La réfraction des rayons de la lumière est donc plus
grande au travers d’une sphère que d’une lentille aplatie.
Elle est aussi proportionnée à la densité du corps
diaphane ; et Newton a appris qu’elle est également
d autant plus forte que la substance traversée par les
rayons lumineux exerce, par sa nature inflammable ,
une attraction plus puissante sur ces mêmes rayons.
Trois causes très-actives donnent donc au cristallin
des baleines, comme à celui des phoques et des poissons
, une réfraction des plus fortes.
Quel est cependant le fluide que traverse la lumière
pour arriver à l’organe déia vue des baleines franches?
Leur oeil, placé auprèsde la commissure des lèvres, est
presque toujours situé à plusieurs mètres au-dessous du
niveau de la mer, lors même qu’elles nagent à la surface
de l’océan : les rayons lumineux ne parviennent
donc à l’oeil des baleines qu’en passant au travers de
l’eau. La densité de l’eau est très-supérieure à celle de
l’air, et beaucoup plus rapprochée de la densité du
cristallin des baleines. La réfraction des rayons lumineux
e?t d’autant plus foible, que la densité du fluide
qu’ils traversent est moins différente de celle du corps
diaphane qui doit les réfracter. La lumière passant de
l’eau dans l’oeil et dans le cristallin des baleines, seroit
donc très-peu réfractée; le foyer où les rayons se réuni-
roient seroit très-éloigué de ce cristallin; les rayons ne
seroient pas rassemblés au degré convenable lorsqu’ils
tomberoient sur la rétine, et il n’y auroit pas dé vision
distincte,si cette cause d’une grande foiblesse dans la
réfraction n’étoit contre-balancée par les trois causes
puissantes et contraires que nous venons d’indiquer.
Le cristallin des baleines franches présente un degré
de sphéricité, de densité et d’inflammabilité, ou, en
un seul mot, un degré de force réfringente très-propre
à compenser le défaut de réfraction que produit la densité
de l’eau. Ces cétacées ont donc un organe optique
très-adapté au fluide dans lequel ils vivent : la lame
d’eau qui couvre leur oeil, et au travers de laquelle ils
apperçoivent les corps étrangers, est pour eux comme
un instrument de dioptrique, comme un verre artificiel
, comme une lunette capable de rendre leur vue
nette et distincte, avec cette différence qu’ici c est l’organisation
de l’oeil qui corrige les effets d’un verre qu’ils
ne peuvent quitter, et que les lunettes de l’homme compensent
au contraire les défauts d’un oeil déformé,
altéré ou affoibli, auquel on ne peut rendre ni sa force,
ni sa pureté, ni sa forme.
Ajoutons une nouvelle considération.
Les rivages couverts d’une neige brillante, et les
montagnes de glaces polies et éclatantes, dont les baleines
franches sont souvent très-près, blesseroient d’autant
plus leurs yeux que ces organes ne sont.pas garantis
par des paupières mobiles, comme ceux des quadrupèdes,
et que pendant plusieurs mois de suite ces
mers hyperboréennes et gelées réfléchissent les rayons
du soleil. Mais la lame d’eau qui recouvre l’oeil de ces