sant à des armes redoutables les deux élémens de la
force, la masse et la vitesse, avide de carnage, ennemi
audacieux, combattant intrépide, quelle plage de
l’océan n’ensanglante-t-il pas? On diroit que les anciens
mythologues l’avoient sous les yeux, lorsqu’ils ont
créé le monstre marin dont Persée délivra la belle
Andromède qu’il alloit dévorer, et celui dont l’aspect
horrible épouvanta les coursiers du malheureux Hippo-
lyte. On croiroit aussi que l’image effrayante de ce
cétacée a inspiré au génie poétique de l’Arioste cette
admirable description de Y orque , dont Angélique,
enchaînée sur un rocher, alloit être la proie près des
rivages de la Bretagne. Lorsqu’il nous montre cette
masse énorme qui s’agite, cette tête démesurée qu’arment
des dents terribles, il semble retracer les' principaux
traits du microps. Mais détournons nos yeux des
images enchanteresses qt fantastiques dont les savantes
allégories des philosophes, les conceptions sublimes
des anciens poètes, et la divine imagination des poètes
récens, ont voulu, pour ainsi dire, couvrir .la Nature
entière ; écartons ces voiles dont la fable a orné la vérité.
Contemplons ces tableaux impérissables que nous
a laissés le grand peintre qui fit l’ornement du siècle
de Vespasien. Ne serons-nous pas tentés de retrouver
les physétères que nous allons décrire, dans ces orques *
* Nous avons vu à l ’article de la baleinoplère rorqual, que la note de
Daléchamp sur le sixième chapitre du neuvième livre de Pline se rappor-
toit à cette baleinoptère ; mais l’orque du naturaliste de Rome ne peut
pas être ce même cétacêe.
que Pline, nous représente comme ennemies mortelles
du premier des cétacées, desquelles il nous dit quon
ne peut s’en faire une imagp. qu’en se figurant une
masse immense animée et hérissée de dents, et qui,
poursuivant les baleines jusque dan? les golfes les
plus écartés, dans leurs retraites les plus secrètes,
dans leurs asyles les plus surs,attaquent, déchirent et
percent de leurs dents aiguës , et les, baleineaux, et
lès femelles qui n’ont pas encore donné le jour à leurs
petits? Ces baleines encore pleines, continue le naturaliste
romain, chargées du poids de leur baleineau,
embarrassées dans leurs mouvemens, découragées dans
leur défense, affoiblies par les douleurs et les fatigues
de leur état, paroissent ne connoître d’autre moyen
d’échapper à la fureur des orques , qu en fuyant dans
la haute mer, et en tâchant de mettre, tout 1 océan
entre elles et leurs: ennemis. Vains efforts'. les orques
leur ferment le passage, s opposent a leur fuitç, les
attaquent dans leurs détroits, les pressent sur les bas-
fonds, les serrent contre, les roches. Et cependant,
quoiqu’aucun vent ne souffle dans les airs, la mer est
agitée par les mouvemens rapides et les coups redoublés
de ces énormes animaux ; les flots sont soulevés
comme par un violent tourbillon. Une de ces orques
parut dans le port- d’Ostie pendant que l’empereur
Claude étoit occupé à y fairq',faire des constructions
nouvelles. Elle y étoit entrée à la suite du naufrage de
bâtimens arrivés de la Gaule, et entraînée par les peaux