V U E G É N É R A L E
de l’air et des gaz qui remplissent plusieurs de leurs
cavités et circulent jusque dans leurs os, et que les
habitans des mers et des rivières doivent à l’huile qui
pénètre jusque dans le tissu le plus compacte de leurs
parties solides.
On a cru que les cétacées conservoient, après leur
naissance, le trou ovale qui est ouvert dans les mammifères
avant qu’ils ne voient le jour, et par le moyen
duquel le sang peut passer d’une partie du coeur dans
une autre, sans circuler par les poumons. Cette opinion
est contraire à la vérité. Le trou ovale se ferme
dans les cétacées comme dans les autres mammifères.
Ils ne peuvent se tenir entièrement sous l’eau que pendant
un temps assez court : ils sont forcés de venir
fréquemment à la surface des mers pour respirer l’air
de l’atmosphère; et s’ils ne sont obligés de tenir hors
de l’eau qu’une très-petite portion de leur tête, c’est
parce que l’orifice des évents, ou tuyaux par lesquels ils
peuvent recevoir l’air atmosphérique, est situé dans la
partie supérieure de leur tête, que leur larynx forme
une sorte de pyramide qui s’élève dans l’évent, et que
le voile de leur palais, entièrement circulaire et pourvu
d’un sphincter, peut serrer étroitement ce larynx, de
manière à leur donner la faculté dé respirer, d’avaler
une assez grande quantité d’alimens,* *et de se servir
de leurs dents ou de-leurs fanons, sans qu’aucune
substance ni même une goutte d’eau pénètrent dans
leurs poumons ou dans leur trachée artère.
Mais cette substance huileuse, ces fanons, ces dents,
les longues défenses que quelques cétacées ont reçues ',
cette matière blanche que nous nommerons adipocirc
avec Fourcroy ’, et qui est si abondante dans plusieurs
de leurs espèces, l’ambre gris qu’ils produisent3, et jusqu’à
la peau dont ils sont revêtus, tous ces dons de la
Nature sont devenus des présens bien funestes, lorsque
l’art de la navigation a commencé de se perfectionner,
et que la boussole a pu diriger les marins parmi les
écueils des mers les plus lointaines et les ténèbres
des nuits les plus obscures.
L’homme, attiré par les trésors que pouvoit lui livrer
la victoire sur les cétacées, a troublé la paix de
leurs immenses solitudes, a violé leur retraite, a immolé
tous ceux que les déserts glacés et inabordables
des pôles n’ont pas dérobés à ses coups; et il leur a
fait une guerre d’autant plus cruelle, qu’il a vu que
des grandes pêches dépendoient la prospérité de son
commerce, l’activité de son industrie, le nombre de
ses matelots , la hardiesse de ses navigateurs , l’expérience
de ses pilotes, la force de sa marine, la grandeur
de sa puissance.
C’est ainsi que les géans des géans sont tombés sous
ses armes; et comme son génie est immortel, et que
1 Voyez l’histoire des narwals.
a Article du cachalot macro cép haie*.
* Idem