On ne peut se dissimuler que l'étude des reptiles ii'ait été
jusqu'à ce jour fort difficile, et généralement négligée. Ces animaux
semblent repousser la plupart des naturalistes, qui préfèrent
employer leurs veilles à étudier des branches plus riantes
et plus gracieuses. Ainsi pourrait-on coiU|)ter un grand nombre
d'ornithologistes pour un seul er|)étologistc. Il eu est de même
des voyageurs. La jdupart ne récoltent point ces êtres, souvent
dangereux; et, lorsque quelcjues-uns s’cii occupent, ces animaux
déposés dans nos musées, décolorés parla liqueur ju'éser-
vatrice, ii offrent plus à celui qui cherche à les décrire par la
suite, que l'ensemble de leurs formes générales ; tout le reste a
disparu. Les reptiles cependant sont bien capables d’intéresser le
philosophe. Les lois de leur organisation, leurs habitudes, les funestes
projjriétés mortifères que la plupart possèdent, les ressources
rpe les arts peuvent en retirer, sont autant de sujets intéressants
et variés bien dignes de fixer notre attention et d’accroître
nos connaissances. Sousle rapport de la beauté, ils ne le cèdent
j)oint à aucune autre classe du règne animal. C’est surtout dans
leur état de vie que les re]>tiles se montrent avec de riches livrées,
et les nuances les plus suaves et les plus pures. Quoi de plus beau,
que ces serpents, recouverts des teintes les plus éclatantes, dont
les écailles semblent faire jaillir mille reflets métalliques sous
les rayons lumineux qui les éclairent diversement ?
Saiiite-Catheriue du Brésil, oii s’effectua la première relâche
depuis le départ des côtes de France, peut offrir à un observateur
, qui séjournerait pendant un espace de temps assez long,
la plupart des espèces mentionnées dans les ouvrages d’erpétologie
, comme propres au Brésil, contrée si belle et si prodigue.
Notre apparition sur ces bords, au milieu de ces forêts majestueuses,
lut pour ainsi dire momentanée, et cependant chaque
jour nous montrait de nombreux reptiles qu’il nous était impossible
de saisir, et de conserver pour nos collections. Une longue
résidence permit à MM. S[)ix et Martius de faire connaître en Europe
un grand nombre d’espèces, auxquelles il faut joindre celles
décrites par le prince de Neuwied’ ; e t , dans ce champ encore
neuf et si peu exploité où il reste beaucoup à faire, le Brésil seul
fournira pendant long-temps une mine féconde. Comment
en serait-il autrement ? On a remarqué qu’une condition générale
inhérente à la multiplication des reptiles était la réunion
de la chaleur équatoriale, sur les savanes immenses et submergées,
dans les profondeurs des forêts vierges, ((u’babitent seulement
des animaux sauvages, au milieu des détritus des êtres
végétaux, là où ces arbres énormes, enfants séculaires du sol
qui les vit naître, lui rendent lentement leurs dépouilles. C’est
la même condition de vie c|ni fait c[ue la multiplication des reptiles
est si rapide, sous le ciel enflammé des Moluques, dans
ces îles de la Sonde, de la Nouvelle-Guinée, où ces animaux
pulluleut, et sont la terreur de l’espèce humaine. Les Guyanes,
les portions intertropicales de l’Afrique, celles de l’Amérique,
entre autres, |ieuveut autoriser à regarder comme démontré
que les espèces de reptiles sont d’autant |)liis nombreuses et plus
développées dans leur taille que les zones où on les étudie sont
plus proches de l’équateur*. Il resterait peut-être à examiner
quels devraient être les rapports des espèces ou des genres
avec les parallèles où ils se trouvent ; mais ce travail serait sans
doute impossible dans l’état actuel des connaissances, et d’après
I imperfection de nos catalogues systématiques.
Eu arrivant au Brésil, nous nous attendions cependant à
rencontrer des reptiles à chaque pas ; mais nous devons avouer
' Ilist. nat. du Erésil Isis, V I liv., p. 6 6 l, i8a/|.
* Le grand nombre de reptiles qui existent dans l’Amérique septentrionale semblerait
d’abord contredire la règle générale; mais cependant l’examen prouve que
cette exception unique ne peut infirmer l’aphorisme.