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uné expérience cruelle ne leur avoit pas appris à recon-
noître les pièges de Thommé et à redouter l’arrivée de
ses flottes : loin de: les fuir, elles nageoient avec assurance
le long, dès côtes et dans les baies les plus voisines;
elles se montroient avec sécurité à la surface de
la mer;, elles’ environnoient en foule les navires; se
jouant autour de ces bâtimens, elles se livraient, pour
ainsi dire, à l’avidité des pêcheurs, et les escadres les
plus nombreuses ne pouvoient emporter la dépouille
que d’une petite partie de celles qui se présentoient
d’elles-mêmés au harpon.
En 1672., le gouvernement anglois encouragea par
une prime la pêche dé la baleine.
En 1695, la compagnie angloise formée pour cette
même pêche étoit soutenue par des souscriptions dont
la- valeur montoità 82,000 livres sterling.
Le capitaine ho\hinAo\sZorgdrager, qui commandoit
le vaisseau nommé les quatre Frères, rapporte qu’en
1697 il se trouva dans une baie du Groenland , avec
quinze navires brémois, qui a voient pris cent quatre-
vingt-dix baleines; cinquante bâtimens de Hambourg,
qui en avoient harponné cinq cent quinze; et cent
vingt-un vaisseaux hollandois, qui en avoient pris douze
cent cinquante-deux.
Pendant près d’un siècle, on n’a pas eu besoin, pour
trouTer de grandes troupes de ces cétacées , de toucher
aux plages de glace : on se contentoit de faire voile vers
le Spitzberg et les autres îles du Nord ; et l’on fondoit
dans les fourneaux de ces contrées boréales une si
grande quantité ddiuile de baleine , que les navires
pêcheurs ne-suffisoient pas pour la rapporter, et qu on
étoit obligé d’envoyer.chercher une,partie considérable
de cette huile par d’autres bâtimens.,
Lorsqu’ensuite les baleines franches furent devenues
si farouches dansdes environs de Smeerenbourg et des
autres endroits fréquentés par les pécheurs, qu on ne
pouvoit plus ni des approcher, ni les surprendre,, ni les
tromper et les retenir par des appats, on redoubla de
patience et d’efforts. On ne cessa de les suivre dans
leurs retraites successives. Qn put d autant plus aisément
ne pas s’écarter de leurs traces,. que ces animaux
paroissoient n’abandonner qu’à regret les plages où
elles avoient pendant tant de temps vogué en liberté,
et les bancs de sable qui leur-avoient fourni 1 aliment
qu’elles préfèrent. Leur migration fut lente et progressive
: elles ne s’éloignèrent, d’abord qu’à de petites distances;
et lorsque, voulant, pour ainsi dire, le repos
par-dessus tout,. elles quittèrent une patrie trop fréquemment
troublée, abandonnèrent pour toujours
les côtes , les baies , les bancs auprès desquels elles
étoient nées, et allèrent au loin se réfugier sur les
bords des glaces, elles virent arriver leurs ennemis
d’autant plus acharnés contre elles, que pour les atteindre
ils avoient été forcés de braver les tempêtes et
la mort.
En vain un brouillard, une brume, un orage, un