et malgré la nature et la position particulière du siège
de l’odorat dans les cétacées', on savoit dès le temps
d’Aristotè que le dauphin distinguoit promptement
et de très-loin les impressions des corps odorans ’.
Sa chair répand une odeur assez sensible, comme celle
du crocodile, de plusieurs autres quadrupèdes ovipares,
et de plusieurs autres habitans des eaux ou des
rivages, dont l’odorat est très-fin ; et cependant toute
odeur trop forte ou étrangère à celles auxquelles il
peut être accoutumé, agit si vivement sur ses nerfs ,
qu’il en est bientôt fatigué, tourmenté et même quelquefois
fortement incommodé; et Pline rapporte qu’un
proconsul d’Afrique ayant essayé de faire parfumer un
dauphin qui venoit souvent près du rivage et s’appro-
choit familièrement des marins, ce cétacée fut pendant
quelque temps comme assoupi et privé de ses sens,
s’éloigna promptement ensuite, et ne reparut qu’au
bout de plusieurs jours A
Faisons encore observer que la sensibilité d’un animal
s’accroît par le nombre des sensations qu’il reçoit,
et que ce nombre est, tout égal d’ailleurs, d’autant plus
grand, que l’animal change plus souvent de place, et
reçoit par conséquent les impressions d’un nombre plus
considérable d’objets étrangers. Or le dauphin nage
très-fréquemment et avec beaucoup de rapidité.
1 Article de la baleine franche.
* Aristot. Hist. anim, IV, 8.
* Pline, Histoire du monde, liv. IX , chaj>».8.
L’instrument qui lui donne cette grande vitesse, se
compose de sa queue et de la nageoire qui la termine-
Cette nageoire est divisée en deux lobes, dont chacun
n’est que peu échaneré, et dont la longueur est telle,
que la largeur de cette caudale égale ordinairement
deux neuvièmes de la longueur totale du cétacée. Cette
nageoire et la queue elle-même peuvent être mues avec
d’autant plus de vigueur, que les muscles puissans qui
leur impriment leurs mouvemens variés, s’attachent à
de hautes apophyses des vertèbres lombaires; et Ion
avoit une si grande idée de leur force prodigieuse, que,
suivant Rondelet, un proverbe eomparoit ceux qui se
tourmentent pour faire une chose impossible,. à ceux
qui veulent lier un dauphin par la queue.
C’est en agitant cette rame rapide que le dauphin
cingle avec tant de célérité, que les marins l’ont nommé
lafièche de la mer. Mon savant et éloquent confrère, le
citoyen de Saint-Pierre, membre de l’Institut national,
dit, dans la relation de son voyage à l’île de France
( p. 5 2 ), qu’il vit un dauphin caracoler autour du vaisseau
, pendant que le bâtiment faisoit un myriamètre
par heure; et Pline a écrit que je dauphin alloit plus’
vite qu’un oiseau et qu’un trait lancé par une machine
puissante.
La dorsale de ce cétacée n’ajoute pas à sa vitesse;
mais elle peut l’aider à diriger ses mouvemens*. La
* Que l’ou veuille bien rappeler ce que nous avons dit dans l’article de
la baleine franche, au sujet de la natation de ce cétacée.