière nès-
■ égafe , moyennant quoi il n’y auroit pas de dépln-
||cement de matière ; & dans le choc faute de dépla-
■ cement, il n’y a pas de rétabliffement.
I- Je fuppofe que par leur conftruftion les genoux
foient elaftiques : pour comprimer un reffort, il
'Jlfaut une puiflance ; & nous avons obfervé que
' î ’aâion qui précède tout mouvement d’une jambe,
' f eft la contraélion des mufcles de 1 épaule , qui, en
S la foulageant, ôtent le poids & la puiflance ; en
ôtant la puiflance, ils anéantiffent la réfiftance , &
Ipar là il'eft évident que la propriété du reffort eft
■ détruite. De plus, admettons qu’une grande partie
vide la maffe porte fur le devant : qu’en arrive-t-il ?
;Jfque les jambes fléchifl’ent & fuceombènt fous le
■ poids, parce qu’étant dans une pofition droite , &
If n’ayant aucun angle fixé & arrêté par des liga-
9 ments, il y a un dérangement dans leur fituation
I quelles ne peuvent rétablir d’elles-mêmes, parce
§ quelles n’ont pas la cohérence des jarrets. Cet or-
-I ^re étant une fois détruit , la jambe de devant ne
II fert plus à rien-tant qu’elle eft dans cet état, tandis
1 que le jarret fe rétablit de lui-même.
| La plus grande différence que je trouve dans
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ces deux organes, c’eft que la compreflion du genou
eft toujours la plus grande dans la ftation ;
celle du jarret, au-contraire , eft la moindre pofli-
ble : & que de plus toutus les adions tendent à
foulager le genou , & à charger les jarrets. Je crois
donc être fondé à croire que les jambes de devant
ne portent pas , dans l’aâion , un poids égal à celui
des jambes de derrière , & a prétendre qu elles ne
peuvent pas rejetter le poids dont, elles font chargées
, mais qu’il leur eft ote par d autres organes.
Il n’y auroit aucune furete a 1 anima! à porter
fur fon devant ; car "il détruiroit l’organifation de
fes jambes, & feroit fans ceffe des efforts pour fe
préferver des chûtes : cela eft bien évident dans les
defeentes. D ’ailleurs comment pourroit-il ne pas
détruire le mouvement de fes épaules : toute leur
attache confifte dans des mufcles que le poids continuel
fur les jambes de devant extendroit & relâ-
cheroit même avec douleur ces mufcles pèr-
droientleur jeu & leur mobilité, & l’épaule feroit
fixe & fans aucune aâion.
Pour être entièrement convaincu de cette affer-
tion , appelions l’art à notre fecours , & voyons la
différence des chevaux abandonnes fur leurs jambes
de devant. Leurs épaules font immobiles ; leurs
jambes font arquées ; leur mafle eft fans appui ftx-
lide_j-& leur démarche lente, incertaine , traînante
, & fans aucune vivacité. Ceux.au contraire
qui font accoutumés à fe fervir de leurs jarrets 9
ont des épaules brillantes, la marche sure & noble,
& une cadence harmonieufe Enfin nous voyons
que la plus grande partie des chevaux qui ont. du
fervicé, fon ! ruinés dans leurs jarrets , quelles
qu'aient été les fondions auxquelles ils ont été
deftinés; tandis que les genoux ne font prefque
jàmalfj attaqués : preuve inconteftable qu’ils ne
font point faits pour foutenir des efforts.
Les jambes de devant font^donc uniquement
deftinées à foutenir le corps lorfqu’il retombe : mais
elles ne le fouriennent que tant qu’elles font fans
flexion ; comme une canne n’eft un appui ferme
que dans fa fituation droite.
DireSlion de la ligne d'innixion des jambes du cheval
en mouvement.
L’examen du fquelette , & même fa connoif-
fance parfaite , font d’une grande utilité pour celui
qui veut connoître le cheval : comment pourroit-il
autrement juger de la bonne ou de là mauvaife
attitude dès jambes de l’animal ? Ce n’eft pas feulement
la defeription delà charpente animale qu’ il
lui importe -de favoir de mémoire ou autrement,
fes yeux doivent encore être exercés à juger les
jambes d’après un examen réfléchi.
Le cheval^varie prefque fans ceffe la pofition de
fes jambes , mais nous le fuppofons abfolumenten
repos. S’il porte également fur les quatres jambes ,
toutes les fuperficies des os feront logées, & leur
appui fera bien forme. Cet appui n a lieu que daf)$
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