CHAPITRE X.
POISSONS : Par K.-P. Lesson.
QUELQUES R EFLEX IO N S SUR LA D ISTR IB U TIO N DES POISSONS DANS LES
MERS d ’a SIE.
La nature, en dispersant les êtres sur la surface de ce vaste
uni vers, semble avoir imposé des démarcations à chacun d’eux, ou
du moins elle n’a permis qu’à un certain nombre d’espèces privilégiées
de pouvoir vivre indifféremment dans des circonstances opposées
et sous fiuflucncc variée de zones et de climats dWers.
Mais habitant au milieu d’un fluide dont la température est plus
uniforme que celle de l’air, les ])oissons devraient présenter de
nombreuses exce|itions, s’étendre à de grandes distances de leur
patrie primitive, adopter de nouveaux climats, vivre indifféremment,
en un mot, sous plusieurs zones, puisque rien ne
peut s’opposer à leur migration, plus favorisés en cela que les
oiseaux ou d’autres animaux, renfermés sur certaines îles, sur
certaines terres d’où ils ne peuvent sortir, sans avoir à franchir
d’immenses étendues de mer. Mais la puissance qui créa les
mondes et leur assigna des limites , imposa aussi aux divers
animaux des bornes qu’ils ne ¡jurent franchir impunément ; et
les poissons surtout, soumis à l’influence des climats, des parages,
façonnés pour des habitudes a]Jpro¡Jriées ii leurs moeurs,
à certaines localités, furent disséminés par parallèles, maintenus
dans des limites arrêtées, et ne les franchissent jamais que jjar
des causes accidentelles et toujours rares. Quelle diversité, en
effet, dans la forme de ces êtres, suivant qu’ils sont destinés à
fréquenter les roches des côtes, les longues plages sablonneuses
déclives, les vases des embouchures des fleuves, les canaux
étroits des archipels, les glaces des pôles, ou les régions
chaudes des tropiques!
De quel éclat brille leur vestiture! De quelles formes singulières,
parfois bizarres, toujours variées, leur organisation présente
les types innombrables! C’est dans cette classe iju’il est
permis surtout d’admirer cette ¡jrofusion iniinie de combinaisons
d’organes qui semblent être le résultat des caprices et des
jeux de la nature, et qui tous cependant sont bien adaptés à
l'iustinct et aux habitudes de chaque es]jèce. Si les pierres précieuses
étincellent sur quelques ¡jarties du ¡jlumage des oiseaux
de la zone torride, le prisme semble accumuler toutes ses nuances
sur les poissons, et rien ne ¡¡eut rendre la suavité des couleurs,
la som|jtuosité de la parure de certaines familles qui à
chaque instant semblent se revêtir de teintes métalliques, sans
cesse reflétées sous un nouvel aspect par les innombrables ¡jetits
miroirs de la surface de l’eau.
Les ¡joissons dont les reflets sont si vifs et si purs, parfois
si nets et si tranchés, semblent se complaire au milieu de
ces récifs corralligèncs, brillant eux-mêmes de toutes les couleurs,
et dont l'effet fantastic¡ue semble ¡jliitôt appartenir au
domaine de flmagination qu’à la froide vérité. Entourés des
rosettes de ces zoopbytes, des polypes,des zoanthes, des tubipo-
res, dans des bassÙLS peu profonds, constamment échauffés par
une vive chaleur, les brillants cbétodons, les nombreux balistes,
les glyphysodous azurés, ont disséminé leurs espèces inuom-
9 -