
 
        
         
		72 
 près des  côtes  de la  Corée, entre le-Japon  et  la Chine,  
 des baleines dont le dos  étoit  encore chargé de harpons  
 lancés par des  pêcheurs  européens près  des  rivages  du  
 Spitzberg  ou  du  Groenland  *. 
 Il  est  donc  au  moins  une  saison  de  l’année  où  la  
 mer  est  assez  dégagée  de  glaces  pour  livrer  un  pas-  
 sage qui  conduise  de  l’Océan  atlantique  septentrional  
 dans  le  grand  Océan  boréal,  au  travers  de  l’Océan  
 glacial  arctique. 
 Les baleines harponnées dans le nord  de l’Europe,  et  
 retrouvées  dans  le  nord  de  l’Asie,  ont  dû  passer  au  
 nord de  la  nouvelle  Zemble,  s’approcher  très-près  du  
 pôle,  suivre  presque  un  diamètre  du  cercle  polaire,  
 pénétrer  dans  le  grand  Océan  par  le  détroit  de  Behring, 
  traverser le bassin du même nom , voguer le long  
 du Kamtschatka,  des  îles  Kurdes,  de  l’île  de  Jéso,  et  
 parvenir  jusque  vers  le  trentième  degré  de  latitude  
 boréale, ; près  de  l’embouchure  du  fleuve  qui  baigne  
 les  murs  de Nankin. 
 Elles  ont dû,  pendant  ce  long  trajet,  parcourir  une  
 ligne  au  moins  de  quatre-vingts  degrés,  ou  de. mille  
 myria mètres : mais, d’après ce que nous avons déjà dit,  
 il  est  possible que,  pour  ce grand voyage,  elles n’aient  
 eu  besoin  que  de  dix  ou  onze  jours. 
 Et  quel  obstacle  la  température  de  l’air  pourroit-  
 elle  opposer  à  la  baleine  franche?  Dans  les  zones 
 * Duhamel,  Traité des -pêches;  pêche  de  la baleine,  etc. 
 brûlantes,  elle  trouve  aisément  au  fond  des  eaux  un  
 abri  ou  un  soulagement  contre  les  effets  de  la  chaleur  
 de  l’atmosphère.  Lorsqu’elle  nage  à  la  surface  de  
 l’Océan équinoxial,  elle  ne  craint  pas  que  l’ardeur du  
 soleil de  la zone torride dessèche  sa peau d’une manière  
 funeste,  comme  les  rayons  de  cet  astre  dessèchent,  
 dans  quelques  circonstances,  la  peau  de  l’éléphant  et  
 des  autres  pachydermes ;  les  tégumens  qui  revêtent  
 son  dos,  continuellement  arrosés  par  les  vagues,  ou  
 submergés  à sa  volonté lorsqu’elle  sillonne  pendant  le  
 calme la surface unie  de  la mer,  ne cessent de  conserver  
 toute  la  souplesse qui  lui  est  nécessaire  :  et  lorsqu’elle  
 s’approche  du  pôle,  n’est-elle pas  garantie  des  
 effets nuisibles du froid par la couche épaisse de graisse  
 qui la  recouvre? 
 Si  elle  abandonne  certains parages,  c’est donc  principalement  
 ou  pour  se  procurer  une  nourriture  plus  
 abondante,  ou  pour  chercher  à  se  dérober  à  la  poursuite  
 de l’homme. 
 Dans  le  douzième,  le  treizième  et  le  quatorzième  
 siècles, les baleines franches étoient si répandues auprès  
 des  rivages  françois,  que  la  pêche  de  ces  animaux y   
 étoit  très-lucrative ;  mais  ,  harcelées  avec  acharnement, 
  elles  se retirèrent vers des  latitudes  plus  septentrionales. 
 L’historien  des  pêches  des  Hollandois  dans  les mers  
 du  Nord  dit  que  les  baleines  franches  trouvant  une  
 nourriture  abondante  et  un  repos  très-peu  troublé 
 10