vent impétueux, empêchoient souvent qu’on ne poursuf*
vît celles que le harpon avoit percées ; en vain ces céta-
cées blessés s echappoient quelquefois à de si grandes
distances, que l’équipage du canot pêcheur étoit obligé
de couper la ligne attachée au harpon, et qui, l’entraînant
avec vitesse, l’auroit bientôt assez éloigné des vaisseaux
pour qu’il fût perdu sur la surface des mers; en
vain les baleines que la lance avoit ensanglantées, aver-
tissoient par leur fuite précipitée celles que l’on n’avoit
pas encore découvertes, de l’approche de l’ennemi : le
courage ou plutôt l’audace dès pêcheurs surmontoit
tous les obstacles. Ils montoient au haut des mâts pour
appercevoir de loin les cétacées qu’ils cherchoient ; ils
affrontoient les glaçons fiottans, et, voulant trouver
leur salut dans le danger même, ils amarraient leurs
bâtimens aux extrémités des glaces mouvantes
Les baleines, fatiguées enfin d’une guerre si longue
et si opiniâtre,: disparurent de nouveau, s’enfoncèrent
sous les glaces fixes ; et choisirent particulièrement
leur asjle sous cette croûte immense et congelée ,
que les Bataves avoient nommée westys (la glace de
l’ouest).
Les pêcheurs allèrent jusqu’à ces glaces immobiles,
au travers de glaçons mouvans, de montagnes flottantes,
et par conséquent de tous les périls ; ils les investirent;
et s’approchant dans leurs chaloupes de ces
bords glacés, ils épièrent avec une constance merveilleuse
les momens où les baleines étoient contraintes de
sortir de dessous leur voûte gelée et protectrice, pour
respirer l’air de l’atmosphère.
Immédiatement avant la guerre de 1744, les Basques
se livroient eucore à ces nobles et périlleuses entreprises,
dont ils avoient les premiers donné le glorieux
exemple.
Bientôt après; les Anglois donnèrent de nouveaux
encouragemens à la pêche de la baleine, par la formation
d’une société respectable, par l’assurance d un
intérêt avantageux, par une prime très-forte,-par de
grandes récompenses distribuées à ceux dont la pêche
avoit été la plus abondante, par des indemnités égales
aux pertes éprouvées dans les premières tentatives, par
une exemption de droits sur les objets d’approvisionnement,
par la liberté la plus illimitée accordée pour la
formation des équipages que dans aucune circonstance
une levée forcée de matelots ne pouvoit atteindre
ni inquiéter.
Avant la révolution qui a créé les États-Unis, les habi-
tansdu continent de l’Amérique septentrionale avoient
obtenu, dans la pêche de la baleine, des succès qui pré-
sageoient ceux qui leur étoient réservés. Des 1765,
Anticost, Rhode-Island, et d’autres villes américaines,
avoient armé un grand nombre de navires. Deux ans
après, les Bataves envoyèrent cent trente-deux navires
pêcheurs sur les côtes du Groenland, et trente-deux au
détroit dè Davis. En 1768, le grand Frédéric, dont les
vues politiques étoient aussi admirables que les talens
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