Puisque nous sommes au milieu des îles océaniennes, peut-
être ne sera-t-il pas hors de notre sujet de mentionner ce grand
lézard dout les habitants des Fidjis ont conservé une tradition
merveilleuse (Mariner, É/wtore des îles Tonga, pag. 34a, t. I),
et qu’ils croient leur avoir été envoyé de Bolotou par la colère
des dieux. Les détails que M. Mariner donne de ce singulier
animal, que les naturalistes ne connaissaient point, autorisent
à penser, avec ce navigateur, qu'un crocodile ( Crocodile
bicarene? ) chasæ des côtes, soit d e là Nouvelle-Guinée, soit
de la Nouvelle-Bretagne, a été porté sur les îles Fidjis par des
courants ou à la suite de tempêtes, et que cet exemple n’a rien
de merveilleux en lui-même. Les détails que les naturels donnent
de ce monstrueux animal, qui dévora plusieurs des leurs,
et qu’ils ne tuèrent qu’après beaucoup de tentatives hardies,
sont assez précis pour qu’il n’y ait point de doute à ce sujet.
Nous ne devons pas omettre qu’une espèce de crocodile est
mentionnée à Pelli, une des îles Pelew'. Il paraîtrait que cet
animal, transporté des archipels de là Polynésie, peu éloignés,
tels que celui de Mindaiiao, par la mousson d’üuest, aborda
à Eap, une des îles Palaos, et ne fut tué qu’après avoir dévoré
une femme. Les naturels rapportent que ce grand lézard vivait
dans l’eau, avait la queue aplatie, et le nommèrent ga-oiit,
( "Wilson écrit je-use).
Une grande espèce de lézard appelé kaluv se trouve particulièrement
sur les îles Pelli et Eap. Sa taille est de beaucoup
moindre que celle du ga ou t, et sa queue est arrondie; il vit sur
les rivages, nage dans l’eau , mange du poisson, dort dans
le jour sur les arbres, et M. de Cbamisso dit que le carolin
Kadu crut le reconnaître dans la figure du lacerta monitor.
Tout indique en effet que c’est un tupinambis, et sans doute le
T. orné de la Nouvelle-Irlaiide, et des autres îles de l’Est.
De Cliainisso, Observ. p. 189 cUi tome III® du Voy. de Rotzebue.
Après avoir navigué dans les archipels épars de 1 Océanie,
nous nous rapprochâmes des terres placées au S. E. de la Polynésie
orientale, dont elles sont le prolongement. Nous séjournâmes
au port Praslin, non loin du havre de Carteret, à la Nou-
velle-Irlande. Là nous trouvâmes l’aspeet général des îles M.o-
luques et de la Sonde; même luxe dans la nature, même
richesse dans la pompe végétale. Les animaux y sont nombreux,
variés mais identiques avec ceux que nous retrouvons à la terre
des Papous. Cest dans les forêts solitaires que pullulent surtout
les familles les plus nombreuses en espèces d’oiseaux , telles que
celles des perroquets, des laniadées, etc.
Les reptiles doivent être multipliés dans les forêts presque
impénétrables de la Nouvelle-Irlaiide. Les arbres gigantesques
qui les composent sont liés les uns aux autres par des lianes,
qui les enveloppent dans leurs nombreux replis; des troncs
énormes gisent étendus sur le sol, et s’y décomposent avec lenteur.
Une chaleur humide, résultant d’une haute température
habituelle, entretient une exubérance de v ie, et tout annonce
que les espèces que nous aurons occasion de mentionner aux
Moluques se sont propagées jusque sur ces îles, qui semblent en
être le prolongement austral, et, d’après ce que nous dirent quelques
naturels, il est certain que le crocodile', si commun à Bou-
rou et à la Nouvelle-Guinée, s’est avancé jusqu’à ce point par
i 5o degrés de long E. de Paris. D’ailleurs les navigateurs qui
nous précédèrent y indiquent des caïmans, et le capitaine
Parker-Ring a vu ces énormes quadrupèdes ovipares tres-mul-
ti|)liés à la partie Nord de la Nouvelle-Hollande".
Au milieu des massifs de cycas, de caryota urens, de panda-
‘ Crocodile à d e u x arêtes.
■ Daudin, tom. I I , p. 38a , indiquait déjà cette espèce comme nouvelle, d’après
les renseignements incomplets que lui avaient fournis les voyageurs. U mentionne le